samedi 29 décembre 2012

Le Voyage insolite (émission du 17 décembre)


Sympathies for the devil / Thomas Day


Sympathies for the devil est le premier recueil de nouvelles de l’auteur français Thomas Day, qui avait été publié une première fois en 2004 aux éditions du Bélial'. Pour ma part, c’est ma première incursion dans l’œuvre de l’écrivain, qui a fait paraître une quinzaine d’ouvrages. À noter le penchant discutable de Thomas Day pour les titres de romans qui s’inspirent, comme celui du recueil, de chansons anglophones, telles que Stairways to hell (Led Zeppelin), This is not America (David Bowie) ou encore de titres de films (Women in chains). Cela dit, en dehors de la dernière nouvelle du recueil, la musique ne m’a pas semblé d’une importance capitale dans le livre. Mais passons sur ce détail, pour nous concentrer sur les six nouvelles au sommaire qui dépeignent toutes des mondes apocalyptiques.

Dans « Une forêt de cendre », l’auteur nous présente un récit de fin du monde à saveur médiévale. Nous y trouvons le Duc du Dragonshire, un homme cruel, qui n’hésite jamais à tuer des familles entières et à se décorer des membres d’enfants qu’il a tués. Jusqu’à ce que la reine lui demande de l’aider, par l’entremise d’Écho, une jeune femme qui demeure dans une étonnante maison close... Avec ce texte, Thomas Day nous propose un récit avec un certain souffle, dans lequel l’horreur est intégrée avec habileté.

Cependant, « À l’heure du loup », plus originale, m’a davantage plu. Dans cette nouvelle, nous suivons un homme-arbre, « Dernier Frêne », et deux jeunes filles, Anne et Lise, dont les parents viennent de mourir. Dans ce monde presque éteint, les étoiles meurent en même temps que les habitants de cette terre décimée, où rôdent les loups... Sans contredit mon coup de cœur du recueil, « À l’heure du loup » est un texte à la sensibilité certaine, empreint d’une belle nostalgie.

Le ton est tout autre dans « L’erreur », qui décrit une société dirigée par « Big Mama », et dans laquelle l’horreur fait partie du quotidien. Un peu longue, avec une finale légèrement tape-à-l’œil, ce texte m’a un peu moins convaincue, tout comme « La mécanique des profondeurs », malgré ses jolies descriptions aquatiques dépeintes par Nausicaa (en référence à un personnage de L'Odyssée que rencontrera Ulysse), une sorte de sirène moderne qui vit dans les Pays-Bas submergés par les eaux.

« La notion de génocide nécessaire », qui se trame en Mongolie, est également l’un de mes textes favoris du recueil, avec son aspect exotique bien rendu. Nous y suivons Kashoggi, envoyé par l’ONU auprès des nomades pour les sédentariser, tel que le souhaitent les Archontes, des extra-terrestres. Mais c’est ici l’histoire d’amour entre Kashoggi et Cinderella qui est à l’avant-plan, particulièrement émouvante. 

Je passe rapidement sur « Démon aux yeux de lumière », la nouvelle qui m’a le moins plu du recueil, et qui met en scène Loki, un démon cruel, farceur et lubrique qui s’est épris d’une mortelle. En plus, c’est ce texte qui est illustré sur la couverture, qui nous présente un dragon et une muraille, donnant l’impression, à tort, que nous avons un livre de pure fantasy entre les mains (alors que l’imaginaire de Thomas Day est beaucoup plus vaste). 

Bref, si vous avez envie de découvrir l’univers du romancier, Sympathies for the devil me semble une porte d’entrée sympathique. Et pourquoi ne pas en profiter pour le découvrir en 2013 ?

lundi 24 décembre 2012

2012 en 10 billets


Je profite de ce billet pour vous souhaiter de très belles vacances de Noël ainsi qu'une année 2013 mémorable! Je tiens aussi à remercier ceux qui visitent régulièrement Interférences. Même si je ne suis pas une blogeuse très assidue (je publie en moyenne 4 ou 5 billets par mois), c'est toujours un plaisir d'échanger avec vous!
Pour la fin d'année, j'ai pensé vous présenter un top 10 des moments les plus marquants de l'année 2012 dont j'ai parlé sur ce blogue. Alors, après réflexion, voici le résultat de mes tergiversations, dans le désordre :














Au plaisir de vous revoir en 2013!



jeudi 13 décembre 2012

Le Voyage insolite (émission du 10 décembre)


Loco / Joël Houssin


Ring est un nouvel éditeur français qui se spécialise entre autres en science-fiction et qui vient de rééditer un roman de Joël Houssin, précédemment intitulé Locomotive rictus. Paru en 1975, ce livre était le tout premier de l’auteur, qu’il a passablement réécrit pour l’occasion. Vous connaissez peut-être Joël Houssin, qui a surtout fait parler de lui avec sa série de romans policiers du Dobermann. Pour ma part, j’affectionne particulièrement les deux romans qu’il a publiés dans la collection Gore du Fleuve noir, L’autoroute du massacre et L’écho des suppliciés, l'un des titres les plus sanglants de la collection. J’espérais donc retrouver cet aspect dans Loco, qui est à mi-chemin entre les romans gores et les récits post-apocalyptiques, avec une influence certaine de la littérature d’avant-garde.

Nous suivons plusieurs personnages au fil des pages de Loco, la plupart du temps un chapitre ou deux, compte tenu qu’ils trouveront en général la mort en de cruelles circonstances. Car la vie est difficile pour les contaminés, qui vivent par milliards de l’autre côté des barricades du Peuple sain, qui nient leur existence dans leurs édifices aseptisés. Autour d’eux gravite aussi une milice mi-saine mi-contaminée, qui veille à empêcher les miasmes d’entrer dans les Cités protégées. Mais plusieurs des Sains s’ennuient, et l’un de leurs divertissements est l’émission de Kiss Apok, qui prétend donner la parole au sauveur de l’humanité, Thanatos. Thanatos n’est pourtant encore qu’un fœtus, qui grandit dans le ventre de sa mère violée par son propre frère. Kiss Apok, protagoniste antipathique, aidé par de puissantes drogues, converse donc avec cet enfant des plus inquiétants, qui semble effectivement avoir des plans pour l’humanité. Mais, au fur et à mesure que les spirites perdent leurs dons et que les barricades s’affaiblissent, la prophétie annoncée par Thanatos prendra une toute autre forme...

Avec Loco, dont le titre ne renvoie qu’à un train qui passe à une unique reprise dans le livre, Joël Houssin nous propose un roman foisonnant, à la narration éclatée et un peu expérimentale. L’aspect qui m’a le plus convaincue est le côté horrifique du livre, qui m’a agréablement rappelé ses romans publiés dans la collection Gore, ou encore la série « Apocalypse » de Média 1000, qui proposait aussi du gore post-apocalyptique. Donc, si vous avez envie d’un récit du genre, je ne peux que vous recommander Loco, qui vous fera vivre une plongée terrifiante dans l’esprit de Thanatos. En attendant la fin du monde... 


jeudi 6 décembre 2012

Le Voyage insolite (émission du 3 décembre)


Regarde-moi / Natasha Beaulieu

Regarde-moi est le cinquième roman de Natasha Beaulieu, qui a signé jusqu’ici la trilogie fantastique « Les cités intérieures », ainsi que l’excellent roman noir Le deuxième gant. J’aime beaucoup les univers de cette écrivaine, qui fraient avec l’érotisme, par l’entremise de personnages urbains, aux mœurs « déviantes ». Regarde-moi s’inscrit dans cette continuité, même si l’érotisme est ici au premier plan (en fait, c’est le moteur du récit), contrairement aux autres écrits de l’auteure, qui le traitaient de manière plus « périphérique ». Donc, si vous n’aimez pas les romans érotiques, cet opus de Natasha Beaulieu risque de vous déplaire. Mais pour ma part, j’étais bien entendu ravie par ce choix audacieux et rafraichissant. J’espère donc qu’Alire continuera de publier des romans de ce genre, qui allient sexe et gothisme.

Le récit s’articule autour de quatre personnages, Héléna, Adam, John et Rachel, dont les prénoms sont inscrits au début de chacune des sections. Pour éviter la monotonie, l’auteure a eu la bonne idée de placer les sections consacrées à chacun d’entre eux dans le désordre, selon un plan que l’on devine réfléchi. Le choix d’un tel procédé narratif met forcément les personnages au premier plan, personnages que le lecteur apprend à connaître avec beaucoup de plaisir. Il y a d’abord les deux protagonistes les plus flamboyants, chacun à leur manière, Héléna et John. La première, musicienne férue d’électronique, fraie avec le sado-masochisme, tandis que le second est présenté comme un tueur à gages qui obéit à des règles originales, qu’il s’est lui-même fixées. Les deux autres personnages, Adam et Rachel, sont un peu plus « sages » : Adam est danseur nu dans un club, tandis que Rachel a une relation quasi fusionnelle avec sa vieille Lincoln, sur les sièges de laquelle elle aime s'ébattre (le spectre de Crash plane d’ailleurs sur l’ensemble du livre). 

Ces quatre personnages seront bien entendu amenés à se rencontrer, par le biais de John, qui doit tuer quelqu’un à la soirée d’ouverture d’un club à laquelle ils sont tous conviés. Ce suspense est d’ailleurs au centre du récit, donnant envie de tourner les pages à mesure que les scènes érotiques entre les différents protagonistes s’enchaînent. Car, comme je l’ai mentionné plus tôt, l’érotisme est ici généreux et détaillé, au cœur de l’histoire et perçu comme fondamental par tous les personnages. En ce sens, la relation amoureuse entre Héléna et Adam peut sembler un peu légère (davantage basée sur le SM que les sentiments), tandis que celle de Rachel et de John, plus tordue, m’a davantage convaincue. Mais Regarde-moi est sans contredit un très bon roman, à la fois original et osé, porté par une plume juste, qui décrit avec brio la mécanique des corps.