Diane Setterfield, L’homme au manteau noir, Plon, 2013, 362 p.
Publié il y a quelques mois aux éditions Plon, L’homme
au manteau noir de Diane Setterfield est un roman fantastique qui se trame
à l’époque victorienne. Bien que présenté par l’éditeur comme « une
histoire sombre et évocatrice », nous avons ici surtout affaire à du
fantastique feutré et classique, loin de susciter l’épouvante. Car ce qui est
au cœur du récit, c’est l’obsession pour le travail de William Bellman, qui va
l’user prématurément.
Outre William Bellman, l’une des assises de L'homme au manteau noir repose
sur les freux, ces gros corbeaux au plumage bleuté (l’un d’entre eux ne se trouve pas par hasard sur la couverture du livre, assez jolie d’ailleurs).
Nul doute que Diane Setterfield a effectué de longues recherches sur les freux,
ses connaissances venant enrichir l’histoire. Au début du récit, William
Bellman, alors âgé de dix ans, tue un corbeau à l’aide de son lance-pierres. À
partir de ce moment, son existence devient liée de près à ces oiseaux de
mauvais augure, un étrange homme au manteau noir (celui du titre, bien
entendu) apparaissant mystérieusement aux funérailles de ses proches. Mais,
avant de connaître le deuil, Bellman obtiendra un succès éclatant à la
manufacture de son oncle, les 150 premières pages de L’homme au manteau noir
décrivant l’élévation de son statut social. Survient ensuite une tragédie,
assez touchante, puis l’homme fonde une nouvelle compagnie,
cette fois avec un « associé », plongeant à nouveau tête baissée dans
le travail... Les descriptions de ses efforts incessants pour faire prospérer son second commerce occupent une bonne centaine de pages, émaillées de temps à
autre par la visite des corbeaux et de l’homme au manteau noir.
Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, je
ne suis pas particulièrement emballée à l'idée de lire un ouvrage qui dépeint un homme qui
ne cesse de travailler (peut-être parce que je travaille moi-même trop !).
Surtout que l’éditeur avait présenté ce livre comme de l’épouvante... Certes,
nous frayons avec du fantastique feutré, le cadre de l’époque victorienne
venant significativement enrichir le roman, mais l’approche du genre est tout
en nuances, très discrète. Ceux qui aiment le fantastique modéré pourraient
cependant apprécier. Chapeau également à Diane Setterfield pour la place d’honneur
qu’elle offre aux corbeaux dans ce livre, leurs cris continuant de résonner
bien après la dernière page !
Sébastien Chartrand, La
voyante des Trois-Rivières, Alire, 2015, 401 p.
La voyante des Trois-Rivières est le second tome de
la trilogie Le crépuscule des arcanes, dont j’ai lu le premier opus en
mars 2013. Au terme d’une attente de deux ans, le second tome vient de voir le jour, toujours aux éditions Alire. Comme je m’étais intéressée
à L’ensorceleuse de Pointe-Lévy à sa sortie, j’ai donc mis un peu de
temps à renouer avec les personnages de la série, qui étaient un peu loin dans
ma mémoire. Mais une fois la page soixante dépassée, j’avais retrouvé mes
repères, me rappelant les enjeux de ce récit dont l'action se déroule dans le Bas-Canada
en 1849.
L’histoire s’articule autour de Faustin, un bedeau doté d'une impressionnante espérance de vie. Près de lui gravitent les mêmes
protagonistes que dans le premier tome : François Gauthier, un faux prêtre
arcaniste, Baptiste, un homme fort, et Shaor’i, une Micmac capable de se
transformer en harfang. À la suite d’une rencontre avec un esprit frappeur, Faustin
s’aperçoit qu’il possède des talents pour le spiritisme. Spiritisme qui sera au
cœur de ce second tome, bonifié par les nombreuses légendes québécoises sur les
revenants et les esprits. Je rappelle que Sébastien Chartrand puise une
partie de son inspiration dans les contes et les légendes québécoises, ce qui
confère à sa trilogie un parfum dix-neuvièmiste. Faustin et son équipe auront
par conséquent à affronter moult péripéties, qui les mèneront aux mythiques
Vieilles-Forges de Trois-Rivières, qui ont longtemps traîné une réputation
sulfureuse (pas étonnant que Frédérick et moi habitions tout près !). À ce
sujet, je retiens deux belles trouvailles : la chapelle ensevelie et le
beuglard, qui, par son seul cri, glace l’échine des mortels.
La Voyante des Trois-Rivières est
d’ailleurs baigné par cette atmosphère à l’ancienne et se lit vite et bien,
hormis certaines tournures plus convenues qui parsèment l’écriture :
« froide comme la morsure de l’hiver » (p. 225), « noires comme
de l’encre » (p. 272), « rongé par l’inquiétude » (p. 336).
Quelques phrases sont aussi chargées en adjectifs : « Chaque pas du
groupe, guidé par la lueur du fanal, faisait craquer les poutres à travers les
cloisons séculaires alors que le plafond laissait échapper de minces filets
d’une eau brunâtre puante » (p. 234). Mais, dans l’ensemble, La voyante
des Trois-Rivières est un récit de fantasy historique dont les pages se
tournent d’elles-mêmes, fidèle à l’esprit du roman populaire, explorant avec
intérêt le Bas-Canada du XIXe siècle... avant que la magie des arcanistes ne
disparaisse !
Merci pour la critique, Ariane ! :D
RépondreSupprimerÇa me fait plaisir, Sébastien, et en plus, ça me permettait de faire une chronique XIXe... en gardant le meilleur titre pour la fin ;)
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