Serge
Brussolo, Frontière barbare, Gallimard, collection Folio SF, 2013, 429
p.
Depuis quelques années, Serge Brussolo publie surtout des thrillers, notamment dans la série Agence 13, éditée en grand format au Fleuve noir. Un peu plus tôt en 2013, il a tout de même fait paraître La muraille interdite, tome 1 de la saga d’Almoha, chez Bragelonne (Milady). Ce récit de science-fiction laissait présager un retour plus assidu au genre. Hélas, le tome 2 est disponible uniquement en version électronique, pour une question de ventes jugées insatisfaisantes (pourtant, Brussolo a beaucoup d’aficionados...)
En tant que fan de l’auteur, surtout de
ses récits relevant des littératures de l’imaginaire, je me suis réjouie en
apprenant la sortie de Frontière barbare, un inédit publié directement
en format de poche. J’ai toutefois eu l’impression que le roman avait été écrit
il y a un certain temps, même s’il est présenté comme une nouveauté, peut-être
à l’époque de Vent noir (1991) ou de Capitaine suicide (1992),
avec lesquels il possède certaines similitudes (la traversée dans le désert, la
ville organique, la pyramide....). Mais, bien entendu, Frontière barbare
ne se cantonne pas à reprendre les thématiques de ses prédécesseurs et innove
entre autres par sa densité.
Assez long (l’histoire compte quand même
430 pages), Frontière barbare met en scène David Sarella, un
exovétérinaire, c’est-à-dire un vétérinaire qui travaille auprès des animaux
extra-terrestres. Sa principale tâche est de calmer les animaux agressifs,
surtout lors des nombreux conflits armés (à ce sujet, une belle trouvaille de
Brussolo : des peuples en guerre louent d’immenses appartements pare-balles
pour régler leurs différends en espaces clos !)
Ula, sa compagne, l’escorte dans quelques-unes
de ses « missions ». La jeune femme, dotée de gènes agressifs de
Nouveaux-Vikings, une race belliqueuse, possède une nature guerrière fort
développée. Ensemble, ils partent pour Mémoriana afin de pacifier les
exomorphes sur le champ de bataille. C’est sans compter la personnalité d’Ula,
qui a viscéralement besoin de violence... Ce personnage est l’une des réussites
de Frontière barbare, convaincant et tridimensionnel, contrairement à
certains des protagonistes, plus falots : Carmody, Ivana et même un peu David,
que l’on souhaiterait parfois moins passif. Mais cela importe peu au final,
car, comme dans la plupart des récits de Brussolo, l’inventivité demeure au
rendez-vous, entre autres avec les « mange-morts », les « moineaux-rasoirs »
et surtout l’étrangeté d’Ozataxa, la cité abandonnée (pour laquelle j’avoue,
sans grandes surprises pour ceux qui me connaissent, avoir un faible).
Cependant, alors que je lis presque
toujours d’une traite les romans de Brussolo, incapable de les déposer tant l’envie
de découvrir la suite est irrépressible, ce phénomène ne s’est pas produit avec
Frontière barbare. Peut-être est-ce imputable à l’approche picaresque du
récit, qui enchaîne les péripéties, du moins dans sa première partie, sans liens
apparents entre elles. Cette impression s’atténue toutefois après un drame qui
touche de près le personnage principal, et qui confère à sa quête dans Ozataxa
un fil conducteur plus solide. J’ai aussi eu l’impression que l’imagination de
l’auteur était plus diluée dans ce récit, davantage ponctuelle,
alors que Brussolo nous a habitués à des romans particulièrement déjantés. Quelques
lecteurs pourraient par ailleurs être dérangés par l’approche scientifique du
livre, qui prend beaucoup de libertés (amateurs de hard SF s’abstenir
!).
Cela dit, j’ai apprécié de
renouer avec l’imaginaire si personnel de Brussolo, et recommande Frontière
barbare aux fervents de l’écrivain. Pour les lecteurs moins familiers avec
l’auteur, souhaitant connaître son œuvre de SF et de fantastique, ce livre
n’est pas le point de départ idéal. J’espère également que les éditeurs
français n’hésiteront plus, comme Bragelonne, à publier les récits de cet écrivain
majeur, à l’imaginaire sans pareil. Alors, si vous avez envie de vous aventurer
sur les champs de bataille de Mémoriana, parmi d’étonnants exomorphes et des disciples
de l’Église du Pardon Universel, Frontière barbare vous attend !
- Cette critique est parue précédemment dans le numéro 36 de Brins d'éternité.
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