Les Mystères de la forêt / Ann Radcliffe

Comme le laisse présager le titre, le récit se déroule en grande partie dans la forêt, plus précisément dans un monastère en ruines. C’est là qu’est conduite Adeline, après son départ précipité de la lande. Elle fera par la suite connaissance avec La Motte et sa famille, contraints eux aussi à trouver refuge dans le monastère abandonné. Mais, peu à peu, un climat de peur s’installe, à mesure que des phénomènes inexpliqués se produisent. En parallèle, les personnages font la découverte de passages secrets, tout en approfondissant le passé des habitants précédents. Ils écoulent ainsi une existence plutôt tranquille, jusqu’à ce que leur quiétude soit interrompue par l’arrivée du propriétaire. Il s’ensuivra pour Adeline une série de péripéties, pour échapper au propriétaire qui veut l’obliger à l’épouser. La jeune femme ira ainsi de prisons en prisons, pour échapper à ses bourreaux, qui ne lui laissent pas le moindre répit...
Les Mystères de la forêt peut donc être envisagé comme une œuvre construite en deux parties distinctes : la première se déroule au monastère et la seconde est amorcée après le départ d’Adeline de la forêt. La première partie, qui fait plus de deux cents pages, est à mon sens la plus intéressante. En effet, elle condense tout ce qui fait le charme du roman gothique : les fantômes, les brigands, les souterrains, les ruines… Le tout traversé par des descriptions de la nature à la fois émouvantes et terrifiantes. La seconde partie s’apparente, quant à elle, davantage à un récit d’amour tragique, empli de diverses péripéties. Le livre perd dès lors un peu de son charme, devenant plus banal. De plus, les nombreux poèmes qui parsèment le roman, surtout vers la fin, m’ont parfois semblé superflus. Il faut dire que Radcliffe avouait s’être inspirée des Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, ce qui est particulièrement perceptible dans la seconde partie.
Mais il demeure que la première partie est une réussite et qu’elle saura plaire aux lecteurs qui apprécient les atmosphères sombres et gothiques. En outre, l’ensemble est traversé par une atmosphère sadienne, comme le fait remarquer le préfacier, qui compare le destin d’Adeline à celui de Justine. Cependant, la cruauté est surtout psychologique dans Les Mystères de la forêt, même si notre héroïne, à l’instar de Justine, sortira bien chamboulée de ses aventures.
Ce roman d’Ann Radcliffe est donc une belle découverte, qui aurait mérité d’être rééditée bien avant. Alors, si vous aimez la romancière, n’hésitez pas à vous procurer ce livre ! Par contre, pour ceux qui aimeraient la découvrir, je suggère plutôt de commencer par L’Italien, plus accessible.