samedi 26 février 2011

Le Voyage insolite (Émission du 21 février)


Pandémonium cité, de David Bergeron


Pandémonium cité, de David Bergeron, est le dernier titre paru chez Coups de tête. Ce quarantième numéro de la collection a d’ailleurs une présentation particulièrement attrayante, avec ses tons rouge vif et son pentacle inversé. En plus, le titre avait tout pour me plaire, avec sa référence mythologique à Pandémonium, la fameuse cité infernale. C’est donc avec beaucoup de curiosité que j’ai entamé la lecture de ce Coups de tête, signé par un jeune auteur québécois qui a déjà publié trois recueils de poésie aux Écrits des Forges.

Pandémonium cité nous raconte l’histoire de Philippe, qui revient d’un long voyage en Europe. À son retour dans le quartier de Villeray, à Montréal, il renoue avec son ami Vlad, un ancien combattant. Au cours d’un orage assez violent, il sera témoin du vandalisme d’un groupe de gothiques, près de chez lui. Intrigué, Philippe décidera de les suivre, accompagné de son meilleur ami. Dès lors, les deux personnages se retrouveront plongés dans une conspiration satanique, qui prend pour sanctuaire l’église à côté de chez Philippe. Les deux amis, soudainement improvisés justiciers, décideront de démanteler eux-mêmes le réseau de satanistes, qui tentera de les punir de leur intrusion…

Le roman de Bergeron est assurément un récit d’action, au rythme rapide et soutenu. Ce livre saura plaire aux lecteurs qui apprécient les histoires effrénées, dans lesquelles les coups de feu et les poursuites en voiture sont au rendez-vous. Pour les autres, Pandémonium cité contient aussi des passages plus poétiques et oniriques, qui prennent pour cadre la ville infernale. Ces chapitres, qui sont mes favoris, viennent enrichir cette histoire, qui manque parfois d’approfondissement. Par exemple, le culte des satanistes ainsi que les pratiquants se démarquent peu des stéréotypes connus, les membres de la loge satanique se bornant à sacrifier des chèvres et à se vêtir comme des gothiques. Pour ma part, j’aurais apprécié un peu plus d’inventivité et d’originalité de ce côté. Le fantastique est aussi assez discret, le roman mettant surtout de l’avant les meurtres perpétrés par les deux personnages principaux.

Néanmoins, Bergeron offre avec Pandémonium cité un roman très bien écrit, au vocabulaire précis. L’auteur possède aussi indéniablement du talent pour créer des ambiances envoûtantes, notamment dans les parties qui se trament dans la ville infernale. C’est donc globalement une belle réussite que ce premier roman de David Bergeron, qui est sans contredit un auteur à suivre.



Entre les bras des amants réunis, Claude Bolduc

Il y a longtemps que j’apprécie Claude Bolduc, qui a signé au cours des années d’excellents recueils de nouvelles fantastiques et d’épouvante, comme Les yeux troubles et Histoires d’un soir, sans oublier des dizaines de nouvelles dans plusieurs revues. Les textes de Bolduc ont d’ailleurs la particularité de s’inscrire la plupart du temps dans la tradition du fantastique belge et français, rappelant les romans du genre publiés chez Marabout. C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’attendais son recueil Entre les bras des amants réunis, qui est paru aux Éditions Vents d’Ouest l’automne dernier.

« Entre les bras des amants réunis » est une novella qui avait d’abord été publiée dans L’année de la science-fiction et du fantastique québécois. Bolduc en propose une version revue et améliorée dans ce recueil, dont le titre s’inspire de Maison Hantée de Shirley Jackson. Dans la version française de ce roman, le personnage principal est obsédé par la phrase suivante : « Les voyages s’achèvent toujours entre les bras des amants réunis ». Je le mentionne, car ce passage du livre trouve des échos dans la novella de Bolduc, qui reprend un peu le même esprit que Maison hantée.

Dans « Entre les bras des amants réunis », la maison hantée est aussi à l’honneur, comme c’est souvent le cas chez Bolduc. Pourtant, le personnage principal de l’histoire, Jacques, mettra un certain temps à s’apercevoir que sa nouvelle maison est plutôt particulière. D’abord, il y a ce froid qui semble provenir de la cave, dont une partie est mal isolée. Afin de remédier à ce problème, Jacques entreprendra de creuser lui-même une partie de son sous-sol… ce qui l’amènera à faire une macabre découverte. Par la suite, ses amis remarquent qu’il a changé, et s’inquiètent de plus en plus pour lui… Sans oublier les transformations qui affectent peu à peu sa maison…

Avec un dosage impeccable entre l’épouvante et l’humour, Bolduc nous propose dans « Entre les bras des amants réunis » l’un de ses meilleurs textes à mon avis.
En plus, l’auteur offre aussi dans ce livre neuf courtes nouvelles, dont certaines très réussies, comme « Il ne faut pas que je dorme », vraiment terrifiante, « Dans la poubelle », très humoristique, ainsi que ma préférée, « Un conte de whisky », un hommage à Jean Ray, qui se démarque par son écriture et par ses atmosphères maritimes.

Bref, je vous recommande chaudement Entre les bras des amants réunis de Claude Bolduc, un auteur de fantastique et d’épouvante québécois incontournable. Pour plus d’informations au sujet de ses recueils, vous pouvez visiter le site des éditions Vents d’Ouest.

jeudi 24 février 2011

150


Ce billet est, à mon grand étonnement, le 150e depuis la création de ce blogue !
J'ai donc pensé qu'il serait intéressant de le souligner, tout en respectant une certaine tradition féline...

Je n'ai hélas pas le talent de photographe de Frédérick, mais à défaut de ceci, j'ai photographié nos chats avec son livre La maison au fond de l'impasse (Vents d'ouest), qui sera en librairie très bientôt. Voici donc, en l'honneur de ce 150e billet, quelques clichés "d'ambiance", en direct de la véritable maison au fond de l'impasse !


Regards de circonstances...


mercredi 16 février 2011

Le Voyage Insolite (Émission du 14 février)


Solaris no 177, spécial « Cauchemars »


Cette semaine, j’ai choisi de chroniquer la revue Solaris, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises à l’émission. Et c’est toujours un plaisir de souligner la parution de cette revue, dont je surveille assidûment la sortie chaque trimestre. En plus, le numéro d’hiver 2011 est un spécial « Cauchemar », consacré entièrement à la nouvelle fantastique, genre que nous apprécions particulièrement au Voyage Insolite.

Sous une couverture terrifiante à souhait, qui convient bien au thème, ce numéro 177 propose pas moins de neuf nouvelles, signées à la fois par des auteurs aguerris et par des auteurs émergents.

Du côté des écrivains bien connus des lecteurs de Solaris, soulignons la présence au sommaire de Frédérick Durand, de Claude Bolduc et de Jean-Pierre Laigle. Pour ma part, je retiens surtout les nouvelles de Durand et de Bolduc, dans lesquelles l’épouvante est au rendez-vous. Dans la première, « Le jour approche ou j’aurai tes yeux », Durand nous propose un réveillon de Noël macabre, qui se déroule dans une famille particulièrement atypique, le tout narré avec un style recherché, empreint d’images fortes et inattendues. Du côté de Bolduc, la thématique du cauchemar est aussi à l’honneur dans la nouvelle « Question d’équilibre », qui amalgame avec talent l’onirique et le bizarre, l’ensemble véhiculant une atmosphère agréablement malsaine. Je n’en dirai pas davantage, pour plutôt vous convier à découvrir par vous-mêmes ce texte difficilement définissable.

Les nouveaux auteurs ne sont pas en reste, notamment avec la présence au sommaire de Guy Genest, Denis Dallaire, Philippe Roy, Sylvain Johnson, Dave Côté et moi-même. En ce qui me concerne, j’ai surtout apprécié les textes de Roy et de Côté, qui se démarquent du lot par leur originalité.

Avec « L’horloge vivante », Roy avait été finaliste au prix Solaris 2009. Et je dois dire à la lecture que cette mention est pleinement méritée ! Avec un talent narratif évident, Roy nous raconte les mésaventures d’un artiste qui accepte de s’occuper de la maison d’un de ses amis pendant son absence. Mais, très tôt, les événements prennent une tournure insolite… jusqu’à devenir de plus en plus cauchemardesques.

Quant à Côté, il narre, dans « En prison », une histoire pour le moins surréaliste, au cours de laquelle le personnage principal reçoit en héritage rien de moins qu’un trou dans le dos, qui aspire ceux qui ont le malheur de s’en approcher… Avec son sens de l’humour habituel, l'auteur nous propose une histoire imaginative et inspirée, au dénouement surprenant. D’ailleurs, Côté est un auteur à suivre, qui publiera prochainement son premier roman, Noir Azur, chez l’éditeur les 6 brumes.

Bref, ce numéro de Solaris débute bien l’année 2011, avec son sommaire très solide, sans oublier la fameuse chronique de Mario Tessier, comme toujours instructive. Un numéro à se procurer d’urgence, en librairie ou sur le site des éditions Alire.



Alibis no 37


En plus de la revue Solaris, les éditions Alire publient aussi Alibis, qui s’intéresse au polar et à la littérature noire. Cette initiative mérite d’être soulignée, surtout que les supports pour les nouvelles de ce genre sont bien rares au Québec. Heureusement, Alibis pallie cette lacune chaque trimestre, en proposant à ses lecteurs une demi-douzaine de nouvelles et des articles solides, sans oublier de généreuses critiques de livres.

Au sommaire de ce 37e numéro, nous retrouvons cinq textes, dont trois sont signés par de nouveaux auteurs. L’auteur le plus connu au sommaire est Sébastien Aubry, qui a publié à de nombreuses reprises chez Alibis, en plus de se classer deux fois demi-finaliste à leur concours de nouvelles annuel. Comme toujours chez Aubry, la qualité est au rendez-vous dans « Café fumant, complicité et petits crimes », une nouvelle noire qui s’articule autour d’un apprenti-écrivain, qui cherche de l’inspiration à Paris, pour le roman historique qu’il souhaite composer. Mais, sur la terrasse où il s’est installé pour noircir l’un de ses carnets de notes, le protagoniste fera une rencontre fatidique… Ce texte d’Aubry, à la finale surprenante, débute donc agréablement ce numéro d’Alibis, qui comporte aussi quelques autres perles du côté des fictions.

La nouvelle de Simon-Samuel Nachbauer, « Ce long matin noir sous nos vides », est l’une de celles-là. Avec un style habile et atmosphérique, Nachbauer nous raconte l’enquête qui entoure les meurtres de huit membres de la mafia. Sur les corps mutilés des victimes, des mots ont été inscrits, sous le regard horrifié de l’unique témoin, une petite fille…

Je retiens aussi « La puce à l’oreille », une longue nouvelle de Catherine F. Sylvestre. Dans ce texte, l’auteure nous présente Rosalinde, une femme désœuvrée dont l’un des rares plaisirs est de traverser un parc au retour du travail. Au cours de l’une de ses promenades, elle apprendra que des meurtres ont été perpétrés sur les lieux… Se sentant d’abord peu concernée, elle ne modifiera pas son itinéraire. Après tout, elle est déjà suffisamment préoccupée par sa relation avec Hugo, son conjoint, qui décline depuis un certain temps. Mais, par la force des choses, elle s’intéressera à l’identité du mystérieux meurtrier du parc… Avec ce texte, Sylvestre réussit à créer des personnages solides ainsi qu’une énigme qui garde en haleine. Seule fausse note à mon avis : la finale, un peu précipitée et décevante. Mais sinon, « La puce à l’oreille » est une belle réussite.

À souligner aussi, l’intéressant article de Norbert Spehner sur les scènes de crime, et l’entrevue avec Philip Kerr, l’auteur de la Trilogie berlinoise.

Si vous aimez la littérature noire et policière, Alibis est donc incontournable, particulièrement avec ce numéro d’hiver, que j’ai personnellement beaucoup aimé. Et tout comme Solaris, la revue est disponible via le site des éditions Alire.

lundi 14 février 2011

L'enfant sans visage (couverture)


Il y a un moment que je voulais partager avec vous la couverture de mon premier livre, à paraître le 31 mars chez XYZ. La couverture, étrange à souhait, est une création d'Anne Tremblay.


Quant au quatrième, je désirais qu'il soit évocateur et intrigant ; vous pouvez juger par vous-mêmes :

"Seuls quelques milliers d’insulaires, au Groenland, ont survécu à la guerre bactériologique qui a dévasté la Terre. Deux d’entre eux, Henrik et Camilla, se rendent à Nuuk, la capitale, pour faire subir une importante opération à leur jeune frère de dix mois, né sans visage. Bientôt, ils feront la rencontre d’êtres mystérieux, les amalgames, que la fonte des glaces a tirés de leur hibernation prolongée."

Le lancement officiel se tiendra le 26 mars, au cours du Salon du livre de Trois-Rivières (au bar l'Hexagone de l'Hôtel Delta). Il s'agit d'un lancement collectif, en compagnie de deux autres auteurs de la région, qui publieront aussi chez XYZ en mars : Michel Châteauneuf et Jean-Pierre April. Le lancement sera aussi précédé d'une table ronde (de 15h30 à 16h30) sur la novella, au Bistro littéraire. Pour les curieux, les détails techniques sont disponibles ici.

J'en profite pour vous suggérer, si intéressés, la lecture des livres de Châteauneuf et d'April :


"Université d’Ottawa, résidence Stanton, printemps 1982.

À la veille du Rapatriement de la constitution, un groupe d’étudiants désœuvrés se défoncent sans ménagement : un narrateur, qui rêve de devenir le Lee Harvey Oswald du Québec en tirant sur la reine Elizabeth II, un pacifiste bègue souffrant de nucléophobie, un pusher franco-ontarien traqué par la GRC, un marxiste en manque de reconnaissance et un quart arrière cocu. Autant de visages d’une certaine jeunesse confrontée au vide moral et existentiel. La novella n’est pas découpée en chapitres, de manière à faire vivre au lecteur, en temps réel, la descente aux enfers de ces protagonistes sous l’effet des euphorisants! "

"Ce recueil renferme neuf nouvelles, et chacune est centrée sur un animal. La gent ailée est à l’honneur − des étourneaux, des buses, des poules, des mouettes −, mais on y trouve aussi des singes, un faon, un ours et des chiens. Dans quatre d’entre elles, la différence entre les animaux et les humains s’estompe, créant ainsi un effet d’étrangeté, soit drôle, soit troublante. C’est d’ailleurs cette caractéristique que l’épithète du titre du recueil met en évidence. La plupart des nouvelles se passent en différents lieux du Québec, mais la première se déroule au cœur de Bali, en Indonésie, et la dernière, en Chine.
Jean-Pierre April sait jouer de tous les registres. Si les deux premières nouvelles sont légères et nous font sourire, d’autres relatent des situations inquiétantes ou carrément tragiques. Certaines sont très réalistes, alors que d’autres font appel au fantastique. C’est le cas de «L’avaleuse d’oiseaux», une nouvelle qui, de plus, relève de l’intrigue policière et fait appel à la poésie. "


Au plaisir de vous voir au lancement !

samedi 12 février 2011

Le Voyage insolite (Émission du 7 février)


Les éditions Marchand de feuilles publient à chaque trimestre la revue Zinc, qui est toujours fort intéressante. Chaque numéro s’articule autour d’une thématique spécifique et nous propose des nouvelles et des articles en lien avec le sujet retenu. Le numéro 22 s’intéresse pour sa part aux supermarchés, ainsi qu’à l’alimentation au sens large.

Quelques mots sur les articles d’abord, plutôt courts, qui sont à la fois originaux et d’une grande variété. Par exemple, la comédienne Jessica Barker et l’auteure Rafaële Germain nous racontent quel serait leur choix pour leur dernier repas, tandis que Laure Waridel nous entretien sur Équiterre, un organisme qu’elle a cofondé. Une chronique, très amusante, compile ensuite quelques records alimentaires étonnants, alors qu’une autre nous apprend les origines parfois insolites de certains produits bien connus. Ensuite, le numéro se poursuit par une entrevue assez singulière avec une dumpster diver, soit une jeune femme qui se nourrit de déchets, sans oublier un entretien avec une vendeuse Tupperware. Outre la grande qualité des articles, j’ai apprécié qu’ils soient dispersés dans la revue, entre les différentes nouvelles.

Ce numéro nous propose d’ailleurs pas moins de neuf nouvelles, signées entre autres par Emilie Andrews, Elsa Pépin, Jasmin Noel, Sarah Deschênes et Lisanne Rheault-Leblanc. Bien que l’ensemble des textes soit de qualité, je retiens spécialement les nouvelles d’Elsa Pépin, de Sarah Deschênes et de Lisanne Rheault-Leblanc.
Dans « Il ippermercato », Elsa Pépin nous raconte le dilemme d’un jeune homme, qui peine à trouver les ingrédients nécessaires pour préparer un spaghetti, dans un supermarché italien. Quant à Sarah Deschênes, elle nous propose, dans « Un brusque silence », une énigme autour d’une église mystérieusement brûlée. Lisanne Rheault-Leblanc nous narre, pour sa part, dans « Le bonheur est en spécial cette semaine », l’évanouissement de son héroïne en plein milieu du supermarché, dans un style qui n’a rien de banal.


En ce qui me concerne, je vous invite à découvrir d’urgence Zinc, si ce n’est déjà fait. Ce magazine est à l’heure actuelle l’une des revues de littérature générale les plus intéressantes et novatrices, en plus de se vendre à un prix très raisonnable. Le tout, avec une présentation graphique irréprochable, à la fois attrayante et colorée. Pour plus de détails, vous pouvez visiter leur site à revuezinc.com.

jeudi 3 février 2011

Le Voyage insolite (Émission du 31 janvier)


Cette semaine, nous avons présenté à l'émission plusieurs livres se rattachant, de près ou de loin, à la littérature érotique. Pour ma part, j'ai commenté deux titres d'Éric Jourdan, publiés chez la Musardine, qu'il me fait plaisir de vous partager sur ce blogue :

Le Garçon de Joie, d’Éric Jourdan

L’auteur du Garçon de Joie, Éric Jourdan, a depuis longtemps l’habitude de susciter la controverse. En 1955, son roman Les Mauvais Anges, qui raconte la relation amoureuse de deux adolescents, avait été interdit en France pendant 29 ans. Avec Le garçon de joie, réédité récemment par la Musardine, Jourdan reprend son thème de prédilection, soit les difficultés des relations entre jeunes hommes. Toutefois, il nous propose ici une trame beaucoup plus complexe qu’une simple histoire amoureuse, mêlant habilement le polar et le roman érotique.

Le récit débute sur une scène forte et intense, à l’image de l’ensemble du roman. Gilles, jeune homme tourmenté, souhaite assassiner Didier, pour qui il éprouve des sentiments contradictoires. Sa tentative échouera, et n’aura pour conséquence que de rapprocher les deux personnages, qui se retrouvent unis dès cet instant par cette tentative de meurtre avortée. Dès lors, leur relation se développera autour du thème de la mort, qui unira les jeunes hommes de plusieurs manières. Autour de ces protagonistes ambivalents, aux désirs souvent inassouvis, gravitent à la fois des personnages empreints de pureté, comme Sophie, qu’ils aiment tous les deux, et d’autres plus fourbes, tel que Nermont, qui souhaite profiter d’eux à la moindre occasion. Mais il n’est pas si facile de soumettre et de compromettre ces jeunes hommes, prêts à tout pour préserver cet amour qu’ils ne parviennent pas à s’avouer à eux-mêmes… Et ce, jusqu’à une finale intense et émouvante, qui convient parfaitement au récit.

Avec Le Garçon de Joie, Jourdan réussit le pari de mêler les genres avec beaucoup de talent. J’ai aussi apprécié cette impression d’intemporalité qui plane sur le récit, dont l’époque demeure incertaine. L’atmosphère du livre m’a rappelé celle du Portrait de Dorian Gray, qui est à mon sens un ouvrage incontournable. Le roman de Jourdan reprend aussi cette idée de la corruption progressive des personnages, mais cette fois avec l’aspect érotique, qui était absent chez Wilde. De plus, l’érotisme chez Jourdan est souvent teinté de romantisme, ne se bornant pas à la description d’une simple mécanique physique. Les scènes amoureuses entre les deux jeunes protagonistes font d’ailleurs partie des plus beaux moments du récit.

Pour résumer, Le Garçon de Joie plaira aux amateurs d’histoires érotiques raffinés, qui ne dédaignent pas le macabre. C’est donc une belle initiative de la part de La Musardine que de rééditer ce livre, qui gagne à être découvert.


Portrait d’un jeune seigneur en dieu des moissons et autres nouvelles, d’Éric Jourdan

En plus du Garçon de Joie, la Musardine a publié récemment un recueil de nouvelles d’Éric Jourdan, intitulé Portrait d’un jeune seigneur en dieu des moissons et autres nouvelles. L’ouvrage de 250 pages est présenté en grand format, sous une couverture attrayante, de style renaissance. Ce bel objet est en outre servi par la plume somptueuse de Jourdan, dont la preuve du talent littéraire n’est plus à faire.

Comme dans ses précédents ouvrages, l’auteur reprend dans ce recueil sa thématique favorite : l’amour entre jeunes hommes. Mais le traitement des nouvelles, malgré ce thème qui peut sembler usé, n’est jamais simple. En effet, Jourdan choisit le plus souvent pour décor un cadre historique ou fantastique pour ses histoires, dont l’arrière-plan est toujours soigneusement développé.
C’est donc à un vaste voyage dans le temps et l’espace que nous convie ce livre, à travers les huit nouvelles qui le composent. Bien entendu, certains des textes m’ont davantage interpellée, et j’aimerais dire quelques mots sur ceux-ci.

D’abord, la longue nouvelle qui donne son titre au recueil, « Portrait d’un jeune seigneur en dieu des moissons », débute agréablement l’ouvrage. Sur la thématique classique du portrait fantastique, Jourdan nous présente un jeune homme, qui achète une toile qui le fascine par son exacte ressemblance avec lui-même. Sa stupeur passée, ses recherches lui feront remonter le cours du temps, jusqu’à l’Italie de la Renaissance.

Je retiens aussi « La bibliothèque tenue par le diable », nouvelle dans laquelle un étudiant insouciant signe un pacte avec le bibliothécaire de l’endroit. Avec cette prémisse classique, Jourdan réussit à créer une atmosphère particulière, tout en piquant la curiosité du lecteur.

Ma nouvelle favorite du recueil est quant à elle « Évohé », qui prend pour cadre la Grèce Antique. Ce texte, fortement imprégné de mythologie, présente deux étudiants en archéologie prisonniers du site de Troie, qu’ils ont retrouvé par hasard. À partir de ce moment, ils devront se soumettre aux caprices des dieux, notamment à ceux d’Hélène…

Quant aux autres nouvelles, quoique agréables, elles sont moins mémorables, à l’exception de « Trois beaux garçons », qui raconte le meurtre réalisé par trois jeunes hommes pour s’emparer de bijoux, l’un d’entre eux se retrouvant en prison. Ici, Jourdan revient à l’une de ses thématiques favorites, celle de l’emprisonnement, omniprésente dans Le garçon de joie.

Dans l’ensemble, ce recueil de nouvelles, majoritairement historiques, propose aux amateurs d’érotisme et d’élégance un agréable moment de lecture. Une mention aussi pour l’érudition de Jourdan, qui traverse l’ensemble de l’ouvrage, ainsi que son imaginaire à la fois généreux et surprenant.

mercredi 2 février 2011

Biographie

Je suis née en automne 1984 à Grandes-Piles, dans la région de la Mauricie. J’écris depuis longtemps, mais je publie depuis une dizaine d’années. D’abord, j’ai signé entre 2003 et 2005 une demi-douzaine de nouvelles sous le pseudonyme d’Hérélys Deslandes, dans des revues telles que Brins d’éternité, Le Calepin jaune, Horrifique… En parallèle, je codirigeais à l’époque Pandémonium : le fanzine des arts déviants, avec Amelith Deslandes. J’ai ensuite préféré signer mes nouvelles et articles sous mon vrai nom, et ce, dans diverses publications comme Solaris, Virages, Alibis et Zinc.

Passionnée par le domaine de l’édition et le rayonnement des littératures de l’imaginaire, je collabore depuis 2008 à la revue Brins d’éternité en tant qu'éditrice et directrice artistique, les arts visuels étant l’un de mes champs d’intérêt. J'ai aussi coordonné les éditions 2009, 2011 et 2013 du Congrès Boréal, événement organisé par SFSF Boréal inc. Je coanime par ailleurs une chronique littéraire à l'émission "Le Voyage insolite", diffusée sur les ondes de CFOU 89,1 FM.
Du côté académique, j’ai choisi de consacrer mon mémoire de maîtrise (profil création) à un fou littéraire, Berbiguier de Terre-Neuve du Thym, auteur des Farfadets, mémoires à saveur diabolique. À l'automne 2011, j'ai commencé un doctorat en création littéraire sur Les mémoires du Diable, de Frédéric Soulié. En parallèle, je travaille à l'UQTR comme assistante de recherche et assistante d'enseignement.

Mon premier livre, L'enfant sans visage est paru en 2011 (éditions XYZ) et mon premier roman, Transtaïga (tome 1 d'une trilogie thématique sur les villages fantômes québécois), a été publié aux éditions Marchand de feuilles au printemps 2012. Le second tome, L'île aux naufrages, est paru en avril 2013. Un recueil de nouvelles, Le sabbat des éphémères est également disponible depuis octobre 2013 aux éditions Six brumes. Finalement, le troisième tome de la trilogie est paru en mai 2014.

Photo : Étienne Gagné