Cette semaine, nous avons présenté à l'émission plusieurs livres se rattachant, de près ou de loin, à la littérature érotique. Pour ma part, j'ai commenté deux titres d'Éric Jourdan, publiés chez la Musardine, qu'il me fait plaisir de vous partager sur ce blogue :
Le Garçon de Joie, d’Éric Jourdan
L’auteur du Garçon de Joie, Éric Jourdan, a depuis longtemps l’habitude de susciter la controverse. En 1955, son roman Les Mauvais Anges, qui raconte la relation amoureuse de deux adolescents, avait été interdit en France pendant 29 ans. Avec Le garçon de joie, réédité récemment par la Musardine, Jourdan reprend son thème de prédilection, soit les difficultés des relations entre jeunes hommes. Toutefois, il nous propose ici une trame beaucoup plus complexe qu’une simple histoire amoureuse, mêlant habilement le polar et le roman érotique.
Le récit débute sur une scène forte et intense, à l’image de l’ensemble du roman. Gilles, jeune homme tourmenté, souhaite assassiner Didier, pour qui il éprouve des sentiments contradictoires. Sa tentative échouera, et n’aura pour conséquence que de rapprocher les deux personnages, qui se retrouvent unis dès cet instant par cette tentative de meurtre avortée. Dès lors, leur relation se développera autour du thème de la mort, qui unira les jeunes hommes de plusieurs manières. Autour de ces protagonistes ambivalents, aux désirs souvent inassouvis, gravitent à la fois des personnages empreints de pureté, comme Sophie, qu’ils aiment tous les deux, et d’autres plus fourbes, tel que Nermont, qui souhaite profiter d’eux à la moindre occasion. Mais il n’est pas si facile de soumettre et de compromettre ces jeunes hommes, prêts à tout pour préserver cet amour qu’ils ne parviennent pas à s’avouer à eux-mêmes… Et ce, jusqu’à une finale intense et émouvante, qui convient parfaitement au récit.
Avec Le Garçon de Joie, Jourdan réussit le pari de mêler les genres avec beaucoup de talent. J’ai aussi apprécié cette impression d’intemporalité qui plane sur le récit, dont l’époque demeure incertaine. L’atmosphère du livre m’a rappelé celle du Portrait de Dorian Gray, qui est à mon sens un ouvrage incontournable. Le roman de Jourdan reprend aussi cette idée de la corruption progressive des personnages, mais cette fois avec l’aspect érotique, qui était absent chez Wilde. De plus, l’érotisme chez Jourdan est souvent teinté de romantisme, ne se bornant pas à la description d’une simple mécanique physique. Les scènes amoureuses entre les deux jeunes protagonistes font d’ailleurs partie des plus beaux moments du récit.
Pour résumer, Le Garçon de Joie plaira aux amateurs d’histoires érotiques raffinés, qui ne dédaignent pas le macabre. C’est donc une belle initiative de la part de La Musardine que de rééditer ce livre, qui gagne à être découvert.
Portrait d’un jeune seigneur en dieu des moissons et autres nouvelles, d’Éric Jourdan
En plus du Garçon de Joie, la Musardine a publié récemment un recueil de nouvelles d’Éric Jourdan, intitulé Portrait d’un jeune seigneur en dieu des moissons et autres nouvelles. L’ouvrage de 250 pages est présenté en grand format, sous une couverture attrayante, de style renaissance. Ce bel objet est en outre servi par la plume somptueuse de Jourdan, dont la preuve du talent littéraire n’est plus à faire.
Comme dans ses précédents ouvrages, l’auteur reprend dans ce recueil sa thématique favorite : l’amour entre jeunes hommes. Mais le traitement des nouvelles, malgré ce thème qui peut sembler usé, n’est jamais simple. En effet, Jourdan choisit le plus souvent pour décor un cadre historique ou fantastique pour ses histoires, dont l’arrière-plan est toujours soigneusement développé.
C’est donc à un vaste voyage dans le temps et l’espace que nous convie ce livre, à travers les huit nouvelles qui le composent. Bien entendu, certains des textes m’ont davantage interpellée, et j’aimerais dire quelques mots sur ceux-ci.
D’abord, la longue nouvelle qui donne son titre au recueil, « Portrait d’un jeune seigneur en dieu des moissons », débute agréablement l’ouvrage. Sur la thématique classique du portrait fantastique, Jourdan nous présente un jeune homme, qui achète une toile qui le fascine par son exacte ressemblance avec lui-même. Sa stupeur passée, ses recherches lui feront remonter le cours du temps, jusqu’à l’Italie de la Renaissance.
Je retiens aussi « La bibliothèque tenue par le diable », nouvelle dans laquelle un étudiant insouciant signe un pacte avec le bibliothécaire de l’endroit. Avec cette prémisse classique, Jourdan réussit à créer une atmosphère particulière, tout en piquant la curiosité du lecteur.
Ma nouvelle favorite du recueil est quant à elle « Évohé », qui prend pour cadre la Grèce Antique. Ce texte, fortement imprégné de mythologie, présente deux étudiants en archéologie prisonniers du site de Troie, qu’ils ont retrouvé par hasard. À partir de ce moment, ils devront se soumettre aux caprices des dieux, notamment à ceux d’Hélène…
Quant aux autres nouvelles, quoique agréables, elles sont moins mémorables, à l’exception de « Trois beaux garçons », qui raconte le meurtre réalisé par trois jeunes hommes pour s’emparer de bijoux, l’un d’entre eux se retrouvant en prison. Ici, Jourdan revient à l’une de ses thématiques favorites, celle de l’emprisonnement, omniprésente dans Le garçon de joie.
Dans l’ensemble, ce recueil de nouvelles, majoritairement historiques, propose aux amateurs d’érotisme et d’élégance un agréable moment de lecture. Une mention aussi pour l’érudition de Jourdan, qui traverse l’ensemble de l’ouvrage, ainsi que son imaginaire à la fois généreux et surprenant.
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