vendredi 24 octobre 2014

Le sabbat des éphémères et ses incarnations multiples

À temps pour souligner son premier anniversaire et pour célébrer l'Halloween, le recueil Le sabbat des éphémères poursuit ses métamorphoses : en effet, le livre est maintenant disponible en format numérique ! Et ce, au coût raisonnable de 8,99$ (lien vers le site des Libraires, où j'effectue la plupart de mes achats de livres en ligne).

Extrait de la nouvelle « Ombres jumelles », au sommaire du recueil :

Une lumière diffuse pénétrait par les lattes de la porte de la penderie, éclairant les coussins et les jouets que Floriane m’avait donnés. Pour que je me sente moins seule, elle m’avait offert plusieurs peluches ainsi que trois de ses poupées, qui me regardaient de leurs yeux morts, assises côte à côte contre l’un des murs. Chacune d’entre elles portait un prénom, contrairement à moi, ce qui m’avait toujours attristée. Je me vengeais parfois sur les poupées de Floriane, quand la solitude devenait trop lourde. Une énergie sauvage m’envahissait, qui me poussait à violenter ce qui m’entourait. Animée par la colère, je soulevais les jouets et les secouais jusqu’à ce que leurs yeux se renversent, que leurs articulations menacent de se briser. Je pleurais ensuite longtemps dans la pénombre, en pressant contre ma poitrine Olga, une vieille peluche usée, aux yeux arrachés, dont le rembourrage émergeait de toutes parts.

Bonne lecture !

mercredi 22 octobre 2014

Comiccon de Québec : ce samedi 25 octobre

La nouvelle a commencé à circuler : une table ronde sur la littérature d'horreur québécoise aura lieu samedi prochain au Comiccon de Québec. La discussion sera animée par Frédéric Raymond, et en plus de moi-même, les personnes suivantes prendront part au panel : Anne-Marie Bouthillier, Frédérick Durand et Jonathan Reynolds.

Voici le descriptif glané sur le site de l'événement :

15 h-16h    Qui sont les maîtres de l’horreur au Québec? (salle 301b)
Qui, au Québec, est le roi du slasher, le maître de l’épouvante, le seigneur du gore? Quand a été écrite la première scène d’horreur québécoise? Quel livre est le plus sanglant? Comment se portent les monstres d’ici? Zombies, loups-garous, fantômes, cannibales… quelle place occupent-ils dans nos livres d’horreur? Un groupe d’auteurs et d’éditeurs passionnés par l’épouvante dressent le portrait de notre littérature d’horreur.

L'anthologie Dix ans d'éternité sera aussi disponible sur place, en plus des publications de La maison des viscères, des Six brumes et de Clair/obscur.

Alors, si vous êtes dans les environs...

mardi 21 octobre 2014

Le Voyage insolite (émission du 20 octobre)


Jean-Marc Ligny, La mort peut danser, Gallimard (Folio SF), 2014, 383 p.

Paru en 1994 aux éditions Denoël, La mort peut danser vient d’être réédité vingt ans plus tard dans la collection Folio SF de Gallimard. Ce roman s’inspire très librement de la formation Dead Can Dance, dont le nom donne son titre au roman (les titres de chapitres sont également ceux de pièces musicales du groupe). Toutefois, il ne faut pas croire qu’il s’agit d’une biographie romancée... et l’on serait bien naïf de le penser étant donné la forte teneur fantastique du récit !

La mort peut danser s’articule autour de Bran (Brendan) et d’Alyz (Lisa), le duo de Dead Can Dance. À la suite d’une succession de prémonitions d’Alyz, le couple quitte l’Australie pour l’Irlande. Ils s’installent dans un manoir du XIIe siècle, dans lequel Alyz aura très tôt des visions. Graduellement, sa réceptivité au lieu s’accentue, et elle devient par moments possédée par l’âme d’une sorcière et prophétesse à la voix sublime, brûlée vive en 1181. Dès lors, les existences d’Alyz et de la jeune sorcière et poétesse, Forgaill, se confondent, ce dont rendent compte les chapitres, qui alternent entre les XIIe et XXe siècles. Le chant d’Alyz devient littéralement transcendé par celui de Forgaill, qui s’exprime en gaélique (langue que la chanteuse moderne ne connaît pas). Les compagnies de disques ne tardent pas à s’intéresser à cette formation des plus insolites qu’est devenue Dead Can Dance. Mais les histoires de possession ne sont jamais simples...

Avec ce roman de près de quatre cents pages, Jean-Marc Ligny montre sa grande connaissance du groupe qu’il met en scène, de même que de l’Irlande ancienne et actuelle. Quelques-uns des plus beaux passages du livre sont ceux dans lesquels il dépeint l’Irlande avec une affection apparente. La possession d’Alyz est aussi rendue avec un onirisme fort à propos. De plus, les connaissances de l’auteur sur l’Irlande et les légendes celtiques ne sont jamais plaquées, mais intégrées de manière limpide au récit. Et comme l’histoire est fluide, on ne s’ennuie pas au cours de la lecture, à tout le moins si l’on apprécie les ouvrages à saveur celtique et fantastique.

Cependant, comme les chapitres alternent entre les récits de Forgaill et d’Alyz, la comparaison entre les deux parties est inévitable. Pour ma part, j’avais toujours hâte que les sections au sujet de Forgaill se terminent pour laisser place à Alyz. De surcroît, alors que le personnage d’Alyz est particulièrement incarné, celui de Bran l’est beaucoup moins ; j’ai eu de la difficulté à percevoir son intériorité et la raison de certaines de ses réactions. Il faut également ne pas être las des histoires de possession pour apprécier à sa juste mesure La mort peut danser.

Bref, un roman à l’atmosphère irlandaise saisissante, qui m’a donné encore plus envie de mettre les pieds en Irlande. Et de découvrir plus avant Dead Can Dance, dont je ne connais qu’une unique pièce pour l'instant... Mais plus pour longtemps !

jeudi 16 octobre 2014

Salon du livre de l'Estrie

Le salon du livre de l'Estrie (mon premier salon de l'automne) commence aujourd’hui ! Cette année, je serai sur place le samedi et le dimanche, principalement au kiosque des Six brumes, mais aussi à celui de Druide (Crimes à la librairie).


Détail des séances de dédicaces :

416 Six brumes : Le sabbat des éphémères, Dix ans d'éternité et 6, Chalet des brumes /Samedi:14h30-18h /Dimanche:10h-12h 
215 Druide : Crimes à la librairie /Samedi: 18-19h 


Au plaisir d'échanger avec vous !



mercredi 15 octobre 2014

Dix ans d'éternité maintenant en librairie + retour sur le lancement !

Le comité de réalisation de l'anthologie et les éditeurs de Brins d'éternité tiennent à remercier chaleureusement tous ceux qui sont venus au lancement du 11 octobre dernier. Le troisième étage de l'Amère à boire était bien rempli pour ce lancement collectif des Six brumes et de Brins d'éternité, près d'une soixantaine de personnes s'étant déplacées. Et que dire de l'effervescence suscitée par les littératures de l'imaginaire, particulièrement perceptible ? Merci à tous ceux qui contribuent à les faire vivre en ces temps quelque peu incertains pour le milieu du livre.

Vous pouvez donc contribuer à faire "vivre" cette littérature inventive que nous aimons tant, notamment en parlant de nos livres autour de vous, l'anthologie étant justement en librairie depuis hier. Que de travail derrière cet ouvrage colossal de plus de 400 pages ! Mais le résultat en vaut la peine, comme nous en ont déjà fait part quelques lecteurs enthousiastes. D'ailleurs, parlant de lecteurs enthousiastes, voici quelques souvenirs photographiques de cet événement mémorable que fut le lancement  (photos de Carmélie Jacob et de moi-même).

 
 Pendant les discours :
 Une partie de la foule, quelques visages connus : Gabrielle Syreeni, Ève Patenaude, Isabelle Lauzon et Geneviève Blouin
 Entre autres : Chantal Fournier, Pierre-Alexandre Bonin et Sabrina Raymond
 On peut voir ici Emmanuel Trotobas, Josée Lepire, Démie Lecompte et Federico Alonso.

Notre nouveau directeur de la section articles, Sébastien Chartrand, en pleine discussion avec Jonathan Reynolds.


jeudi 9 octobre 2014

Dans la forêt somnambule

Alors que paraîtra ce samedi ma nouvelle "Dans la forêt somnambule" dans le collectif 6, Chalet des brumes (un rappel en passant à propos du lancement de Brins d'éternité et des Six Brumes), je vous invite à une promenade d'automne insolite dans les bois de Saint-Paulin.

Lentement, nous avançons dans la forêt muette, où le temps semble suspendu, seules les feuilles mortes craquant de temps à autre sous nos semelles.

Sur l'écorce scarifiée d'un hêtre, un ours a laissé son empreinte acérée. Aucune autre trace apparente de l'animal : est-il en train de nous épier derrière un arbre mort ?
Aux aguets, nous continuons de marcher sous la pénombre des arbres voûtés. Un peu plus loin, quelqu'un a placardé une étrange petite porte de bois dans le roc.
Voyons ce qu'il en est de plus près...
Qu'essaie-t-on exactement d'empêcher de sortir ?
La forêt somnambule conservera pour l'instant ses secrets...

mardi 7 octobre 2014

Le Voyage insolite (émission du 6 octobre)


Richard Ste-Marie, Repentir(s), Alire, 2014, 336 p.

Repentir(s) est le troisième roman de Richard Ste-Marie à paraître aux éditions Alire (et le premier en grand format). Je précise toutefois que le second de ses livres publié chez Alire était une réécriture de son tout premier ouvrage, Un ménage rouge, édité dans un premier temps chez Stanké. C’est en outre la troisième fois que j’ai l’occasion de m’intéresser à une publication de Ste-Marie dans le contexte de l'émission, puisqu'il est un auteur que j’apprécie particulièrement (et que j’ai eu l’honneur de côtoyer dans le collectif Crimes à la librairie).

C’est donc avec enthousiasme que je me suis plongée dans Repentir(s), intitulé à l’origine L’esprit des lieux (titre qui ne convenait pas vraiment au roman, d’ailleurs). Nous y retrouvons Francis Pagliaro, sergent-enquêteur présent dans les deux précédents livres de Ste-Marie. Pagliaro est en quelque sorte le « demi-héros » du récit, car environ un chapitre sur deux suit le parcours d'un criminel, lié d’une manière ou d’une autre à l’homicide sur lequel Pagliaro enquête. Il ne s’agit pas de n’importe quel crime : Gaston « Faby » Lessard, propriétaire de la galerie Arts Visuels Actuels, a trouvé la mort sur son lieu de travail, en compagnie du lieutenant de police Frédéric Fortier. Tous deux ont été poignardés à l'aide d'un couteau sculpté, exposé dans la galerie, qui a été étrangement remis en place après usage.

Pagliaro entreprend dès lors de s’initier au milieu des arts visuels, allant de découverte en découverte à propos des activités de Faby Lessard. En parallèle, le criminel, surnommé « le garçon », et son ami Samuel s’intéressent de plus en plus près aux natures mortes. Ce qui finira par avoir de fâcheuses conséquences dans la petite communauté de Lac-Frontière...

Avec Repentir(s), Richard Ste-Marie nous propose encore une fois un polar/roman noir au suspense soutenu, même si les chapitres criminels m’ont paru plus frappants que les autres. Il faut dire que l’auteur dépeint le sordide avec tant de finesse que l’enquête avait des chances de sembler plus falote en comparaison. De plus, nous retrouvons moins les traits de caractère de Pagliaro qui m’avaient tant plu dans L’Inaveu : ses réflexions teintées de philosophie, son amour inconditionnel pour Lisa, qu’il aime toujours autant, mais qui est en retrait dans ce livre...

Là n’est pas l’intérêt principal de Repentir(s), à mon avis, mais plutôt dans l’intégration des connaissances du milieu des arts visuels (que Ste-Marie connaît de l’intérieur, étant lui-même un artiste visuel) qui font de ce récit un polar/roman noir pictural unique en son genre. Roman qui atteint des sommets quand Ste-Marie prend le partie de dépeindre la psyché des criminels. Un auteur à suivre de près !



Claude Champagne, Écrire le mal, Éditions Druide, 2014, 268 p.

Avant d’écrire un roman pour adultes, Claude Champagne a signé plusieurs pièces de théâtre et livres pour la jeunesse. Écrire le mal, qui vient de paraître aux éditions Druide, est donc son premier roman destiné à ce lectorat. L’ouvrage se présente sous une couverture blanche avec un titre stylisé qui m’a rappelé la collection « L'imaginaire » de Gallimard. Toutefois, il ne faut pas se méprendre : le livre de Claude Champagne n’a pas de parenté, autre que visuelle, avec la célèbre collection.

Écrire le mal est sans contredit un roman hybride, à mi-chemin entre le polar et l’autofiction, bien qu’il tende davantage vers le dernier genre, les fervents de polar plus classique risquant de ne pas y trouver leur compte. Mais voyons d’abord ce que l’histoire nous réserve. L'écrivain Jean Royer hérite de l’agence de détectives de son père, qui vient de décéder (il s'agit là d'éléments autobiographiques). Au départ déterminé à revendre son héritage, Jean se lance bientôt dans une enquête, qui prend pour point de départ des animaux retrouvés cloué aux arbres d’un parc. En remontant le fil de l’enquête, Jean interroge le propriétaire d’un chenil. Ce dernier lui mentionne l’existence d’un ancien employé qui aurait torturé un chien. Comble de chance, l’ex-travailleur avait justement caché son journal intime dans sa chambre (sous son matelas), et Jean pourra en apprendre davantage sur ses cruelles motivations (ce qui rejoint l’idée du « mal » dans le titre). Des extraits de son journal ponctuent dès lors le roman, lui-même raconté par l’entremise du journal de Jean. De temps à autre, les carnets d’enquête de son père, qui recherche la fille disparue de son fils, s’intercalent entre les différentes parties. Car ce qui obsède réellement Jean, ce ne sont pas tant les animaux torturés ni les cadavres qui jonchent son chemin, mais la disparition, survenue voilà six ans, de Charlotte, sa fille...

Les moments les plus poignants d’Écrire le mal concernent la quête de cette fille absente, qui prend sa source directement dans le vécu de l’auteur. Claude Champagne puise abondamment dans l’autofiction, genre avec lequel je confesse avoir peu d’affinités. Ajoutons à ceci le fait que le personnage principal est lui-même un écrivain (très semblable à l’auteur de ce livre, justement), et l’exercice peut devenir périlleux, particulièrement à notre époque, étant donné la pléthore de récits déjà existants dont les narrateurs sont des écrivains en quête d’inspiration. Cela dit, la force de cet ouvrage prend sa source dans l’enchâssement des différents journaux (le journal du criminel, surtout, s'avère captivant). L’histoire est aussi intrigante et apte à piquer la curiosité. Il reste tout de même que j’ai senti une improvisation dans la trame narrative, improvisation que le romancier ne cache d’ailleurs pas dans sa notice biographique. Et comme nous avons affaire à un polar, genre qui se prête plus ou moins bien aux élans impromptus...

Roman métissé, Écrire le mal devrait plaire aux amateurs de récits qui combinent suspense et autofiction. Je profite en terminant de l'occasion pour saluer l'initiative des éditions Druide de publier, depuis leur fondation en 2012, des polars de qualité.
  

samedi 4 octobre 2014

Le Voyage insolite (émission du 29 septembre)


Jean-Pierre April, Travailleur du texte, Éditions Trois-Pistoles, collection « Écrire », 2014, 173 p.

Vous connaissez peut-être la collection « Écrire » des éditions Trois-Pistoles, qui rassemble une quarantaine d’ouvrages à ce jour. Le mandat de cette collection qui regroupe exclusivement des auteurs québécois est d’interroger ces écrivains sur le « comment » et le « pourquoi » de leur écriture. Dans l’un des derniers opus parus, Jean-Pierre April s’est prêté à l’exercice. Et comme l’auteur a actuellement 66 ans, le moment était bien choisi pour revenir sur ses premiers pas littéraires.

 Jean-Pierre April s’attarde donc, dans les trois premiers chapitres, sur son enfance en nous parlant notamment de la maison familiale, qui était dépourvue de livres (ce qui semble être le cas de plusieurs auteurs en devenir), et de son père qui « parlait en silence ». Dans ces passages introductifs, April décrit surtout ses aînés, une certaine retenue émotive traversant l’ensemble de l'essai. L’écrivain, reconnu pour ses phrases-chocs, n’y va pourtant pas de main morte avec son désir de susciter la polémique, mais il conserve une certaine pudeur en ce qui a trait à lui-même. April dira d’ailleurs qu’il a considérablement réécrit cet ouvrage, qui adoptait au départ une approche plus théorique de l’écriture (il voulait même parler du schéma de la communication de Jakobson... heureusement qu'il s'est ravisé !). Nous ne pouvons que saluer cette approche plus intimiste permettant de mieux saisir le parcours de cet auteur qui a frayé avec la science-fiction et avec la littérature générale.

 J’ai particulièrement apprécié les passages qui traitent de la difficile réalité de l’édition et du statut de la plupart des écrivains au Québec, qui ne gagnent que de maigres dollars contre une somme de travail souvent importante. April affirme donc « écrire par nécessité », et ce, depuis l’enfance, ce besoin étant clairement illustré dans son essai.

 Travailleur du texte s’adresse surtout aux fans de l’auteur et à ceux qui aimeraient découvrir l’œuvre d’April, qui compte une douzaine de titres à ce jour. Il faut toutefois avoir une affection particulière pour les jeux de mots, dont l’écrivain assaisonne tous ses textes, cet essai n’échappant pas à cette tendance. Bref, cet ouvrage vient enrichir la collection « Écrire », incontournable pour mieux connaître les auteurs québécois et leur démarche !