... voici quelques critiques originellement publiées dans d'anciens numéros de Brins d'éternité. Pour ces derniers, qui comprenaient notre traditionnelle "rétrospective Fantasia", j'avais composé plusieurs critiques de films, à la suite du festival. Je me permets de retranscrire mes commentaires ici, en ajoutant au passage une appréciation sous forme d'astérisques. Pour les intéressés, il est possible (pour certains titres) de visionner les films par l'entremise de clubs vidéo de répertoire, comme La boîte noire, Le septième (à Montréal), Le Colimaçon (à Trois-Rivières), etc. En espérant que ces commentaires vous donneront envie d'assister à la prochaine édition de Fantasia, qui se déroulera du 14 juillet au 7 août.
Bad Biology (Frank Henenlotter)
Bad Biology, nouveau film de Frank Henenlotter, à qui l’on doit Brain Damage et Frankenhooker, était tout désigné pour une représentation de minuit à Fantasia. À la fois tordu et pervers, le film, produit par le rappeur R.A. Thorburn, qui a composé la bande sonore, n’est rien de moins qu’unique. On y retrouve deux protagonistes sexuellement difformes, Jennifer (superbement interprétée par Charlee Danielson), une photographe de mode affublée de sept clitoris et d’une libido en conséquence, capable de donner naissance à des bébés mutants moins d’une heure après la fécondation, et Batz, pour sa part doté d’un phallus énorme et pourvu de sa volonté propre. Les effets spéciaux, signés par Gabe Bartalos, sont de surcroît très réussis, contribuant à faire de ce film, qui s’adresse à un auditoire restreint, un divertissement aussi original que délirant. ****
Trailer Park of Terror (Steven Goldmann)
Au rayon des films de morts-vivants présentés à Fantasia 2008, Trailer Park of Terror se taille une bonne place, bien que moins percutant que [REC] et plus conventionnel que Dance of the Dead. La principale faiblesse du film réside dans son manque d’audace sur plusieurs plans, d’abord avec les personnages des adolescents, stéréotypés, dont le bus est tombé en panne, ensuite dans les scènes de violence et d’érotisme, qui auraient gagné à moins de retenue. Cette « pudeur » se retrouve dans l’ensemble du film, qui se détache avec difficulté de ses influences (on pense tout de suite à Rob Zombie et à son Devil’s Rejects), tout en développant peu les personnalités des morts-vivants, dont les traits de caractère, plutôt attachants, offraient un potentiel certain. On relèvera le jeu de certains acteurs, notamment Nichole Hiltz, dans le rôle de Norma, « The Trailer Park Queen », de Priscilla Barnes et de Lew Temple (qui ont tous deux joué dans le second film de Rob Zombie), de même que le choix généralement heureux de la bande sonore, omniprésente. Mais compte tenu de son budget modeste et de ses 18 jours de tournage, le réalisateur Steven Goldmann s’en tire relativement bien, proposant un film de zombis classiques qui saura plaire aux inconditionnels de chair fraîche. **
La possibilité d’une île (Michel Houellebecq)
À moins de considérer La possibilité d’une île comme un complément au roman du même nom de Michel Houellebecq, il est difficile de trouver des qualités à ce film. Le scénario ne démarre pourtant pas si mal, si l’on met de côté le jeu hésitant de plusieurs acteurs, nous introduisant dans une secte d’illuminés qui souhaitent parvenir à l’immortalité par l’entremise du clonage. Mais l’ensemble dérape à la suite du décès de Raël (oui, oui, le grand gourou) qui désigne son fils Daniel comme son successeur. Survient ensuite une brisure aussi brutale qu’imprévisible dans le film, qui nous projette dans un monde postapocalyptique (une mention quand même pour les superbes ruines et les magnifiques paysages présentés) dans lequel Daniel est devenu un clone, un « néohumain » qui parcourt le journal tenu par ses prédécesseurs. Les raisons qui le poussent ensuite à quitter son abri pour l’extérieur sont ici obscures, alors qu’elles étaient davantage expliquées dans le roman. Dommage également que le film ne conserve pas cet aspect irrévérencieux et sexuellement explicite qui est l’apanage du romancier. À voir après avoir lu le roman, pour les curieux seulement. *1/2
Love Exposure (Sion Sono)
Premier avertissement : ne vous laissez pas berner par le titre anodin de ce film, ni par sa longueur (237 minutes !). Deuxième avertissement : n’oubliez pas que Love Exposure a été réalisé par nul autre que Sion Sono, le réalisateur audacieux derrière Suicide Club et Strange Circus. Sono nous présente ici son film le plus abouti jusqu’à présent, une véritable expérience cinématographique qui fait passer le spectateur par toute la gamme des émotions. Oscillant sans cesse entre le drame d’horreur (présenté avec une esthétique surréaliste et feutrée) et la comédie (sans toutefois tomber dans la facilité), Love Exposure est un véritable délice d’étrangeté. La quête amoureuse, le culte religieux, la sexualité (dont l’inceste et le travestissement, thèmes récurrents chez Sono) sont quelques-unes des pistes abordées par ce film, qui, malgré quelques digressions, ne s’éloigne jamais complètement de son fil conducteur. Une œuvre qui ne se raconte que difficilement, tant elle est généreuse et éclatée, qui réussit tant à illustrer la violence que la tendresse des relations humaines. ****
Air Doll ( Hirokazu Kore-eda)
Deuxième film fantastique du Coréen Hirokazu Kore-eda, Air Doll nous introduit dans l’existence paisible et pathétique d’un serveur de restaurant célibataire, qui trompe sa solitude avec une poupée gonflable, Nozomi (jouée par Bae Du-na, qui livre ici une superbe performance). Un jour, pourtant, son immobile compagne prend vie et découvre, avec un regard d’enfant, le monde environnant. Ce film, très touchant, est un peu l’équivalent d'Amélie Poulain en japonais. Il relate les découvertes souvent pénibles de la poupée gonflable, qui s’aperçoit du vide qui habite les différents protagonistes qu’elle côtoie. Très soigné, ce long-métrage au rythme lent est à la fois mélancolique et aérien, empreint d’une délicate poésie. Certaines images saisissantes, liées à la poupée gonflable en tant qu’objet, viennent toutefois nuancer le propos, en proposant en parallèle une réflexion sur le rapport au corps. De plus, la bande sonore, entièrement composée de musique classique, vient renchérir cette impression de tendre fatalité que laisse le film après son visionnement. Un long-métrage feutré et hypnotique, porté par une méditation métaphysique à la fois douce et amère. Une réussite. ***1/2
T. T. Syndrome (Dejan Zecevic)
Sorti en 2002, ce film de Dejan Zecevic est considéré comme culte en Serbie, où il a été tourné. Pourtant, bien que l’ensemble possède certaines qualités, le résultat laisse songeur, le long-métrage semblant osciller entre plusieurs genres. Le film jongle ainsi avec le gore, le giallo, le slasher et même l’humour ! De plus, la prémisse, fort intéressante, rend le résultat encore plus décevant : dans une ancienne forteresse convertie en toilettes publiques, d’une saleté sordide à souhait, de jeunes adultes se font assassiner un par un, par un meurtrier tout de noir vêtu, qui serait atteint de l’étrange affection du T.T Syndrome… S’inscrit en parallèle une atmosphère effrayante, hantée entre autres par la culpabilité, qui croupit tout au fond des canalisations. Hélas, malgré le décor et l’idée de départ prometteuse, le résultat est bancal, guère vraisemblable, le jeu de plusieurs acteurs, maladroit, et la finale, peu crédible. N’empêche, je garde en tête quelques belles images du lieu de tournage, de ces toilettes publiques dans lesquelles sont jetés des membres humains… *1/2
A Serbian Film ( Srdjan Spasojevic)
Vous êtes blasés, vous pensez être devenu indifférent à toute violence ? A Serbian Film est le remède tout désigné à votre marasme. Réalisé en Serbie, par Srdjan Spasojevic, ce long-métrage était présenté dans le programme du festival comme « l’un des films les plus percutants que vous verrez dans votre vie ». L’histoire débute pourtant lentement, autour d’une famille, dont Milos, le père, est une ex-star de l’industrie pornographique. À la suite de l’insistance d’un réalisateur atypique, Milos accepte de tourner un nouveau film, sans savoir exactement de quoi il s’agit. Sitôt le contrat accepté, il se retrouve plongé dans un scénario inquiétant et amoral, qui le perturbe fortement. Mais le tournage doit se poursuivre coûte que coûte, et l’enfer prend une forme de plus en plus tangible… Inspiré et troublant, A Serbian Film est de surcroît porté par le jeu impeccable de ses acteurs, un montage irréprochable et une trame sonore fort à propos. Et ce n’est que le premier long-métrage du réalisateur ! Gageons qu’il n’a pas fini de nous faire frémir… ***1/2
Re-Animator (Stuart Gordon)
Afin de souligner les 25 ans du film, l’équipe de Fantasia avait invité à cette projection à la fois le réalisateur, Stuart Gordon, le scénariste, Dennis Paul et l’un des acteurs principaux, Jeffrey Combs. C’est donc dans une ambiance festive que Re-Animator, à mi-chemin entre l’humour et l’horreur, a été présenté. Avec ce film, Gordon propose une adaptation (très libre) d’une nouvelle de Lovecraft (« Herbert West : Re-Animator »). Il livre ici une de ses transpositions les plus convaincantes de l’auteur, avec Dreams in the Witch-House (2005). Il faut dire que tous les ingrédients y sont : des personnages principaux solides, cinglés à point, des zombies burlesques et originaux, des expériences scientifiques douteuses… Et même si le long-métrage glose autour de l’idée somme toute courante de ramener les morts à la vie, il le fait d’une manière rafraîchissante, parvenant à nous faire oublier que le film date de plus de deux décennies ! À parier que certaines images vous resteront en tête longtemps, du moins, si vous parvenez à la conserver… ****