Esparbec, Les
biscuitières, Paris, La Musardine, 2014, 375 p.
Auteur d’une centaine de romans de gare, Esparbec a publié
une douzaine de livres chez La Musardine. Les biscuitières, long
roman de presque 400 pages, est le premier que j’ai l’occasion de lire. Et je
dois avouer que je n’ai guère senti de longueurs dans le récit, sinon
peut-être dans les cinquante dernières pages, qui m’ont paru plus
expédiées, le rythme s’accélérant subitement. Mais attardons-nous d’abord sur
ce que raconte ce plus récent livre d’Esparbec.
Charlotte est une adolescente de quinze ans qui, comme
nombre de ses consœurs pauvres du village, est envoyée travailler à la
biscuiterie locale. Celle-ci, propriété du comte Zappa, a la réputation d’être
un lieu de perversions. Charlotte découvrira bientôt que cette réputation
n’est en rien usurpée... Pourtant, le sort de l'adolescente est plus « enviable »
que celui de plusieurs de ses collègues, qui subissent sans arrêt le chantage sexuel
des contremaîtres (certaines étant consentantes, d’autres, non). Charlotte est
en effet engagée par Mélanie, la « secrétaire » du comte Zappa, comme
employée de bureau auxiliaire. Il faut dire que Mélanie a un penchant marqué pour les très jeunes femmes. Elle entreprendra donc d’initier Charlotte
au saphisme, puis au sadomasochisme, avant de parfaire ses connaissances
masculines auprès de Philéas, employé de bureau dont la jeune sœur, Opal,
est l’un des rares protagonistes chastes du livre. Car la
quasi-totalité des employés du comte Zappa ne vivent que pour assouvir sans
arrêt leurs penchants charnels. Cette exagération dans les mœurs entraîne forcément une
certaine invraisemblance, donnant l’impression que tout le monde, sans
exception, est infidèle et incestueux et que personne n’est jamais en train de
travailler à la biscuiterie (qui n’a étonnamment pas encore fait faillite).
De même, la jeune narratrice, exposée à divers fétichismes,
dont certains ne sont pas banals (la bestialité, par exemple), demeure le plus
souvent impassible ou excitée par à peu près tout ce qu’elle voit, même quand
ses collègues souffrent considérablement (bref, on ne peut pas dire que
Charlotte soit très empathique !). Cela dit, la psychologie de l'adolescente est
tout de même bien dépeinte, même si l'attitude très ouverte de Charlotte à l’égard de
toutes les perversions aurait parfois demandé plus
d’explications (après tout, elle est une « initiée » et non une « experte »).
Mais l’intérêt principal des Biscuitières demeure à
mon sens son lent et constant crescendo érotique, qui fait
littéralement retenir son souffle au lecteur ou à la lectrice. Nous avons ainsi
l’impression de vivre en temps réel les premiers jours « d’embauche »
de Charlotte dans les bureaux de la biscuiterie. Et comme Esparbec a un
talent rare pour les descriptions détaillées, le roman possède sans
contredit un côté très sensoriel. Voici donc un récit aux influences sadiennes
maîtrisées, qui montre que, comme à son habitude, La Musardine a à cœur
d’offrir à ses lecteurs et à ses lectrices des ouvrages de qualité.
La librairie du même nom de l'éditeur La Musardine, à Paris.