samedi 27 décembre 2014

Le Voyage insolite (émission du 15 décembre)


René Barjavel, Le prince blessé et autres nouvelles, Folio, 2014, 235 p.

Auteur du très réussi La nuit des temps, René Barjavel a publié une vingtaine de livres au cours de sa carrière. Cet écrivain prolifique a étonnamment produit peu de nouvelles, soit les dix-sept qui se trouvent au sommaire du recueil Le prince blessé. Cet ouvrage que réédite Folio a donc l’avantage de regrouper l’intégrale des nouvelles de Barjavel, en ordre chronologique de surcroît. Ce choix éditorial en fait sans contredit une curiosité pour les lecteurs qui auraient parcouru l'ensemble de son œuvre. Pour ceux qui aimeraient découvrir Barjavel, par contre, il faut savoir que l’écrivain aborde systématiquement la nouvelle avec légèreté et ludisme, souvent avec une tonalité humoristique, comme s’il s’agissait d’un espace de délassement. Il ne faut donc pas chercher ici des effets poignants, mais plutôt des textes amusants.

La nouvelle qui donne son titre au recueil est l’une des histoires les plus mémorables, avec la quête amoureuse couronnée de malchances d’Ali, qui s’éprendra d’une actrice d’avant-garde. Teinté de fantastique, surtout dans sa finale, ce récit, à mon sens plus ambitieux que les autres du recueil, possède une belle ambiance moyen-orientale.

Suivent des nouvelles plus légères, « Monsieur Léry », « Les enfants de l’ombre » et « Monsieur Charton », dont je retiens davantage la dernière, qui m’a fait sourire grâce à son mimosa capable de se mouvoir.

Quatre nouvelles, réunies sous le titre « Les bêtes », forment en quelque sorte des intermèdes qui ne m'ont pas paru particulièrement frappants.

Nouvelle douce-amère de ce recueil, « Les mains d’Anicette » met en scène une fillette du même nom, qui, lorsqu’elle prend de l’eau au creux de ses mains, peut montrer l’avenir fantasmé des gens... Problèmes en perspective !

Je passe sur « Péniche » et « La fée et le soldat », deux textes qui abordent la guerre, le second, de manière un peu plus touchante, même si nous restons encore et toujours dans l’humour (nous avons ici une fée qui s’appelle Pivette, par exemple, et qui se retrouvera au septième ciel).

Quelques mots finalement sur la dernière nouvelle, « Béni soit l’atome », qui reprend le thème de la guerre, mais cette fois à une échelle cosmique. Il en résulte une histoire de science-fiction maîtrisée, qui vient clore le recueil d’une belle façon.

Bref, si vous aimez Barjavel ou si vous cherchez un recueil de nouvelles ludique et léger, vous apprécierez sans doute Le prince blessé et autres nouvelles.


vendredi 19 décembre 2014

2014 en 10 billets

Comme j'ai écrit trop peu de billets cette année pour en sélectionner quatorze, en voici dix qui témoignent à mon avis d'éléments marquants, essentiellement littéraires, mis en ligne sur ce blogue cette année.

Mars : Parution du collectif Crimes à la librairie, juste à temps pour le Salon du livre de Trois-Rivières. Le collectif continue à faire son chemin en cette fin d'année ! 


(photo de France Lapierre)


Mai : Parution d'Escalana

- Congrès Boréal et Printemps meurtriers de Knowlton
(photo d'Anne-Marie Bouthillier)

Juin : Voyage en compagnie de Frédérick aux Iles de la Madeleine

Octobre : Lancement collectif avec les Six brumes, entre autres de l'anthologie Dix ans d'éternité

- Salon du livre de l'Estrie
- Comiccon de Québec
(photo d'Alain Jetté)

Novembre : Salon du livre de Rimouski
- Salon du livre de Montréal

(photo tirée de l'album officiel du Salon du livre de Rimouski)
(photo de Pascale Raud)

Décembre : Petit voyage au New Hampshire

Bonnes vacances à tous !

mercredi 10 décembre 2014

Le Voyage insolite (émission du 8 décembre)


Robert W. Chambers, Le roi en jaune, Le livre de Poche, 408 p. (à paraître en janvier)

Il y avait un bon moment que le recueil Le roi en jaune de Robert W. Chambers m’intriguait. Chambers aurait en effet été l’une des influences importantes de Lovecraft, auteur qui m’a marquée à l’adolescence. Je m’attendais donc à découvrir un imaginaire sombre, baigné d’une oppressante atmosphère d’épouvante. Est-ce que ce fut le cas ? Oui et non, étant donné l’éclectisme des dix nouvelles de ce recueil, mal agencées à mon avis.

La première moitié du livre commence toutefois très fort, avec des textes phares rattachés au titre du recueil. Les quatre premières nouvelles reprennent des motifs récurrents assez terrifiants, soit le « roi en jaune », une entité maléfique, le symbole du « signe jaune » et une pièce de théâtre en trois actes, maudite comme il se doit. Chambers y déploie de très belles idées, notamment dans la nouvelle d’ouverture, « Le restaurateur de réputations », dans laquelle un vieil homme visiblement cinglé, M. Wilde, a comme étrange métier de réparer les réputations. Ici, comme dans « Le masque », le second texte du recueil, je suis restée assise au bout de ma chaise, fascinée par les mystères que dépeint Chambers avec une grande finesse. Dans « Le masque », l’ami du narrateur, Boris, crée une substance qui pétrifie les êtres vivants qui y sont immergés. Bien entendu, son invention aura une portée inusitée... 

Autre nouvelle hypnotique, « Le signe jaune », où l’existence d’un peintre est bouleversée par la vision d’un homme aux chairs affaissées qui erre près d’une église. Ce dernier et Tessie, sa modèle, seront hélas en contact avec la sinistre pièce du « roi en jaune »...

« La cour du dragon » prend également une église pour cadre, dans laquelle le narrateur, aussi lecteur du « roi en jaune », est troublé par le jeu inattendu et diabolique d’un organiste. Nous retrouvons dans ce récit le sentiment d’épouvante suscité dans nouvelles précédentes, maîtrisé avec doigté.

Cinquième nouvelle du recueil « La demoiselle d’Ys », dépaysante à souhait, m’a aussi procuré un bon moment de lecture à vagabonder sur les landes intemporelles dans lesquelles se retrouve le narrateur après s’être égaré.

Je passe sur « Le paradis du prophète », succession de brefs textes poétiques peu mémorables, pour retenir finalement « La rue des Quatre-vents » et son félin messager d’une funeste nouvelle. Pour la dernière fois, avant que le recueil se termine sur trois nouvelles longues et plutôt ennuyantes, souvent rattachées au genre de la romance, l’auteur réussit à distiller habilement l’épouvante. Hélas, les trois derniers textes, drames de mœurs sans grand relief, m’ont déçue. Pourquoi ne pas avoir profité de cette réédition* pour enlever ces histoires qui font figure de pièces rapportées, et, ce faisant, conserver l’intensité de ce projet singulier qu’est Le roi en jaune (cela dit, je comprends le souci de rééditer le recueil dans sa forme intégrale) ?

Quoi qu’il en soit, j’ai été heureuse de découvrir Robert W. Chambers, qui propose dans ce recueil plusieurs nouvelles qui sauront certainement plaire aux fervents de fantastique à l’ancienne à saveur horrifique... du moins, s’ils omettent de lire les derniers textes !

*comme il s'agit d'une exemplaire de presse, la réédition du Livre de poche n'est pas encore disponible en librairie. Elle le sera en janvier 2015.

lundi 8 décembre 2014

Décembre au New Hampshire

Pour fêter nos trente ans respectifs, mon amie Andrée-Anne (avec qui je suis allée à Terre-Neuve et en Alaska) et moi avons décidé d'aller passer une fin de semaine au New Hampshire. Bien entendu, les voyages en hiver sont parfois hasardeux, comme nous avons pu le constater au cours de la journée de samedi, neigeuse et passablement brumeuse. Par contre, nous avons pu admirer à satiété les fameuses White Mountains le lendemain. Aperçu de l'itinéraire :
Quelques images en guise de souvenirs :

Arrivée au New Hampshire, après avoir traversé la frontière du Vermont - j'aime bien le côté "sans concession" de la devise du New Hampshire

The White Mountains dans le brouillard :
 

Et par temps clair :
Manchester, ville la plus populeuse de l'État :
Et Portsmouth, ville portuaire comme son nom l'indique, tout près du Maine :

Petit cimetière à l'ancienne :
 Et son caveau familial placardé de mousse :
Sur l'un des sommets, près de Barlett :
Et puis le retour...

Quelques autres images se trouvent à cet endroit : New Hampshire - Album

mardi 2 décembre 2014

Le Voyage insolite (émission du 1er décembre)


Solaris no 192, automne 2014, Lévis, Alire, 160 p.

Afin de célébrer les quarante ans d’existence de Solaris, l’équipe de la revue a eu la bonne idée de concocter un numéro spécial avec quarante auteurs au sommaire. Ces quarante écrivains, qui ont tous publié dans le périodique au fil des années, proposent donc, essentiellement pour des questions d’espace (le magazine compte comme à son habitude 160 pages), des nouvelles de 2 ou 3 pages, totalisant environ 750 mots chacune. L’exercice des textes brefs dévoile parfois une autre facette des collaborateurs ici réunis, plusieurs d'entre eux ne pratiquant pas fréquemment la micronouvelle. Nous retrouvons par conséquent dans ce numéro anniversaire des écrivains de la première heure, comme le fondateur de Solaris, Norbert Spehner, sans oublier Daniel Sernine, Élisabeth Vonarburg, Esther Rochon, Francine Pelletier et Jean Pettigrew. Des petits « nouveaux », comme Josée Lepire et Sébastien Chartrand, complètent le sommaire de ce numéro. Autre particularité de l’exercice : chaque auteur s’était vu remettre une liste de quarante thèmes de l’imaginaire, parmi lesquels il devait en choisir un (les thèmes sont d’ailleurs identifiés sur la première page de chaque contribution).

Il serait bien entendu difficile de commenter chacun des textes ; je me contenterai donc de mentionner mes coups de cœur. D’abord, « Pour son œil seulement », de Joël Champetier, qui parvient à atteindre en quelques pages une grande intensité. Sous le thème « Machines et gadgets », l’auteur nous propose un enlèvement oculaire, comme le laisse présumer le titre. Un concentré efficace, au rythme trépidant !

Avec « S’adapter », Natasha Beaulieu réussit à rendre en deux pages l’ambivalence de Soukie face au monde post-apocalyptique toxique où elle évolue. Monde dans lequel certains individus la fascinent, départis de leurs habits protecteurs... Une nouvelle bien menée, qui se termine par une phrase-choc à point.

« Bercement » de Sylvie Bérard, sous la thématique de « Mutations », est une autre de mes contributions favorites du numéro. Nous y suivons l’établissement de la narratrice sur Anjot 688c, planète à la végétation pour le moins étrange. Une histoire énigmatique et fascinante, portée par la belle plume de l’écrivaine.

« Mon nom est légion » de David Dorais est un texte atypique, au ton unique. Difficile à résumer, il s’agit d’une expérience en soi. Une nouvelle qui se démarque assurément, dans laquelle vous ne regretterez pas de vous être immergé.

Autre coup de cœur : « Le vingt-huitième jour » de Brian Eaglenor, pseudonyme d’Alain Bergeron. Nous suivons ici un homme dont le corps est en train de se recouvrir d’ongles... Une belle idée, bien décrite et bien exploitée, à faire frémir...

Une mention aussi pour « Sentence incarnée » de Geneviève Blouin, nouvelle efficace sur la réincarnation, avec une chute qui tombe comme un couperet.

Au programme également de ce numéro anniversaire : « Enquête sur les classiques de science-fiction », du toujours intéressant et érudit Mario Tessier, et l’instructif dossier Sci-néma du tout aussi compétent Christian Sauvé. 

Vous n’avez pas encore ce numéro très spécial de Solaris ? Courez vous le procurer et joignez-vous sans attendre aux festivités !


Alibis no 52, Automne 2014, Lévis, Alire, 160 p.

Alors que Solaris fête ses quarante ans, sa petite sœur Alibis, consacrée à la littérature noire et au polar, nous propose son cinquante-deuxième numéro. Le tout en couleur, car rappelons-le, les revues Solaris et Alibis sont désormais imprimées en quadrichromie !

Jean Charbonneau, auteur de Tout homme rêve d’être un gangster, ouvre le bal des fictions avec « Éducation à la napolitaine ». Marc, le jeune narrateur, se rend seul à Naples pour exécuter les dernières volontés de sa grand-mère. Mais ce qu’il découvrira sur l’existence de ses cousins ne sera pas sans le surprendre... Un récit efficace et travaillé, dans lequel la tension est palpable. De quoi donner envie de lire les romans de Jean Charbonneau !

François Leblanc propose pour sa part « Et tout s’éteint », la fiction la plus brève et sans doute la moins mémorable du numéro. Il s'y intéresse aux circonstances nébuleuses entourant la mort de Jason Blueboy. On ne s’ennuie pas dans cette histoire de boxe, mais elle manque peut-être d’intensité, surtout placée entre deux textes particulièrement percutants.

Comme souvent lorsque Camille Bouchard collabore à Alibis, il signe l’un des meilleurs textes du numéro, cette fois-ci avec « Pourquoi se battent les chiens ». Bouchard poursuit sa série sur les caïds mexicains par le biais d’un crime sexuel impliquant un auteur jeunesse. Mais le crime sent quelque peu le coup monté... Comme d’habitude, l’écrivain réussit à rendre ses personnages poignants, à incarner leurs sentiments ainsi que les décors sud-américains, qu’il connaît visiblement très bien. À quand un recueil rassemblant tous les textes appartenant à cette série mexicaine ?

L’article sur Richard III de Norbert Spehner est pour sa part instructif et particulièrement original. On en apprend aussi davantage sur Maxime Houde dans l’entretien qu’il accorde à Pascale Raud, même si l’on sent qu’il répond parfois aux questions du « bout des lèvres ». Suivent l’indélogeable et bien documentée chronique cinéma de Christian Sauvé, au ton agréablement pince-sans-rire, et de nombreuses critiques de livres. 

Bref, un numéro d’Alibis de très bonne tenue !