Robert W. Chambers, Le roi en jaune, Le livre de Poche, 408 p. (à paraître en janvier)
Il y avait un bon moment que le recueil Le roi en jaune de
Robert W. Chambers m’intriguait. Chambers aurait en effet été l’une des
influences importantes de Lovecraft, auteur qui m’a marquée à l’adolescence. Je
m’attendais donc à découvrir un imaginaire sombre, baigné d’une oppressante
atmosphère d’épouvante. Est-ce que ce fut le cas ? Oui et non, étant donné
l’éclectisme des dix nouvelles de ce recueil, mal agencées à mon avis.
La première moitié du livre commence toutefois très fort,
avec des textes phares rattachés au titre du recueil. Les quatre premières
nouvelles reprennent des motifs récurrents assez terrifiants, soit le
« roi en jaune », une entité maléfique, le symbole du « signe
jaune » et une pièce de théâtre en trois actes, maudite comme il se doit.
Chambers y déploie de très belles idées, notamment dans la nouvelle d’ouverture,
« Le restaurateur de réputations », dans laquelle un vieil homme
visiblement cinglé, M. Wilde, a comme étrange métier de réparer les
réputations. Ici, comme dans « Le masque », le second texte du
recueil, je suis restée assise au bout de ma chaise, fascinée par les mystères que
dépeint Chambers avec une grande finesse. Dans « Le masque », l’ami
du narrateur, Boris, crée une substance qui pétrifie les êtres vivants qui y
sont immergés. Bien entendu, son invention aura une portée inusitée...
Autre nouvelle hypnotique, « Le signe jaune », où
l’existence d’un peintre est bouleversée par la vision d’un homme aux chairs
affaissées qui erre près d’une église. Ce dernier et Tessie, sa modèle, seront
hélas en contact avec la sinistre pièce du « roi en jaune »...
« La cour du dragon » prend également une église pour
cadre, dans laquelle le narrateur, aussi lecteur du « roi en jaune »,
est troublé par le jeu inattendu et diabolique d’un organiste. Nous retrouvons
dans ce récit le sentiment d’épouvante suscité dans nouvelles précédentes, maîtrisé
avec doigté.
Cinquième nouvelle du recueil « La demoiselle
d’Ys », dépaysante à souhait, m’a aussi procuré un bon moment de lecture à
vagabonder sur les landes intemporelles dans lesquelles se retrouve le
narrateur après s’être égaré.
Je passe sur « Le paradis du prophète »,
succession de brefs textes poétiques peu mémorables, pour retenir finalement
« La rue des Quatre-vents » et son félin messager d’une funeste nouvelle.
Pour la dernière fois, avant que le recueil se termine sur trois nouvelles
longues et plutôt ennuyantes, souvent rattachées au genre de la romance, l’auteur
réussit à distiller habilement l’épouvante. Hélas, les trois derniers textes,
drames de mœurs sans grand relief, m’ont déçue. Pourquoi ne pas avoir profité
de cette réédition* pour enlever ces histoires qui font figure de pièces
rapportées, et, ce faisant, conserver l’intensité de ce projet singulier qu’est
Le roi en jaune (cela dit, je comprends le souci de rééditer le recueil
dans sa forme intégrale) ?
Quoi qu’il en soit, j’ai été heureuse de découvrir Robert W.
Chambers, qui propose dans ce recueil plusieurs nouvelles qui sauront
certainement plaire aux fervents de fantastique à l’ancienne à saveur
horrifique... du moins, s’ils omettent de lire les derniers textes !
*comme il s'agit d'une exemplaire de presse, la réédition du Livre de poche n'est pas encore disponible en librairie. Elle le sera en janvier 2015.
*comme il s'agit d'une exemplaire de presse, la réédition du Livre de poche n'est pas encore disponible en librairie. Elle le sera en janvier 2015.
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