dimanche 10 août 2014

Du fétichisme des périodiques : Wendigo no 2


Wendigo no 2, 2013, 177 p.


Wendigo est une revue spécialisée en fantastique et en horreur, édité par L’œil du sphinx. Le magazine a la particularité de s’intéresser à la période pré-1950 en essayant de faire connaître des auteurs oubliés. L’équipe de rédaction présente donc des textes difficiles à trouver, souvent traduits en français pour la première fois. Il va sans dire qu’il s’agit d’une initiative honorable, surtout si, comme moi, vous appréciez l’horreur et le fantastique de la première heure.

Avec sa présentation graphique un peu fanique (peut-être est-ce volontaire?), Wendigo annonce ses couleurs avec sa couverture, réalisée par Céline Miécret. Le format et le papier utilisé (très épais, donc assez lourd au final) m’ont laissé une impression mitigée, l’ouvrage étant un peu difficile à manipuler, ce qui peut gêner le plaisir de lecture. Mais nous pardonnons assez vite ce choix en nous plongeant dans les raretés que nous a dénichées le comité de rédaction, soit des nouvelles de Richard Marsh, Francis Stevens, Willy Seidel, Victor Rousseau, Hugh Burt, Guy Boothby et Barbara Baynton, chaque histoire étant précédée d’une notice biographique instructive.

Richard Marsh ouvre le bal avec « Une illustration de la science moderne », texte oscillant entre horreur (la scène de la douche, par exemple) et humour (la désinvolture de Pollie, notamment). Amusant, ce récit divertit par la présence de Pollie, aussi sotte que charmante, qui, ayant reçu des menaces de mort, prend rendez-vous avec un avocat (!) pour rédiger son testament. L’horreur est singulièrement atténuée par l’attitude de la narratrice, celle-ci, au lieu de prendre son sort au sérieux, préférant faire virevolter son ombrelle!

Francis Stevens présente pour sa part « Le piège elfique », une histoire assez dépaysante dans laquelle Theron Tademus, professeur de biologie surmené, se voit forcé de suivre une cure de repos près de Carcassonne. Mais bientôt, il rencontre des gitans, puis une étrange jeune femme, Elva, qui l’entraîne dans son univers. Une nouvelle agréable, à l’atmosphère insolite, signée par l’une des premières écrivaines états-uniennes de fantastique.

Le sommaire se poursuit avec « La plus ancienne chose au monde », de Willy Seidel, plus long texte du numéro, ce dernier m’ayant passablement ennuyée. Nous suivons Harald, un adolescent qui, après avoir assisté à des rituels bizarres près de la tombe du Hun, fait la connaissance d’un homme inquiétant, Monsieur Tseï. Il en découle une quête liée à une météorite, à laquelle il est souvent difficile d’adhérer, entre autres parce que l’auteur se contente la plupart du temps de faire du telling, par exemple : « tous ces événements fantasmagoriques [...] se muaient soudain en un néant spectral et embrouillé qu’il balayait maintenant avec dérision et moquerie. Oui, tout ce qui lui semblait encore récemment si matériel et factuel était devenu absurde, ridicule et impossible » (p. 73).

Le texte suivant, « Le cas de la fille du geôlier » de Victor Rousseau, m’a davantage intéressée, prenant pour prémisse l’idée que l’énergie négative des criminels, après leur trépas, serait libérée à tous les vents, affranchie de ses entraves. Ici, un meurtrier rustre se voit condamné à la chaise électrique et reviendra sous une forme imprévisible... Une nouvelle au suspense bien mené, qui aurait toutefois pu être un peu plus développée.

Hugh Brant, auteur énigmatique dont on ne sait presque rien, propose avec « Le sépulcre blanchi », une histoire de loups-garous assez traditionnelle, mais tout de même touchante. Le personnage de Marcelline, surtout, est surprenant et plutôt détaillé.

Deux auteurs australiens complètent le numéro, soit Guy Boothby et Barbara Baynton. Le premier nous offre « Un étrange terrain aurifère », une mystérieuse histoire de ville minière abandonnée (« Le Terrain »), dont j’ai particulièrement apprécié l’ambiance. Après le départ des villageois ruinés, l’endroit n’a pas été entièrement déserté, comme l’apprendront des voyageurs de passage... Quant à Barbara Baynton, elle présente dans « Le rôdeur » un récit criminel poignant, où une jeune femme du bush australien essaie d’éloigner un rôdeur de sa maison en lui faisant croire qu’elle ne vit pas seule... Cette nouvelle touchante, à l’horreur en demi-teinte, referme habilement le numéro.

Au terme de la lecture de ce second opus de Wendigo, j’encourage l’équipe à poursuivre son bon travail. Bien sûr, le magazine s’adresse avant tout aux amateurs de curiosités et de fantastique à l’ancienne, alors si vous en faites partie, je ne doute pas que vous apprécierez ce périodique. La revue possède aussi un blogue : http://wendigolarevuedufantastique.blogspot.ca/


- Cette critique est parue précédemment dans le numéro 36 de Brins d'éternité.

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