jeudi 8 août 2013

Lectures : Érotique du cimetière


 Érotique du cimetière, André Chabot, Paris, La Musardine, 2012, 253 p.


 Vous connaissez peut-être l’éditeur français La Musardine, spécialisé en littérature érotique?
L’automne dernier, la maison d’édition a fait paraître Érotique du cimetière, un ouvrage cartonné à la présentation soignée, en grand format de surcroît. L’auteur et photographe André Chabot s’intéresse dans ce livre au caractère charnel des statuaires funéraires, par l’entremise d’élégants clichés en noir et blanc. Après tout, le cimetière n’est-il pas un lieu profondément fantastique, où se confondent souvent Éros et Thanatos ? C’est du moins ce que nous rappelle l’auteur, selon qui le cimetière est « l’un des rares et derniers refuges du rêve et de l’illusion, du différent et de l’inconnu, de l’extraordinaire et du magique » (p. 8). Force est d’admettre que Érotique du cimetière vient appuyer cette hypothèse en nous faisant visiter la frontière entre le domaine des morts et celui des vivants.


J’ai d’abord été intriguée par les photographies de cet ouvrage, toutes en tons de gris. Ce choix confère aux images une indéniable nostalgie et un certain mystère mêlé de pureté. Par exemple, comme bon nombre de statuaires sont plus ou moins bien entretenus, envahis par la corrosion, le vert-de-gris et les herbes hautes, la photographie en noir et blanc vient atténuer cette impression de délabrement, les ravages du temps devenant plus subtils. Chacune des images est également accompagnée d’une légende, qui mentionne la ville dans laquelle la photographie a été prise. Un classement à la fin de l’ouvrage fournit davantage de détails. J’ai ainsi pu constater que l’Italie est le pays le plus représenté (sur un total de 30 pays), surtout la ville de Gênes, même si la France n’est pas en reste et que plusieurs cimetières semblent valoir le détour, notamment dans les villes de Bruxelles et de Budapest. Mais, outre ces considérations documentaires, c’est avant tout la beauté des clichés qui marque l’esprit, agencés avec soin en 18 sections (incluant le prologue et l’épilogue), lesquelles traitent par exemple des statuaires d’anges et de la préservation de l’enveloppe charnelle.

Malheureusement, le texte n’est pas à la hauteur des images, un peu froid, sans trop de reliefs (ce qui est d’autant plus dommage pour un ouvrage qui se veut érotique). C’est surtout l’impression de lire une « courtepointe de citations » qui m’a moins plu. Certes, André Chabot connaît parfaitement le sujet des statuaires funéraires et a fait des recherches poussées dans le domaine, mais ses commentaires m’ont beaucoup moins passionnée que ses photographies. J’étais néanmoins heureuse de retrouver, au gré des pages, quelques souvenirs de lectures passées, comme cette jolie citation de Lamartine : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». D’ailleurs, l’auteur offre dans ce texte un survol plutôt synthétique des différents apports artistiques et théoriques au sujet, même s’il omet souvent de commenter les extraits, accentuant ainsi cette impression de lire une « courtepointe de citations », comme je l’ai précédemment mentionné. Pour terminer, quelques coquilles m’ont aussi dérangée ; l’ouvrage aurait sans contredit mérité une meilleure révision linguistique.


Érotique du cimetière nous propose tout de même une promenade riche et originale dans des dizaines de nécropoles. Nécropoles qui nous présentent tantôt des gisants, voire quelques transis, tantôt des statuaires masculins, ces derniers étant beaucoup moins courants que leurs homologues féminins (si l’on exclut les anges, souvent androgynes). Donc, si vous aimez les balades entre les stèles, vous apprécierez sans doute cet ouvrage, dont les photographies convient à une plongée fantastique dans les mondes d’outre-tombe.


Critique précédemment publiée dans le numéro 34 (printemps 2013) de

7 commentaires:

  1. J'ai un très bon souvenir de mes déambulations dans le cimetière du père Lachaise à Paris. Il faut savoir oublier le guide et se perdre dans le dédale du lieu où repose de nombreuses personnalités. Certains coins oubliés, peu entretenus sont surtout visités par les nombreux chats qui profitent du calme, rajoutant une note un peu plus mystérieuse. L'existence de cet ouvrage chatouille ma curiosité ! Merci Ariane, pour ce partage ! Christine

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  2. Malgré les défauts de ce volume, les photos semblent en valoir le détour. Un charme inspirant et mystérieux.
    J'étais toujours trouvé que le côté sinistre des cimetières n'avait rien d'inquiétant. Plutôt énigmatique, je dirais, et fascinant par le passé et même l'avenir qu'il recèle.

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  3. Christine : J'aimerais aussi beaucoup me promener dans le cimetière du père Lachaise, qui sait, peut-être en 2014 :) ? Je ne doute pas qu'il y a "matière à s'égarer", entre autres parmi les félins qui peuplent l'endroit !

    Julie-Anne : C'est un ouvrage qui en vaut la peine, en effet, avec des photos à la fois élégantes et inspirantes. Et je suis d'accord avec toi : les cimetières, comme les ruines, sont des lieux fascinants, où le passage du temps est palpable...

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  4. Oh que c'est mon genre ça! En plus, j'adore La Musardin, merci pour ce billet, qui va encore me faire dépenser!

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    1. Je m'en doutais, que tu aimerais ;) Et désolée de te faire dépenser, héhé. Bonne lecture !

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  5. Les photos semblent très bien... je crois que je vais le feuilleter sous peu.

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    1. Je suis pas mal sûre que tu aimeras, avec ton affection pour les ruines et les lieux chargés de mémoire ;) Tu m'en donneras des nouvelles !

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