Yves Meynard, Les marches de la lune morte, Alire, 2015, 627 p.
D’emblée, Les marches de la lune morte impressionne en tant qu'objet, comptant 627 pages en grand format, sous une couverture bien
choisie de Grégory Fromenteau. Cet ouvrage regroupe en effet cinq livres,
dont trois sont parus à l’origine en 1997 et 2004 chez l’éditeur jeunesse
Médiaspaul. Mais l’écriture d’Yves Meynard, précise et dotée d’un
vocabulaire recherché, s’adresse plus directement aux adultes qu’aux
adolescents. Voilà sans doute l’une des raisons qui ont poussé l’auteur à republier
son cycle pour un lectorat plus âgé. De surcroît, comme la série demeurait
inachevée jusqu’à maintenant (les livres quatre et cinq n’ayant jamais été diffusés),
l’occasion était belle, à la manière du Mystère des Sylvaneaux de Joël
Champetier (aussi au catalogue d’Alire), de rassembler l’ensemble des récits dans une version définitive.
Les marches de la lune morte met à l’honneur
Sébastien, un jeune homme de 16 ans qui est le fils unique du Margrave de la
Marche orientale. Garçon solitaire, le dernier représentant de la prestigieuse
lignée s’entête souvent à se comporter en enfant. Mais voilà que se
produit un événement dramatique qui l’oblige à prendre prématurément ses
responsabilités. Troublé, Sébastien accepte d’entrer dans le monde adulte. Mais
auparavant, il veut explorer une section du château en ruines du Margrave qui
lui a toujours été interdite... et qui le conduira, par le biais d’un escalier
(les marches du titre), sur la Lune où vivent des magiciennes dans des
souterrains.
Ce premier livre est fascinant, avec ses descriptions du
château abandonné, de la Lune et de ses habitants. En
comparaison, j’ai trouvé les « tomes » deux et trois légèrement moins
enlevants, tandis que les livres quatre et cinq possédaient cette force, cette même
intensité que le premier. Le personnage de Sébastien est bien incarné, et
ses péripéties susciteront certainement l’intérêt des amateurs de fantasy
de qualité. Les autres protagonistes sont quant à eux un peu plus en retrait
(je me suis d’ailleurs demandé pourquoi Loriel, bien que suzeraine, était à ce point hostile à Sébastien, avec tout ce qu’il fait pour l’accommoder, pauvre de lui),
mais attachants également. Et l’écriture, discrète, mais précise, rend
l’atmosphère de ce livre particulièrement évocatrice. L’un des romans phares de
fantasy québécois de 2015, certainement.
Catherine Sylvestre, La
vieille fille et la mort, Alire, 2015, 337 p.
Catherine Sylvestre est le pseudonyme de Francine
Pelletier, écrivaine connue pour ses romans de science-fiction. Mais l’auteure
est une fervente lectrice de polar depuis des années, et avec La vieille
fille et la mort, elle aborde pour la première fois ce genre qu’elle
affectionne. Il en résulte un récit rafraichissant, doté d'une
voix unique et attachante (le roman est narré à la première personne du
singulier), ce qui en fait une lecture estivale très appropriée (si vous
cherchez un livre à mettre dans vos bagages pour votre prochain voyage, vous
voilà avisé !).
Dans La vieille fille et la mort, nous suivons Catherine
Sylvestre, alter ego du pseudonyme de l’auteure, voisine de
palier de Maryse et de Stéphane. Alors que la « vieille fille » du
titre célèbre seule son trente-huitième anniversaire, elle découvre deux
cadavres (celui de Maryse et d’un jeune adolescent, Guillaume) dans
l’appartement attenant. Deux morts et un cockatiel, petit Coco, qui l’adopte
immédiatement. Troublée, elle revient chez elle avec l’oiseau, avant d’appeler,
bien entendu, la police. Mais plusieurs détails tracassent cette employée de la
bibliothèque municipale, qui entreprend peu à peu de réaliser son enquête.
D’abord, la mise en scène du meurtre, visiblement déguisée en suicide. Car le
jeune Guillaume n’a en rien le profil d’un assassin... Voilà Catherine
lancée tête baissée (elle est entêtée) sur la trace du tueur, épaulée par le
détective Yves Tremblay, qu’elle trouve particulièrement de son goût...
Au-delà de l’intrigue, qui nous garde en haleine, concoctée par
Sylvestre/Pelletier, ce livre est surtout un incontournable pour son style. La
narratrice n’a pas la langue dans sa poche, usant de traits d’humour le plus
souvent efficaces. Et que dire du petit Coco, perruche si attachante que j’ai
presque envisagé d’en adopter une (jusqu’à ce que je visualise l’impossible
cohabitation avec mes félins d’élite qui s'ensuivrait). Nul doute, la « voix » de
Catherine Sylvestre est à suivre... et Francine Pelletier est une auteure
pleine de surprises !
* Cette chronique devait être présentée le 27 avril. La saison radiophonique de CFOU 89,1 se terminant le 26
avril, j'ai décidé de poster dès maintenant ces critiques en
attendant de les présenter lors de la première émission de la prochaine saison.
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