Brian Deleeuw, L’innocence, Paris, Éditions Super 8, 2014, 302 p.
L’innocence est l’un de ces ouvrages desservis
par une fausse représentation ; il est vendu comme un
thriller atroce et terrifiant. Nous sommes cependant assez loin de l’horreur
pure dans ce premier roman de Brian Deleeuw, de même que du thriller. Nous
avons plutôt affaire à du fantastique psychologique tout en nuances,
qui ménage ses effets de terreur. Il va donc sans dire que j’ai été étonnée de trouver complètement autre chose que ce à quoi je m’attendais dans ce livre.
L’histoire s’articule autour de l’existence solitaire de
Luke Nightingale, à laquelle viendra bientôt se greffer Daniel. La nature de
Daniel, que l’auteur ne révèle pas immédiatement, apparaît toutefois assez tôt
au lecteur grâce à maints indices. Alors que Luke est un petit garçon d’une grande
douceur, Daniel est son pendant cruel et sanguinaire. Autour d’eux gravite la
figure tourmentée de Claire, la mère de Luke, qui, à l’instar de sa propre génitrice,
a de graves problèmes psychologiques. À mesure que les années passent, Luke et
Daniel assistent à son décrochage progressif du réel. C’est dans cette lente gradation vers la folie et
le fantastique que réside à mon avis l’intérêt principal de L’innocence,
qui aurait assurément gagné à être présenté comme du fantastique feutré. Car, hormis une scène finale forte,
le potentiel horrifique du récit est mince, les éléments de cruauté étant
abordés avec trop de retenus. De plus, comme ils sont peu nombreux dans les
quelque trois cents pages du livre, le fantastique s’étire ici en
longueur.
Néanmoins, il y a de belles idées dans L’innocence,
et la thématique de la dualité est parfois rendue avec justesse. Les hésitations de Luke face au « mal » constituent des temps forts du récit. Malheureusement, je n’ai pu m’empêcher
de me dire, après avoir refermé cet ouvrage, qu’il y avait là matière à faire quelque
chose d’exceptionnel, mais que l’auteur n’était parvenu qu’à offrir quelque
chose de bien. Mais comme il s’agit du premier roman de Brian de Leeuw et que
son potentiel narratif est perceptible, je ne doute pas qu’il saura parfaire son
art avec les années. En attendant, L’innocence s’adresse surtout aux lecteurs de
fantastique discret qui ne recherchent pas les effets trop déstabilisants.
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