mardi 18 novembre 2014

Du fétichisme des périodiques : Clair/obscur no 11


Clair/obscur no 11, avril 2014.

Après une longue attente (le numéro précédent datait de l’automne 2012), le spécial Fétichisme de Clair/obscur est maintenant disponible. Cette parution marque la fin du travail de François-Bernard Tremblay à la direction du fanzine. L’auteur et éditeur, qui avait fondé le périodique en 2007, préfère désormais se consacrer à l’écriture. Souhaitons la meilleure des chances à François-Bernard Tremblay : en effet, Clair/obscur avait la singularité d’allier littératures de l’imaginaire, horreur et polar. Espérons que cette belle diversité sera de la partie pour la suite, le magazine venant d’être repris – de façon prometteuse, d’ailleurs – par Anne-Marie Bouthillier et une équipe de passionnés.

C’est justement Anne-Marie qui se retrouve en couverture de ce numéro de Clair/obscur (du moins, une partie d’elle, plus spécifiquement ses jambes). Un choix tout désigné pour ce spécial fétichisme, qui met à l’honneur une auteure incontournable de l’érotisme québécois : Natasha Beaulieu. Une entrevue d’une demi-douzaine de pages ouvre le bal, nous permettant d’en apprendre sur les œuvres de l’écrivaine (notamment le réussi Regarde-moi) et son rapport au fétichisme. Deux fictions courtes un peu anecdotiques accompagnent cet entretien : « Le ruban vert » et « La tenue estivale de Sindi ». J’ai préféré la première, dans laquelle le désir de l’homme du monorail et de la jeune femme au ruban vert est palpable, même si la brièveté du texte freine son déploiement. Mais ce sont des histoires sympathiques à lire, surtout pour un numéro estival.

Vient ensuite « Derrière la lanterne violette » d’Anne-Marie Bouthillier, visiblement un clin d’œil au film pornographique Behind the Green Door. Nous y accompagnons Jack, un médecin qui œuvre dans le circuit clandestin. Il est convié à un club privé dans lequel les « phénomènes de foire » sont prisés. Amputés, siamois, femmes-éléphants sont ici considérés comme le summum de la beauté par le propriétaire, Xiao, et ses clients. Et ce qu’on attend de la part de Jack va en ce sens... Dans ce texte au style généralement fluide, la jeune auteure propose un récit qui flirte habilement avec le malaise. Même si la finale manque de finesse, l’histoire est globalement convaincante.

« Rôle Play » de François-Bernard Tremblay est aussi une nouvelle courte, plus humoristique que dramatique. Elle met en scène un narrateur fétichiste des pieds avec des velléités de soumission. Venu rencontrer une psychologue à ce sujet, il découvrira à quel point ses fantasmes trouvent leur origine dans le passé... Un récit agréable à lire, mais plus ou moins original.

Toujours sur la thématique du fétichisme des pieds, Jonathan Reynolds propose « Je suis fétichiste(s) », le texte le plus fort du numéro. Très poignante, cette nouvelle, habilement articulée, alterne entre les points de vue du narrateur, aussi nommé Jonathan (tiens, tiens), et d’un meurtrier collectionneur de pieds, Jérôme. Fait intéressant, ce dernier est convaincu que sa collection possède certaines « vertus »... Oscillant entre réalisme et fantastique, ce récit est avant tout une réussite par la force du fantasme qu’il dépeint, particulièrement tangible. Sans oublier la façon émouvante qu’a le narrateur de décrire l’ « objet » de ses désirs et la femme, Nelly, qui a des pieds à se damner... Le tout avec une trame horrifique de surcroît... De quoi donner envie de chausser ses plus belles bottes de cuir.

Un dernier texte, bref lui aussi, vient clore le numéro. Dans « Femme-fontaine, je ne boirai pas de ton eau », Gregor Gordon, pseudonyme « d’un auteur québécois qui pourrait être n’importe qui », s’intéresse aux effets collatéraux d’un bas de nylon sur un vol de banque. Il faut dire que ce bas est celui d’une femme assez lubrique...

Quelques commentaires de lecture, que j’aurais souhaité plus nombreux, complètent ce sommaire de la onzième livraison de Clair/obscur. Mes félicitations, donc, à François-Bernard Tremblay pour avoir permis à ce fanzine d’exister pendant huit ans. C’est avec un intérêt certain que je suivrai la nouvelle mouture du périodique. Pour épier Anne-Marie et son équipe derrière la lanterne violette, c’est par ici : http://www.revueclairobscur.ca

- Cette critique est parue précédemment dans le numéro 39 de Brins d'éternité.

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