jeudi 21 juillet 2011

Direction nord


Billet écrit en collaboration avec Frédérick

La semaine dernière, nous avons quitté la Maison au fond de l'impasse (Trois-Rivières) en direction du Saguenay-Lac-St-Jean (plutôt prisé par les touristes) et du Nord-du-Québec (beaucoup moins visité, sauf par les esprits des manitous). Le trajet comptait un peu moins de 2 000 kilomètres, répartis sur six autoroutes principales (la 40, la 381, la 169, la 167, la 113 et la 155 - nous avons prudemment évité d'emprunter L'Autoroute du massacre cette année). Aperçu de l'itinéraire :

Après un passage à Québec et à Baie Saint-Paul, où nous étions également allés l'an dernier, les montagnes de Charlevoix n'ayant rien perdu de leur charme ni les cours d'eau de leur éclat, nous empruntons l'autoroute vers le Saguenay. Il y a peu de villages en chemin sur la 381, qui se caractérise par son relief très montagneux, assez vertigineux merci. Après avoir longé le parc national des Grands Jardins, nous faisons une halte à Ferland-et-Boileau, village du Saguenay, entouré de hauts sommets, comme le montre cette image, prise à la halte :

Nous traversons ensuite La Baie et Chicoutimi, puis Jonquière, où nous ne pouvons résister à une balade près de la Rivière-aux-sables. Souvenir :


Puis, direction Desbiens, village réputé pour sa grotte appelée "Le Trou de la fée". Nous espérions y aller pour, peut-être, y découvrir un passage secret conduisant vers un autre monde peuplé d'étranges créatures. Malheureusement, la grotte en question étant fermée pour l'été, nous avons dû refouler nos envies de spéléologie et de cryptozoologie. Mais le site est intéressant, offrant une randonnée dans une coulée, des ponts suspendus, un pont spatiotemporel (voir plus bas) qui permet de voyager dans le futur (sans en dévoiler les secrets, cependant), des ruines hydroélectriques, des chauves-souris en volière...

Entrée du site :
Moment science-fictif :
Mais la journée (pluvieuse) s'achève et nous devons regagner Alma où se trouve notre motel, bien entendu choisi pour son nom plein de promesses :

Bilan : endroit sympathique, quoique bruyant, même pour un vendredi (la faute aux perroquets titulaires). Mais Alma offre des charmes à proximité, comme en témoigne cette image :

Tout comme le "Rétro Dog" de Sainte-Monique-de-Honfleur, où nous n'avons pas pu nous empêcher d'entrer, en cherchant en vain le "rétro" dans la décoration.

Passé Sainte-Monique, près de Péribonka, le Lac St-Jean offre plusieurs paysages campagnards, comme celui-ci :


Sans oublier, à Dolbeau-Misstassini, les vestiges d'un défunt cinéma, dont le nom n'était pas sans nous faire rêver... Quel fut le dernier film à y être projeté ? Le Météore de la nuit ? Meteor Man ?

Arrivée ensuite à Sainte-Félicien, où nous avons choisi de faire escale. Plutôt que de visiter le zoo comme tout le monde, nous préférons flâner dans la ville, près de la marina et de la chute à Michel :
Avant de repartir le lendemain direction Nord, avec plus de 200 kilomètres en pleine forêt, dans un isolement singulier (seuls quelques cannibales se sont enfuis à notre approche, laissant derrière eux des ossements d'êtres indistincts, inidentifiables et certes très troublants pour l'observateur averti). Sur la route, peu de voitures et une unique halte, où nous avons capturé cette image :


Remarquez la végétation typiquement nordique... Finalement, arrivée à Chibougamau sous la pluie, dans un centre-ville tranquille :


Outre une promenade au parc Obalski, nous en profiterons, un peu honteusement, pour jouer une partie de... hum... mini-putt nordique ?

Devinez qui a gagné ?

Sur la route 113, en direction de l'Abitibi, que nous avons parcourue le lendemain, ne se trouvent presque pas de villes. Seules exceptions : Chapais, avec un peu plus de 2 000 habitants, Waswanipi, un village cri, et deux hameaux peuplés (?) d'une vingtaine de personnes, Desmaraisville et Miquelon. Nous faisons d'abord un arrêt à Chapais, au parc commémoratif. D'énormes insectes kamikazes se jetaient sur nous. Tels le crocodile de la mort du film éponyme, "ils croquent tout ce qu'ils trouvent".

Avant d'aller au cimetière amérindien, très émouvant, avec ses croix de bois entourées de fleurs abondantes... En comparaison, le cimetière de Chapais semblait froid et terne... Mais les images ne pouvant rendre compte réellement de l'ambiance, il faut aller à Chapais pour comprendre ! Extrait :
 Passé Chapais et une centaine de kilomètres quasi déserts, voici Desmaraisville, un des hameaux, avec son aspect un peu désuet.

Mais ce n'est rien en comparaison du second hameau, Miquelon,  érigé lors de la construction du chemin de fer vers l'Abitibi. Le pont où circulait jadis le train :

Et son ancien restaurant, particulièrement délabré...  Bon appétit !

Et que dire du motel en ruine, sur lequel le silence complet planait, légèrement inquiétant ? Le temps d'une halte sépulcrale, les routiers fous y trouvent un asile à la (dé)mesure de leur psyché tortueuse.
Mais trêve de propos gothiques, nous arrivons à Lebel-sur-Quévillon, ville au nord de l'Abitibi. Un aperçu caractéristique :

 Avant de repartir pour Chibougamau, et ensuite Roberval, avec sa superbe marina :


Et son motel au charme évident :


Ce qui met un terme à notre périple, en espérant que ce voyage, en différé, vous ait plu !


(L'album de photos complet est juste ici)

dimanche 10 juillet 2011

Le jeu des âmes mortes (extrait)


Dans le dernier numéro du fanzine Asile paraissait ma nouvelle "Le jeu des âmes mortes". Ce texte se distingue un peu de mes écrits habituels pour deux raisons : il s'inspire directement d'un roman (Les âmes mortes de Gogol, d'où le titre) et il fraie avec l'humour. D'ailleurs, si tout se passe bien, un autre de mes courts textes à saveur humoristique paraîtra cet automne. Mais qu'on ne se méprenne pas, je ne compte pas en prendre l'habitude ! Bref, pour l'instant, voici donc un extrait du "Jeu des âmes mortes", sorte d'"hommage" au roman de Gogol, dans lequel le personnage principal, Tchitchikov, achète sur papier des paysans décédés. Je me suis demandé ce qu'il adviendrait si ses "âmes mortes" n'étaient pas aussi trépassées qu'il le pensait...



Fragment apocryphe de la seconde partie des Âmes mortes, de Nicolas Gogol

Sibérie, été 1835.

Après plusieurs détours dans les chemins peu fréquentés de l’arrière-pays, Pavel Ivanovitch Tchitchikov demanda à Sélifane, son cocher, d’arrêter la britchka. Pétrouchka, son valet, soupira d’aise. Il était las, comme son maître, de sillonner les routes mal entretenues, les habitations se faisant de plus en plus rares au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans les terres dépeuplées.
Le regard fier, Pavel admira le périmètre de sa future colonie, dont les champs produiraient sous peu assez de vivres pour lui attirer l’estime des fermiers du sud. Économe et fin stratège, il ne doutait pas que peu de temps serait nécessaire avant qu’il ne croulât sous les richesses. Après tout, n’était-il pas parvenu à convaincre des dizaines de propriétaires de lui vendre au rabais les âmes mortes de leurs serviteurs décédés avant le recensement ? Le décès de ces vaillants domestiques n’étant enregistré nulle part, leur achat était sans contredit une manœuvre des plus rusées, pour qui savait faire bon usage de ces trépassés. Et puisque la richesse se mesurait au nombre de paysans possédés sur papier, ses acquisitions lui permettraient éventuellement d’épouser une jeune fille de bonne famille, dont la dote augmenterait son propre capital.
Pavel s’imagina les champs labourés qui borderaient sa demeure, lorsqu’il disposerait de véritables travailleurs. Un peu plus loin, une étable abriterait le bétail, à proximité d’un pâturage, tandis qu’un poulailler déborderait de volailles. Sans oublier le jardin potager et le verger, ainsi que le hangar pour la machinerie... Il donnerait le nom de Tchitchikovo aux environs, en son propre honneur, avec l’espérance que de fiers défricheurs décideraient bientôt d’immigrer dans son hameau nordique, inspirés par son succès. Pour l’instant, il n’avait pour possession qu’une grange fatiguée et une maison à demi en ruine, sur laquelle Sélifane et Pétrouchka commenceraient à travailler dès le lendemain. Ils avaient d’ailleurs failli manquer le bâtiment tant il se confondait dans les herbes hautes.

lundi 4 juillet 2011

Anecdotes surnaturelles


Dans le cadre de mes recherches de maîtrise, j'ai dû consulter, comme vous vous en doutez, plusieurs ouvrages qui s'intéressent de près ou de loin au diable. Et puisque l'un de mes chapitres s'attarde, entre autres, sur les influences livresques des Farfadets, j'ai bien entendu lu de nombreuses références sur le sujet. L'un de ces ouvrages, le Dictionnaire infernal de Collin de Plancy, m'a fait particulièrement passer un bon moment. L'auteur nous offre en effet une compilation de superstitions étonnantes, parfois drôles, parfois instructives, mais jamais ennuyantes. Si je constate que ces anecdotes intéressent quelques personnes, je pourrai récidiver avec d'autres livres semblables, compte tenu que je passe pas mal l'été avec ce genre de lectures !
Extraits :

- En Égypte, un maréchal ferrant étant occupé à forger pendant la nuit, il lui apparut un diable sous la forme d'une belle femme, qui le sollicitait à le caresser. Mais lui, quoique bel homme, était chaste et de bonnes moeurs ; c'est pourquoi, avant de se laisser séduire, il jeta un fer chaud à la face du démon, qui s'enfuit en pleurant...

- Un astrologue avait prédit la mort d'une dame que Louis XI aimait éperdument, cette dame mourut en effet, et le roi crut que la prédiction de l'astrologue en était la cause. Il le fit venir devant lui, avec le dessein de le faire jeter par la fenêtre. "Toi, qui prétends être né si habile homme, lui dit-il, apprends moi quel sera ton sort? " Le prophète, qui se doutait du projet du prince, et qui connaissait son faible, lui répondit : "Sire, je mourrai trois jours avant votre Majesté." le roi le crut, et se garda bien de le faire mourir.

- À Cracovie, un médecin polonais conservait dans des fioles la cendre de plusieurs plantes. Lorsque quelqu'un voulait voir une rose dans ces fioles, il prenait celle où se trouvait la cendre du rosier ; en la mettant sur une chandelle allumée, on commençait à voir remuer la cendre ; puis on remarquait comme une petite nue obscure qui, se divisant en plusieurs parties, venait enfin à représenter une rose si belle, si fraîche et si parfaite, qu'on l'eût jugé palpable et odorante, comme celle qui vient du rosier.

- Un bohémien changea des bottes de foin en pourceaux, et les vendit comme tels, en avertissant toutefois l'acheteur de ne laver ce bétail dans aucune eau. Mais, n'ayant pas suivi ce conseil, l'acheteur vit, au lieu des pourceaux, des bottes de foin nager sur l'eau où il voulait nettoyer ses bêtes.

- L'immortel Pascal croyait qu'un côté de son corps était de verre, et voyait toujours, à ce côté, un précipice. Il y mettait une chaise pour se rassurer.

- Qu'on mette pourrir la sauge, dans une fiole, sous du fumier, il s'en formera un ver, qu'on brûlera. En jetant sa cendre au feu, elle produira un horrible coup de tonnerre. Si on en mêle à l'huile de la lampe, toute la chambre semblera pleine de serpents.

- La corde de pendu porte bonheur, et fait gagner à tous les jeux ceux qui en ont dans leurs poches. Il est fâcheux qu'ont ait aboli le supplice du gibet !