Clair/obscur no 13, hiver 2015, 78 p.
Sous l’égide de l’ancienne équipe, Clair/obscur avait
un rythme de parution le plus souvent annuel. Avec ce deuxième numéro édité en
quatre mois, le nouveau comité de rédaction semble déterminé à adopter une cadence
plus soutenue. Les lecteurs ne vont certainement pas se plaindre de ce plus
récent opus du fanzine, qui dénombre cette fois 78 pages plutôt que 100 (signe
que la revue se cherche peut-être encore un peu du côté des contenus, ce qui
est compréhensible, puisque l’équipe d’Anne-Marie Bouthillier n’en est qu’à son
second essai).
En ce qui a trait aux remarques générales, soulignons une
amélioration globale de la mise en page, même si quelques coquilles subsistent.
Un élément présent dans le no 12 et dans celui-ci serait
également à corriger : éviter les lignes blanches entre chaque paragraphe,
qui, dans une publication imprimée, donnent un caractère amateur (ce à quoi
j’ajouterai que la police utilisée est un peu trop petite, et que les
paragraphes devraient commencer par des alinéas). Mais mettons de côté ces
détails imputables au perfectionnisme, et intéressons-nous au sommaire de ce Clair/obscur
hivernal, qui, comme vous allez le voir (brrr), nous convie à une plongée en
eaux froides!
Les nouvelles sont en effet regroupées autour de la
thématique « Terreurs et mystères océaniques », sujet qui a sans
contredit fortement inspiré les quatre auteurs au sommaire : Frédéric
Gaillard, Sylvain Johnson, Sébastien Chartrand et Élise Lucie Henripin. En
guise de complément à cette incursion dans les inquiétants abysses, Anne-Marie
Bouthillier nous offre un intrigant « Bestiaire aquatique » tandis
que Mathieu Couture a eu la bonne idée d’analyser la noyade dans les jeux vidéo
(peut-être d’ailleurs que l’ensemble des articles de la partie rédactionnelle
aurait pu être rattaché au thème des menaces sous-marines?). Quoi qu’il en soit,
chez les auteurs de fiction, le sujet imposé ne fait pas figure de « pièce
rapportée » et s’est avéré inspirant.
Coup de cœur de mon côté pour « Nécronomignon »,
de Frédéric Gaillard, qui, en dépit d’une trame narrative quelque peu classique,
réussit, entre autres par la force d’évocation de sa plume, à créer un univers
et une histoire immersifs : « Je ne sais combien de temps je restai
ainsi, inerte, balloté par les courants, insignifiant jouet tombé entre les
mains d’un Neptune chahuteur ». Les malheurs de Nicolas, surnommé
« Nécronomignon » à cause de ses déformations labiales, sont ainsi
poignants (et comme le récit est long, à l’instar de presque tous les textes au
sommaire, les mésaventures de l’enfant sont d’autant plus prenantes).
« La petite fille au tonneau », nouvelle de
Sylvain Johnson, aborde quant à elle le thème à partir d’une figure monstrueuse
bien connue, qui prend d’assaut un navire... puis les berges du continent. Nous
avons ici un récit amusant, bien que très (trop?) prévisible (il se termine
notamment avec le mot « Faim » dégoulinant, trop souvent usité depuis
la mode de vous-savez-quoi). L’écriture de Johnson n’est pas toujours juste, desservie
par du telling : « L’horreur n’avait plus de fin / L’effroi
était sa nouvelle réalité » et des imprécisions : « Son poing
s’écrasa contre le petit visage [...] provoquant des craquements
malsains ». Bref, une nouvelle à lire sans trop s’attarder aux détails
(mais vous savez, moi, les détails...).
La troisième nouvelle, « Souvenirs de Miguasha »
de Sébastien Chartrand, entre dans l’horreur de manière plus intimiste. Alliant
zoophilie (marine, bien entendu, avec des pinces, oui) et personnages
tourmentés, l’auteur parvient à dépeindre l’ambigüité d’une relation mère/fils
– et par extension père/fille – de façon originale. Dommage que la fin, un peu
expédiée, demande une relecture afin d’en saisir toute la portée. J’aurais en
outre souhaité que le jeu sur l’hésitation fantastique/les traumatismes
psychologiques de Julie soit plus accentué. Mais, dans l’ensemble, l’effet
produit est réussi.
Élise Lucie Henripin, avec « Baptême », s’inscrit
dans la continuité du texte précédent. Dépourvu de dialogues, sa nouvelle à l’atmosphère
poétique nous convie à nous immerger dans les immensités aquatiques... non dénuées
de menaces, nous sommes dans Clair /obscur, ne l’oublions pas! Une
jeune auteure à suivre, en définitive.
Du côté rédactionnel, surtout rassemblé à la fin du
périodique (j’aimais cette idée peu usitée d’intercaler les articles entre les
fictions, je m’en rends compte), nous retrouvons notamment l’instructive
chronique « Incursion dans la bibliothèque de... », cette fois en
compagnie d’Yvan Godbout. Sans oublier des commentaires de lecture (dont celui
de Terreur Blanche de Dan Simmons, directement – et sinistrement –
rattaché au thème de ce numéro), signés par les contributeurs passionnés de la
revue (dont Pierre-Alexandre Bonin, qui est partout!). Des chroniques cinéma,
arts visuels et jeux vidéo complètent cette treizième édition du magazine.
Si je ne vous ai pas convaincu de vous abonner au
périodique, il est encore temps de le faire : après tout, Clair/obscur s’annonce
sous les plus beaux augures fanzinesques. Comme les revues alliant horreur et
imaginaire québécois sont rares, il faut d’autant plus les chérir... Sans
compter que, si j’étais à votre place – ce n’est pas pour rien que je déteste
la baignade –, j’en profiterais pour en apprendre davantage sur les créatures
qui peuplent océans et lacs avant votre prochain passage sur la plage... Du
moins, si vous voulez rester entier!
- Cette critique est parue précédemment dans le numéro 41 de Brins d'éternité.
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