mercredi 29 avril 2015

Le Voyage insolite : lectures


Yves Meynard, Les marches de la lune morte, Alire, 2015, 627 p.

D’emblée, Les marches de la lune morte impressionne en tant qu'objet, comptant 627 pages en grand format, sous une couverture bien choisie de Grégory Fromenteau. Cet ouvrage regroupe en effet cinq livres, dont trois sont parus à l’origine en 1997 et 2004 chez l’éditeur jeunesse Médiaspaul. Mais l’écriture d’Yves Meynard, précise et dotée d’un vocabulaire recherché, s’adresse plus directement aux adultes qu’aux adolescents. Voilà sans doute l’une des raisons qui ont poussé l’auteur à republier son cycle pour un lectorat plus âgé. De surcroît, comme la série demeurait inachevée jusqu’à maintenant (les livres quatre et cinq n’ayant jamais été diffusés), l’occasion était belle, à la manière du Mystère des Sylvaneaux de Joël Champetier (aussi au catalogue d’Alire), de rassembler l’ensemble des récits dans une version définitive.

Les marches de la lune morte met à l’honneur Sébastien, un jeune homme de 16 ans qui est le fils unique du Margrave de la Marche orientale. Garçon solitaire, le dernier représentant de la prestigieuse lignée s’entête souvent à se comporter en enfant. Mais voilà que se produit un événement dramatique qui l’oblige à prendre prématurément ses responsabilités. Troublé, Sébastien accepte d’entrer dans le monde adulte. Mais auparavant, il veut explorer une section du château en ruines du Margrave qui lui a toujours été interdite... et qui le conduira, par le biais d’un escalier (les marches du titre), sur la Lune où vivent des magiciennes dans des souterrains. 

Ce premier livre est fascinant, avec ses descriptions du château abandonné, de la Lune et de ses habitants. En comparaison, j’ai trouvé les « tomes » deux et trois légèrement moins enlevants, tandis que les livres quatre et cinq possédaient cette force, cette même intensité que le premier. Le personnage de Sébastien est bien incarné, et ses péripéties susciteront certainement l’intérêt des amateurs de fantasy de qualité. Les autres protagonistes sont quant à eux un peu plus en retrait (je me suis d’ailleurs demandé pourquoi Loriel, bien que suzeraine, était à ce point hostile à Sébastien, avec tout ce qu’il fait pour l’accommoder, pauvre de lui), mais attachants également. Et l’écriture, discrète, mais précise, rend l’atmosphère de ce livre particulièrement évocatrice. L’un des romans phares de fantasy québécois de 2015, certainement. 


Catherine Sylvestre, La vieille fille et la mort, Alire, 2015, 337 p.

Catherine Sylvestre est le pseudonyme de Francine Pelletier, écrivaine connue pour ses romans de science-fiction. Mais l’auteure est une fervente lectrice de polar depuis des années, et avec La vieille fille et la mort, elle aborde pour la première fois ce genre qu’elle affectionne. Il en résulte un récit rafraichissant, doté d'une voix unique et attachante (le roman est narré à la première personne du singulier), ce qui en fait une lecture estivale très appropriée (si vous cherchez un livre à mettre dans vos bagages pour votre prochain voyage, vous voilà avisé !).

Dans La vieille fille et la mort, nous suivons Catherine Sylvestre, alter ego du pseudonyme de l’auteure, voisine de palier de Maryse et de Stéphane. Alors que la « vieille fille » du titre célèbre seule son trente-huitième anniversaire, elle découvre deux cadavres (celui de Maryse et d’un jeune adolescent, Guillaume) dans l’appartement attenant. Deux morts et un cockatiel, petit Coco, qui l’adopte immédiatement. Troublée, elle revient chez elle avec l’oiseau, avant d’appeler, bien entendu, la police. Mais plusieurs détails tracassent cette employée de la bibliothèque municipale, qui entreprend peu à peu de réaliser son enquête. D’abord, la mise en scène du meurtre, visiblement déguisée en suicide. Car le jeune Guillaume n’a en rien le profil d’un assassin... Voilà Catherine lancée tête baissée (elle est entêtée) sur la trace du tueur, épaulée par le détective Yves Tremblay, qu’elle trouve particulièrement de son goût...

Au-delà de l’intrigue, qui nous garde en haleine, concoctée par Sylvestre/Pelletier, ce livre est surtout un incontournable pour son style. La narratrice n’a pas la langue dans sa poche, usant de traits d’humour le plus souvent efficaces. Et que dire du petit Coco, perruche si attachante que j’ai presque envisagé d’en adopter une (jusqu’à ce que je visualise l’impossible cohabitation avec mes félins d’élite qui s'ensuivrait). Nul doute, la « voix » de Catherine Sylvestre est à suivre... et Francine Pelletier est une auteure pleine de surprises !


* Cette chronique devait être présentée le 27 avril. La saison radiophonique de CFOU 89,1 se terminant le 26 avril, j'ai décidé de poster dès maintenant ces critiques en attendant de les présenter lors de la première émission de la prochaine saison.

jeudi 23 avril 2015

Festivités au fond de l'impasse

Bonne nouvelle :

http://congresboreal.ca/prixauroraboreal/2015/


Félicitations à tous les finalistes !


Félins festifs (d'accord, félins plus éveillés que d'habitude)

Bonus : aperçu des soirées de lecture dans la maison au fond de l'impasse :

samedi 18 avril 2015

Au sud du Lac Kempt

Il y a quelques années, lorsque j'avais visité Saint-Michel-des-Saints, je me souviens d'avoir été déçue de ne pas poursuivre ma route jusqu'à Manawan (Manouane), à environ 85 kilomètres au nord. Il faut croire que j'étais prédestinée un jour ou l'autre à y mettre les pieds, puisque je serai, le 22 avril, l'une des invitées du mini-salon du livre de Manawan, consacré cette année à l'horreur (et ouvert au public en après-midi). Le tout se déroule à l'école secondaire Otapi. J'espère bien avoir le temps de capturer quelques images sur place... et, comme vous vous en doutez, je prépare en ce moment fébrilement mes bagages pour la Matawinie !



jeudi 16 avril 2015

Le Voyage insolite : émission du 13 avril


Chase Novak, Conception, Préludes, 2014, 473 p.

Chase Novak est le pseudonyme de Scott Spencer, auteur américain d’une douzaine de romans. Les éditions Préludes viennent de traduire en français son deuxième roman d’horreur, publié à l’origine en 2012 sous le titre de Breed (titre plus intéressant que le banal Conception, convenons-en). Le livre se présente sous une couverture simple, mais qui affiche ses couleurs : une femme enceinte en tons rouge sang. Car c’est le thème de la maternité qui est sans surprise au cœur de Conception, mais pas de n’importe quel enfantement... celui qui change littéralement les parents en monstres.

Le cauchemar commence avec le désir d’enfantement très marqué de Leslie, mais surtout d’Alex Twisden, dernier descendant d’une riche lignée. Fier des accomplissements de ses ancêtres, il peine à se résoudre à mourir sans héritiers. Mais, malgré tous leurs efforts, Leslie et lui ne parviennent pas à concevoir un enfant. Alex entend alors parler d’un médecin en Slovénie, qui réussit, plus ou moins légalement, à rendre féconds les couples désespérés. Il décide qu’ils tenteront le coup une ultime fois. Et Leslie tombera enceinte, mais tous deux devront en payer chèrement le prix. Notamment lorsque leurs jumeaux de dix ans, Adam et Alice, terrifiés par le comportement de leurs parents, fuiront la maison familiale...

Construit autour du thème classique de l’enfantement des monstres (qui sont ici les parents plutôt que leur progéniture), Conception est un thriller fantastique haletant, qu’il est difficile de mettre de côté. Ses effets horrifiques sont efficaces, bien que d’un gore modéré. Là où le livre fonctionne parfaitement, c’est dans sa façon de distiller la tension, de maintenir à vif les nerfs du lecteur. Bien sûr, les limites de la thématique choisie se font parfois sentir, mais dans l’ensemble, Conception est un thriller fantastique honnête qui honore ses promesses. 

Bien que la finale soit moins « terrible » qu’annoncé par le New York Times en quatrième de couverture, nous avons affaire à un roman qui reste en mémoire. Et même si certains protagonistes auraient gagné à être davantage incarnés (Alice, par exemple), Conception plaira certainement aux amateurs de monstres sanguinaires et de récits qui nous laissent sur le fil du rasoir...


mardi 14 avril 2015

Le Voyage insolite : émission du 6 avril


Diane Setterfield, L’homme au manteau noir, Plon, 2013, 362 p.


Publié il y a quelques mois aux éditions Plon, L’homme au manteau noir de Diane Setterfield est un roman fantastique qui se trame à l’époque victorienne. Bien que présenté par l’éditeur comme « une histoire sombre et évocatrice », nous avons ici surtout affaire à du fantastique feutré et classique, loin de susciter l’épouvante. Car ce qui est au cœur du récit, c’est l’obsession pour le travail de William Bellman, qui va l’user prématurément.

Outre William Bellman, l’une des assises de L'homme au manteau noir repose sur les freux, ces gros corbeaux au plumage bleuté (l’un d’entre eux ne se trouve pas par hasard sur la couverture du livre, assez jolie d’ailleurs). Nul doute que Diane Setterfield a effectué de longues recherches sur les freux, ses connaissances venant enrichir l’histoire. Au début du récit, William Bellman, alors âgé de dix ans, tue un corbeau à l’aide de son lance-pierres. À partir de ce moment, son existence devient liée de près à ces oiseaux de mauvais augure, un étrange homme au manteau noir (celui du titre, bien entendu) apparaissant mystérieusement aux funérailles de ses proches. Mais, avant de connaître le deuil, Bellman obtiendra un succès éclatant à la manufacture de son oncle, les 150 premières pages de L’homme au manteau noir décrivant l’élévation de son statut social. Survient ensuite une tragédie, assez touchante, puis l’homme fonde une nouvelle compagnie, cette fois avec un « associé », plongeant à nouveau tête baissée dans le travail... Les descriptions de ses efforts incessants pour faire prospérer son second commerce occupent une bonne centaine de pages, émaillées de temps à autre par la visite des corbeaux et de l’homme au manteau noir.

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, je ne suis pas particulièrement emballée à l'idée de lire un ouvrage qui dépeint un homme qui ne cesse de travailler (peut-être parce que je travaille moi-même trop !). Surtout que l’éditeur avait présenté ce livre comme de l’épouvante... Certes, nous frayons avec du fantastique feutré, le cadre de l’époque victorienne venant significativement enrichir le roman, mais l’approche du genre est tout en nuances, très discrète. Ceux qui aiment le fantastique modéré pourraient cependant apprécier. Chapeau également à Diane Setterfield pour la place d’honneur qu’elle offre aux corbeaux dans ce livre, leurs cris continuant de résonner bien après la dernière page !


Sébastien Chartrand, La voyante des Trois-Rivières, Alire, 2015, 401 p.

La voyante des Trois-Rivières est le second tome de la trilogie Le crépuscule des arcanes, dont j’ai lu le premier opus en mars 2013. Au terme d’une attente de deux ans, le second tome vient de voir le jour, toujours aux éditions Alire. Comme je m’étais intéressée à L’ensorceleuse de Pointe-Lévy à sa sortie, j’ai donc mis un peu de temps à renouer avec les personnages de la série, qui étaient un peu loin dans ma mémoire. Mais une fois la page soixante dépassée, j’avais retrouvé mes repères, me rappelant les enjeux de ce récit dont l'action se déroule dans le Bas-Canada en 1849. 

L’histoire s’articule autour de Faustin, un bedeau doté d'une impressionnante espérance de vie. Près de lui gravitent les mêmes protagonistes que dans le premier tome : François Gauthier, un faux prêtre arcaniste, Baptiste, un homme fort, et Shaor’i, une Micmac capable de se transformer en harfang. À la suite d’une rencontre avec un esprit frappeur, Faustin s’aperçoit qu’il possède des talents pour le spiritisme. Spiritisme qui sera au cœur de ce second tome, bonifié par les nombreuses légendes québécoises sur les revenants et les esprits. Je rappelle que Sébastien Chartrand puise une partie de son inspiration dans les contes et les légendes québécoises, ce qui confère à sa trilogie un parfum dix-neuvièmiste. Faustin et son équipe auront par conséquent à affronter moult péripéties, qui les mèneront aux mythiques Vieilles-Forges de Trois-Rivières, qui ont longtemps traîné une réputation sulfureuse (pas étonnant que Frédérick et moi habitions tout près !). À ce sujet, je retiens deux belles trouvailles : la chapelle ensevelie et le beuglard, qui, par son seul cri, glace l’échine des mortels. 

La Voyante des Trois-Rivières est d’ailleurs baigné par cette atmosphère à l’ancienne et se lit vite et bien, hormis certaines tournures plus convenues qui parsèment l’écriture : « froide comme la morsure de l’hiver » (p. 225), « noires comme de l’encre » (p. 272), « rongé par l’inquiétude » (p. 336). Quelques phrases sont aussi chargées en adjectifs : « Chaque pas du groupe, guidé par la lueur du fanal, faisait craquer les poutres à travers les cloisons séculaires alors que le plafond laissait échapper de minces filets d’une eau brunâtre puante » (p. 234). Mais, dans l’ensemble, La voyante des Trois-Rivières est un récit de fantasy historique dont les pages se tournent d’elles-mêmes, fidèle à l’esprit du roman populaire, explorant avec intérêt le Bas-Canada du XIXe siècle... avant que la magie des arcanistes ne disparaisse !
 

mercredi 8 avril 2015

Projets printaniers

Peu à peu, je reprends le retard accumulé pendant ma première charge de cours, donnée cet hiver à l'UTA de l'UQTR. J'ai aimé cette expérience  - surtout dans le domaine de la création littéraire -, qui m'a montré que j'étais capable d'enseigner. Vais-je le faire éventuellement à temps plein? Je ne le sais pas encore, l'enseignement, bien que stimulant, demandant énormément de temps, de surcroît lorsqu'il s'agit d'élaborer la matière de nouveaux cours. Mais il est certain que je ressors grandie de ceci, même si, pendant des semaines, je n'ai pas été en mesure de progresser dans les projets littéraires. Avec le printemps qui s'installe - à vitesse tortuesque, soyons honnête - il va sans dire que l'envie de replonger dans l'écriture se manifeste. Et aussi celle de voyager... 

Déjà quatre mois depuis ma dernière escapade - brève, en plus - au New Hampshire. Et neuf depuis le voyage estival de 2014... Je ne tiens plus en place! C'est pourquoi j'ai prévu une virée en juin à la Baie-James (incluant bien entendu le village de Radisson) et une autre dans les environs des Monts Groulx et de Fermont (une préférence nordique se dessine... est-ce que quelqu'un est réellement surpris?). Fermont qui sera (tiens, tiens), à l'honneur dans le projet de roman que je commencerai ce printemps. Car les mois ont filé rapidement, et Escalana, mon dernier livre paru, célébrera en mai prochain - déjà - sa première année d'existence. J'alternerai donc les ultimes corrections du roman de la Basse-Côte-Nord dont j'ai déjà parlé ici (vous savez, celui qui porte le titre de travail Les cendres de Sedna) ainsi que d'une poignée de nouvelles à l'état embryonnaire qui se sont accumulées (ce n'est pas pour rien que mes parutions en format bref sont ces derniers temps rarissimes...) avec la rédaction du roman fermontois. Récit réaliste, cette fois, à saveur noire, plus près du polar que mes derniers projets (et plus urbain, oui oui). Et, sans surprise, j'avancerai comme de coutume le travail sur la thèse. Enfin, je verrai bien ce que le printemps apportera...

Une certitude, avec lui s'amène, outre le Congrès Boréal (où il est temps de s'inscrire et lors duquel sera lancé le no 41 de Brins d'éternité - détails à venir), le Salon du livre de Québec, auquel je prendrai part le samedi 11 avril. Cette fois encore au kiosque de Prologue (#96), de 15h à 16h, puis de 17h à 18h. Aurai-je le plaisir de vous y voir? De discuter avec vous de vos projets de voyages au... Groenland?