mercredi 25 novembre 2015

Là où les ombres s'égarent

Il existe certains lieux plus "classiques" de l'exploration urbaine, pour ne pas dire cultes. L'ancien institut psychiatrique de Sainte-Clotilde-de-Horton fait partie de ces endroits qui sont pratiquement des passages obligés auprès des fervents de ruines. Le désavantage de ces bâtiments, toutefois, est sans contredit leur extrême fréquentation, qui a tendance à chasser les fantômes (l'asile serait prétendument... hanté !). Heureusement, notre petit groupe a pu profiter d'une accalmie des âmes errantes pour visiter la vieille construction en pierres aux fondations vacillantes. Entrons...






 


  (photos de Frédérick et de moi)

lundi 23 novembre 2015

Le Voyage insolite (émission du 16 novembre)


Philippe-Aubert Côté, Le jeu du démiurge, Alire, 2015, 717 p.


   Le jeu du démiurge, premier roman de Philippe-Aubert Côté, surprend d’emblée par son ampleur : 717 pages dans une police de caractères de petite taille. L’illustration de couverture de Grégory Fromenteau, qui met en scène un dragon mécanique survolant des milliers d’édifices, est à l’image de l’ambition de l’auteur. Connu pour sa minutie et son perfectionnisme, Philippe-Aubert Côté a en effet patiemment façonné son univers à travers la trentaine de chapitres de son volumineux ouvrage.

   Le roman s’articule autour de trois personnages phares masculins et/ou hermaphrodites : Takeo, un Mikaie qui, à l’instar de plusieurs personnes de son peuple, est en proie à la régression, ainsi que Nemrick et Rumack, deux amoureux éridanis, descendants d’humains, qui possèdent des talents de démiurges. La régression, alias le « mal de Rumack », affecte les Mikais depuis des décennies : sans « l’étincelle » fournie par les arbres-machines, les semblables de Takeo commencent à agir comme des singes. Takeo, jeune homme qui n’a pas froid aux yeux, entreprend alors, avec l’aide de Nemrick, un Ludis, de contrer la malédiction. Mais plusieurs protagonistes se mettront en travers de leur chemin, dont Sackurah, le personnage féminin le plus dense du livre. Pendant ce temps, les menaces de guerre grondent...

   Roman-fleuve aux multiples péripéties, Le jeu du démiurge est l’un de ces récits qui ne se résume pas aisément. Philippe-Aubert Côté y propose un univers personnel, bonifié par ses connaissances en biologie et sur les nanotechnologies. L’auteur a également pris soin de développer les rapports filiaux et amoureux entre ses différents protagonistes, ce qui donne à l’intrigue une bonne ampleur dramatique, même si la longueur du livre se prête moins facilement au suspense. La trame narrative est de surcroît portée par le style précis de l’écrivain, que l’on devine maintes fois peaufiné au fil des réécritures. En ce sens, peut-être Philippe-Aubert Côté a-t-il voulu décomplexifier le corps de l'ouvrage en adjoignant un lexique à la fin du roman, aspect qui ne m’a pas convaincue. En effet, le lexique, obligatoire à consulter, contient exclusivement des termes inventés par l’auteur (il ne s’agit pas d’un lexique historique optionnel, bienvenu dans de semblables publications), et le lecteur doit constamment s’y référer pendant les 150 premières pages. La meilleure méthode pour intégrer les informations regroupées dans le lexique aurait été sans contredit de les inclure dans le texte de manière fluide, tout en évitant l’infodump.

   Cela dit, Le jeu du démiurge est un roman à la construction intellectuelle, cérébrale, qui force le respect, d’une belle inventivité et d’une grande qualité. Comme les parutions d’une telle envergure en science-fiction québécoise ne courent pas les rues, c’est une publication à souligner. Quant à moi, ça m’a donné envie de m’envoler vers Selckin-2 !



François Lévesque, La noirceur, Éditions Alire, 2015, 256 p.


   La noirceur de François Lévesque, septième roman de l’auteur, se présente sous l’une des couvertures les plus saisissantes jamais parues chez Alire. En effet, la couverture, réalisée par l’écrivain lui-même, témoigne de manière particulièrement puissante des terreurs de l’enfance. La gueule ouverte de la créature pourrissante qui émerge des ténèbres promet le plus sombre des romans fantastiques. C’est dire si le livre s’offre esthétiquement sous les meilleurs augures ! De plus, nous comprenons rapidement que le thème de la maison hantée, qui recèle un potentiel certain pour qui sait en exploiter habilement les ficelles, sera à l’honneur.

Guillaume Kaminski et sa fille Daphnée, dont il a obtenu la garde après son divorce, viennent en effet de déménager dans la maison dont ils ont hérité. Le père de Guillaume, un homme secret et taciturne, est décédé à l’intérieur de son garage dans des circonstances quelque peu nébuleuses. Mais la mort du vieil homme n’est pas la seule à être entourée de mystères : en fait, Guillaume a presque tout caché de son passé à sa fille unique. Daphnée est ainsi mise devant le fait accompli après le déménagement. L’adolescente, qui soupçonne déjà sa mère narcissique de l’avoir abandonnée, ne pourra que laisser libre cours à sa colère. En plus, la maison est située à Sorel, à des kilomètres et des kilomètres de la demeure de Sophie, sa meilleure amie. Toutefois, Guillaume et sa fille sont loin d’être isolés dans cette vieille habitation, qui est visiblement l'hôte de forces occultes. Forces occultes dont ils ne tarderont pas à constater la malveillance...

Comme vous l’aurez compris dans le résumé qui précède, le fantastique déployé dans La noirceur est très classique, calqué sur le cinéma d’épouvante des dernières années (on croirait lire un scénario de film d’horreur réécrit pour en faire un roman). Le récit suit un cours prévisible qui surprend peu, sauf peut-être la finale, qui aurait gagné à être davantage préparée. Car, ce qui est mis de l’avant ici, c’est avant tout la relation père-fille entre Daphnée et Guillaume, ainsi que le langage coloré des adolescentes (qui occupe de nombreuses pages). La frayeur promise par la couverture est donc reléguée à l’arrière-plan, le livre ne parvenant pas à nous effrayer tel qu’escompté, par exemple dans cette scène : « à l’intérieur du placard [...] l’une des boîtes de jeu ressortit soudain, comme si une main invisible l’avait tiré. Il s’agissait de la boîte de la planche de Ouija » (p.35). 

Rappelons que le fantastique repose en grande partie sur ses ambiances et que la précision et le pouvoir d’évocation du vocabulaire sont essentiels à ce genre difficile. Et bien que l’écriture de François Lévesque soit plus aboutie dans La noirceur que dans Une maison de fumée, son roman précédent, elle ne réussit pas à recréer cette tension, cette atmosphère de vertige que recherche le lecteur de fantastique (alors que, par contre, les passages dialogués et ceux sur les relations familiales sont maîtrisés). La noirceur est donc un récit qui fait réfléchir sur les mécanismes du genre. Je le recommanderai aux lecteurs en quête d'une frousse qui ne les empêchera pas de dormir !

mardi 17 novembre 2015

Salon du livre de Montréal : une table ronde


J'ai déjà eu l'occasion de l'écrire ici : cet automne est plus tranquille au point de vue événements littéraires et salons du livre. Comme je n'ai pas de nouveautés (ma dernière parution en roman remonte à mai 2014), je n'ai pas, sans surprise, de séances de dédicaces prévues au Salon du livre de Montréal. Par contre, j'ai la chance d'être invitée à une table ronde intéressante, animée par le sympathique Billy Robinson. En voici les détails :

    Samedi 21 novembre - 17h  / La littérature de « genre », fantastique, horreur et science-fiction au Québec - Table ronde animée par Billy Robinson, librairie de Verdun
Avec Philippe Aubert-Côté, Ariane Gélinas et Vic Verdier / Maison des libraires


Avis aux fervents d'imaginaire québécois ! Et question de convaincre les indécis : une photo de mon raton-laveur domestique en pleine "action", dans un autre type de salon.

Je compte aussi, bien entendu, en profiter pour visiter le salon en tant que lectrice.


En espérant vous voir là-bas !

dimanche 15 novembre 2015

Le Voyage insolite (émission du 9 novembre)


Chris Beckett, Dark Eden, Presses de la cité, 2015, 414 p.


Originaire d’Angleterre, Chris Beckett est l’auteur de trois romans, dont Dark Eden (qui a mérité le prix Arthur C. Clarke). Présenté sous une couverture minimaliste et terne, Dark Eden nous convie à une odyssée singulière sur une planète qui doit sa chaleur et sa lumière à son activité géothermique et à la bioluminescence de sa flore. Autrement, Eden est plongée dans le noir. 

Pourtant, c’est sur cette planète qu’Angela et Tommy ont été contraints de s’installer il y a cent-soixante-quinze ans, à la suite d’un grave bris mécanique de leur vaisseau. Tandis que leurs trois collègues de mission tentaient de retourner sur Terre, Angela et Tommy, peu convaincus que le vaisseau était capable d’effectuer le voyage, ont choisi de demeurer sur Eden, la planète géothermique. Et le temps a passé sans que les secours daignent venir les chercher. Les enfants, puis les petits-enfants et les arrière-petits-enfants d’Angela et de Tommy se sont donc reproduits sur leur planète adoptive, fondant un clan nommé « Famille ». Jamais « Famille » ne s’est éloignée outre mesure de l’endroit où les spationautes demeuraient autrefois. Encore et toujours, les descendants d’Angela et de Tommy espèrent qu’un vaisseau en provenance de la Terre vienne les secourir. Mais le territoire que les nombreux habitants d’Eden occupent suffit de moins en moins à nourrir l’ensemble de la communauté. Conscient de ce problème qui ne peut que s’aggraver avec les années, John Lampionrouge, adolescent audacieux, convainc un petit groupe de jeunes d’aller explorer le territoire inconnu par-delà « Noirneige ». Son initiative troublera gravement la quiétude d’Eden...

L’une des forces de ce roman de Chris Beckett est indéniablement son cadre. L’auteur a en effet développé la planète Eden de manières fort inventive et intéressante, que ce soit dans sa faune ou dans sa flore. Les personnages, également, surtout John et Jeff, sont finement construits. Nous ressentons très bien l’envie d’exploration qui les anime, même si l’on peut s’étonner que les habitants d’Eden aient attendu 175 ans pour visiter leur territoire (et aussi pour régler certains problèmes de base comme de se fabriquer des chaussures !). En ce sens, la forte régression des "Edeniens", 175 ans après leur naufrage, peut paraître excessive. 

De plus, le langage employé par les protagonistes, très personnel et assez loin de la langue initialement parlée par Angela et Tommy, peut surprendre. Certes, la langue évolue et fluctue au cours du temps, mais à ce point en 175 ans ? Cela dit, cette langue excentrique confère un charme certain à Dark Eden, même si une période d’adaptation au style est nécessaire pendant les premiers chapitres.

Bref, Chris Beckett nous propose avec Dark Eden un roman de science-fiction initiatique fort sympathique, pourvu d’une narration polyphonique qui évite la monotonie. Une lecture agréable, accessible et originale, qui mérite son prix Arthur C. Clarke.

lundi 2 novembre 2015

Novembre au Nord

Novembre s'amorce par un nouveau défi qui m'enthousiasme tout particulièrement et sur lequel je peux maintenant lever le voile : je suis désormais directrice littéraire/chargée de projet à la revue de littérature et d'arts visuels Le Sabord (un périodique d'une très belle facture artistique qu'il vaut la peine de découvrir, si ce n'est fait). 

En plus, le premier numéro sur lequel je travaillerai portera sur une thématique qui semble prédestinée pour moi : le Nord ! Cet emploi dans le milieu de l'édition tombe à point, sans oublier que je suis ravie de travailler au sein de cette maison d'édition de Trois-Rivières que j'affectionne. Vivement, donc, de commencer à arpenter les territoires du Nord pendant la grisaille de novembre !