C'est promis, je réinvestis les lieux prochainement. En attendant, voici un extrait (le début) d'une de mes nouvelles à paraître dans Clair/obscur no 08.
"L’idée s’était faufilée dans l’esprit d’Alexis après l’une de ses énièmes périodes de dépression. De nature taciturne, le quarantenaire avait toujours habité seul dans un appartement exigu du centre-ville de Trois-Rivières, dans lequel il demeurait généralement cloîtré lorsqu’il n’était pas au travail. C’est au retour d’une journée pénible à l’hôpital, où il occupait le poste de préposé aux bénéficiaires, que la constitution du cahier s’était imposée.
Il avait réfléchi longuement à sa mise en œuvre, assis dans l’un des fauteuils du salon. Puis, il avait acheté un grand cahier aux feuilles immaculées, de même qu’un appareil photo numérique minuscule et silencieux, équipé de l’option vidéo. Penché sur le plancher, où il avait déplié les pages encore vierges, il avait ensuite écrit en gros caractères, avec une main hésitante, le titre de son ouvrage : Le cahier de cruautés. Un sourire subtil, presque imperceptible, s’était ensuite dessiné sur ses traits.
Il avait commencé sa collection le jour même, avec une ferveur qu’il ne se souvenait pas d’avoir ressentie au cours de sa vie. Le lendemain et les jours suivants, c’est avec étonnement que ses collègues préposés aux soins palliatifs le virent se préoccuper passionnément des malades les plus graves, au chevet desquels il demeurait de longues minutes, à leur parler et à replacer leurs oreillers, la voix pleine d’entrain. Ils ignoraient toutefois que le soir venu, Alexis scrutait les centaines de photographies qu’il avait capturées au cours de la journée, visionnait les quelques vidéos qu’il avait pu enregistrer sans se faire remarquer. Assis devant son ordinateur, il sélectionnait alors les deux ou trois prises sur lesquelles la souffrance physique du patient était la plus apparente, avant de les imprimer sur du papier glacé et de les coller dans son cahier.
C’était l’un des moments qu’il préférait, celui où il écrivait la date au-dessus du cliché, accompagnée d’un commentaire. En haut de l’un des premiers, on pouvait lire:
Madame Despins. Quatre-vingt-deux-ans.
La photographie a été prise après une nuit d’insomnie de la patiente, celle-ci se plaignant de douleurs répétées. Ici, Madame Despins, qui n’a plus toute sa tête, venait de souiller son lit.
Une photo, sur laquelle le visage de la vieille dame était contracté par la souffrance, accompagnait la légende."
Hum... Je sens venir le dérapage avec un collectionneur semblable!
RépondreSupprimerBon concept :)
En effet, le dérapage sera assez marqué... Je pense même qu'il s'agit de la nouvelle la plus "noire" que j'ai jamais écrite... Au plaisir d'avoir ton avis sur la suite !
RépondreSupprimerJ'ai très hâte de lire la suite!
RépondreSupprimerMerci, Nicolas, pour ton commentaire ! La version complète paraîtra sous peu, dans le prochain numéro de Clair/obscur. À suivre, donc.
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