lundi 21 mai 2012

Lectures : Sous béton


Sous béton, Karoline Georges, Alto, 2011, 184 p.

Sous béton est le quatrième roman de Karoline Georges, qui œuvre également en tant qu’artiste visuelle. Elle a d'ailleurs réalisé elle-même la couverture de ce livre, une photographie grise et dépouillée, qui convient très bien au sujet de son récit. Car Sous béton est un ouvrage volontairement empreint de grisaille, dans lequel les êtres humains sont traités de manière impersonnelle. Mais, tel que mentionné plus haut, cette « austérité » est étudiée et rendue avec une maîtrise certaine par l’auteure.

Le roman nous présente « L’enfant », un individu de sexe masculin, à qui ses parents n’ont pas jugé nécessaire de donner un prénom. Eux-mêmes en semblent d’ailleurs dépourvus, puisque « L’enfant » fera constamment référence à eux sous les appellations de « père » et de « mère ». Le trio demeure au 804 du 5969e étage d’un édifice, construit en Béton Total. Prisonniers de ces murs, ils mènent une existence morne et contrôlée, qui n’est pas sans évoquer l’ambiance des romans qui décrivent un monde totalitaire (mais sans le spectre de Big Brother). Auparavant, « L’enfant » avait des frères et des sœurs, mais ils ont tous été tués par ses parents, la plupart par son père, particulièrement violent, toujours en train d’user d’abrutissants. Mais les enfants morts sont légion dans l’édifice, les agents sanitaires se contentant de les envelopper d’une pellicule. Seul survivant de cette hécatombe familiale, « L’enfant » apprendra donc à se faire aussi petit que possible et à tromper l’ennui par le sommeil. Jusqu’à ce que son rapport au monde change et qu’il commence à se poser certaines questions…

Avec ce roman, Karoline Georges signe un récit d’anticipation original et insolite, à la fois personnel et inspiré des classiques de la science-fiction. Et même s’il est possible de lui reprocher l’usage abusif de majuscules ou encore une certaine exagération dans les dimensions de l’Édifice (plusieurs milliers d’étages, tout de même), l’ensemble demeure des plus compétents. En effet, l’écriture est ciselée, pourvue d’un vocabulaire précis, et sert particulièrement le récit.

Néanmoins, compte tenu de son propos et de l’existence morne de « L’enfant » ainsi que de ses parents, le récit dégage un certain sentiment de redondance. En ce sens, la quatrième partie m’a semblé un peu superflue, même si elle contribuait à augmenter le vertige et l’état « hypnotique » suscité par le livre.

Cela dit, Sous béton est en définitive un roman brillant, pour les amateurs de science-fiction atypique et poétique. Car Karoline Georges possède sans contredit une voix originale, qu’il me tarde de découvrir dans ses autres livres.


(Critique précédemment publiée dans le numéro 31 de Brins d’éternité)
 

mercredi 16 mai 2012

Babillard de mai


- Été scolaire en perspective... Avec des séminaires tant en juin qu'en juillet, ainsi qu'un travail à remettre en août, je crains d'avoir moins le temps de voyager (et pour profiter de l'été au sens large), à ma grande déception. Mais je ne resterai pas sur place non plus : comme à notre habitude, Frédérick et moi nous proposons de visiter un ou deux villages moins fréquentés du Québec. À suivre...

- Plusieurs appels à textes sont actuellement en cours. Je me permets d'en relever deux : celui de Virages, sur "l'horreur sous toutes ses formes", celui de L'écrit primal, sur divers thèmes de la science-fiction (dépêchez-vous, il se termine bientôt !) ainsi qu'un concours, soit le "Défi meurtrier" de Zone d'écriture (avec, en guise de prix, un abonnement et une publication dans Alibis !). Avis aux intéressés !

- À propos de revues : c'est cette semaine que paraîtra le numéro 22 de Dissonances, avec ma nouvelle "La fosse aux songes" au sommaire. Pour la petite histoire, ce texte, sous un autre titre, avait été demi-finaliste à l'édition des 1000 mots de l'ermite 2011. Il va sans dire que je suis bien contente de cette publication outre-atlantique.

- Du côté des projets littéraires, l'été s'annonce, entre autres sous le signe des corrections, plus précisément celles du tome 2 de ma trilogie. Et j'espère aussi écrire deux ou trois nouvelles, dont un inédit, pour le recueil à paraître en 2013 chez les 6 brumes.

- Au programme cet été également : la préparation du numéro 33 de Brins d'éternité, à paraître en septembre. J'en profite pour rappeler aux annonceurs intéressés que des espaces publicitaires (dont le quatrième de couverture) sont disponibles... Pour en savoir davantage : http://www.revue-brinsdeternite.com/2011/05/annoncez-vous-dans-brins-deternite.html

- Et, pour conclure, une photo de notre chat Pan, qui a été bien malade dernièrement. Nous avons cru que la maladie aurait raison de lui (il a au moins 13 ans, difficile de déterminer son âge exact, compte tenu que c'est un chat trouvé). Mais il semble reprendre du mieux, à notre grand soulagement. Le voici donc, à l'affût des oiseaux qui le narguent dans les arbres :


mercredi 9 mai 2012

Un congrès Boréal mémorable


En fin de semaine dernière se tenait le Congrès Boréal. Cette édition, organisée par Québec-SF, se déroulait au Centre Morrin, dans le Vieux-Québec. Le quartier, avec son charme historique, se prêtait très bien à l'événement. Et en plus, comme le Centre Morrin était jadis le lieu de pendaisons, nul doute que de nombreux fantômes rôdaient encore dans les environs ! C'est donc avec plaisir que Frédérick et moi sommes partis pour Québec, en quête d'inhabituel et d'insolite...

Comme toujours, ce fut un plaisir de revoir collègues et amis (je m'abstiendrai de les nommer, car la liste serait longue), de discuter des projets à venir, de participer à des tables rondes... et j'en oublie : la fin de semaine passant toujours trop vite ! Ce qui est certain, c'est que je garderai un bon souvenir de cette édition, qui présentait des activités intéressantes et variées (en plus des panels, il y avait aussi des lectures, la soirée de bandes-annonces et d'autres projections cinématographiques, la mascarade, un concours d'écriture sur place, un colloque universitaire... il était même possible de visiter la prison !). Une salle d'exposition et un mini-salon du livre offraient aussi de la visibilité aux artistes et aux éditeurs (malheureusement, ces derniers étaient situés dans des endroits moins visibles, notamment dans une bâtisse attenante au Centre Morrin). Mais globalement, le Congrès fut une belle réussite. 

Pour ma part, j'en suis repartie bien émue, surtout après avoir remporté mon tout premier prix littéraire, soit l'Aurora/Boréal de la meilleure nouvelle avec "L'enfant sans visage"... Merci à tous ceux qui ont apprécié mon livre au point de voter pour lui, j'en ai été fort touchée ! Et félicitations aux autres gagnants : Jean-Louis Trudel (prix Solaris), Geneviève Fournier-Goulet et Philippe-Aubert Côté (Concours d'écriture sur place, respectivement dans les catégories "auteurs montants" et "auteurs chevronnés") sans oublier la mention de Geneviève Blouin, Éric Gauthier (prix Jacques-Brossard et Aurora/Boréal du meilleur roman), Claude Janelle (prix Aurora/Boréal du meilleur ouvrage relié), Valérie Bédard (prix Boréal de la création artistique), et, ce qui n'est pas sans me rendre fière, Brins d'éternité (prix Boréal de la Fanédition).

En terminant, quelques images appuyer mes dires, pour la plupart prises par des amis, pour deux raisons : le fonctionnement erratique de l'appareil photo et l'éclairage à contre-jour des salles, qui empêchait de prendre des photographies réussies avec un appareil ordinaire. Mais voici :


Le Centre Morrin et ses fantômes embusqués :

Notre hôtel, juste à côté, Le Jardin Sainte-Anne :

 Près du Kirk Hall, avec Geneviève Fournier-Goulet et Carmélie Jacob (merci à Natasha Beaulieu de m'avoir envoyé les deux photographies suivantes)

 
  Lecture, accompagnée de Frédérick au piano (merci à Carmélie pour la photographie)

La salle d'exposition, avec l'une des artistes, Valérie Bédard, en pleine discussion avec Isabelle Lauzon.


Un aperçu de la fameuse mascarade : de gauche à droite : Natasha Beaulieu, Joël Champetier et Sylvie Bérard (photo de Francine Pelletier)

Duo nocturne : Geneviève Blouin et Isabelle Lauzon (photo de Natasha Beaulieu)


La cérémonie de remise de prix (toutes les photos de la cérémonie, sauf mention contraire, sont de Julie Martel)

Le gagnant du prix Solaris, Jean-Louis Trudel, Pascale Raud (coordonnatrice de la revue) et deux des trois jurés : Francine Pelletier et Josée Lepire.

Philippe-Aubert Côté, gagnant du Concours d'écriture sur place, catégorie "auteurs chevronnés"


À droite, Geneviève Fournier-Goulet, gagnante du Concours d'écriture sur place, catégorie "auteurs montants" qui essaie de se cacher derrière moi !


Un grand moment pour moi : avec le prix Aurora/Boréal de la meilleure nouvelle (photo de Francine Pelletier)

Claude Janelle, prix pour "Le meilleur ouvrage relié", pour le colossal DALIAF

Valérie Bédard (alias Matante Valérie), dans la catégorie "meilleure création artistique" pour ses illustrations dans plusieurs revues.

Parlant de revues, voici les éditeurs de Brins d'éternité (Guillaume Voisine, Alamo Saint-Jean et moi), gagnants de la catégorie "Fanédition"

Et le Aurora/Boréal prix du meilleur roman : Montréel, d'Éric Gauthier (Yves Meynard représentait ce dernier, absent. À droite une photo du "vrai" Éric !)

Voilà qui termine ce bref survol pictural du congrès !

Et si vous avez envie de lire d'autres billets au sujet de Boréal, je vous recommande celui d'Isabelle Lauzon, très complet, et à la fin duquel se trouve une liste de billets sur le congrès.

C'est un rendez-vous, l'an prochain, pour l'édition 2013, qui se tiendra cette fois à Montréal !


vendredi 4 mai 2012

Hommage visionnaire de la science-fiction et du fantastique


Création d'une distinction littéraire: "Hommage visionnaire de la science-fiction et du fantastique"


POUR DIFFUSION IMMÉDIATE


Montréal, le 4 mai 2012. – Nous sommes fiers d'annoncer la naissance d'un nouveau prix littéraire: l'Hommage visionnaire de la science-fiction et du fantastique. Cette distinction visera à célébrer les auteurs majeurs de la science-fiction et du fantastique québécois, qui depuis les 40 dernières années, ont su produire des œuvres d'ampleur et de qualité exceptionnelles.

L'Hommage visionnaire sera remis et administré par l'organisme SFSF Boréal Inc., corporation sans but lucratif œuvrant depuis 1981 dans le domaine des littératures de l'imaginaire. Le ou la récipiendaire du tout premier Hommage visionnaire sera annoncé au printemps 2013. La remise sera accompagnée d'activités - dont une soirée hommage - qui viseront à faire connaître l'œuvre de cet auteur. Un nouvel auteur sera honoré tous les deux ans. Au fil des remises, un corpus des œuvres incontournables de la science-fiction et du fantastique québécois sera ainsi constitué.

Depuis les années 70, la littérature québécoise de science-fiction et de fantastique a atteint une envergure considérable. "Les littératures de l’imaginaire contribuent depuis quelques décennies à la diversité et à l’enrichissement des lettres québécoises," affirme Claude Janelle, auteur du Dictionnaire des auteurs des littératures de l’imaginaire en Amérique française. "Grâce à des écrivains aussi remarquables et originaux qu’Élisabeth Vonarburg, Daniel Sernine, Esther Rochon, Yves Meynard, Joël Champetier et Patrick Senécal, pour ne nommer que ceux-là, la science-fiction et le fantastique ont atteint leur pleine maturité et imposé leur indispensable vision du monde et de la réalité en empruntant des voies audacieuses."

Le mandat de la Société de Fantastique et de Science-Fiction Boréal Inc. (SFSF Boréal Inc.) est d'organiser des congrès, des lancements collectifs, des soirées culturelles et tout autre activité susceptible de promouvoir la diffusion de la littérature et des créations relevant de la science-fiction et du fantastique. Sa principale activité est le congrès Boréal, qui réunit chaque année professionnels et amateurs des littératures de l'imaginaire.

Le congrès Boréal se tiendra du 4 au 6 mai au Centre Morrin, à Québec.

-30-

Source:
Alain Ducharme (coordonnateur de l'Hommage visionnaire) alain.ducharme@gmail.com
 Ariane Gélinas (présidente de SFSF Boréal inc.)                   arianegelinas@gmail.com

 

mercredi 2 mai 2012

Du fétichisme des anthologies : Chair et tendre


Note : Sous cet intitulé, j’inclurai aussi les recueils de nouvelles. Et je profite de la parution prochaine de ma critique des Résidents (roman d'Amelith Deslandes paru en mars dernier) dans Brins d'éternité pour poster ici la critique que j'avais écrite sur son précédent ouvrage, Chair et tendre. Donc, voilà :

Chair et tendre, Amelith Deslandes, La Madolière, 208 p., 2009.


Chair et tendre est le second recueil de nouvelles d’Amelith Deslandes, qui avait déjà signé Loges funèbres chez le (hélas) défunt éditeur Nuit d’avril. Cette fois, c’est la nouvelle et audacieuse maison d’édition française La Madolière qui accueille ses écrits, comme toujours percutants. D’ailleurs, une préface de Jacques Fuentealba, auteur et traducteur, notamment pour le fanzine Borderline, nous « met en garde » au sujet du caractère corrosif du recueil que nous tenons entre les mains. Force est de reconnaître que les douze nouvelles au sommaire ne laissent effectivement pas indemne, même s’il est fort possible que, comme moi, le lecteur en redemande, tel un poison auquel on devient rapidement accro.

Je ne commenterai pas successivement chacun des textes au sommaire, mais les regrouperai plutôt par thèmes, Deslandes possédant, comme chaque auteur, ses «obsessions récurrentes». Le recueil s’ouvre d’ailleurs sur l’une d’entre elles. Dans «Chair et tendre», nouvelle ayant donné son titre au recueil, tout comme dans «Nuits captives» et «L’éternelle demeure», le protagoniste est aux prises avec un coffret ou un reliquaire qui recèle de fort funestes secrets. Alors que, dans «Chair et tendre», l’interdit prend un caractère plus «sacré», il est beaucoup plus pervers dans «L’éternelle demeure», ma nouvelle favorite de cette triade. Dans celle-ci, inspirée d’une œuvre de Mimi Parent, artiste surréaliste que je vous invite à découvrir, Deslandes nous présente De Wilde, collectionneur d’œuvres d’art, qui fait l’acquisition d’une pièce reliée à la vie tourmentée de Helly Decade, artiste adulée. Mais son achat s’avérera différent de ce qu’il avait escompté… Le tout avec une finale à glacer d’effroi, très habile.

En outre, plusieurs nouvelles du recueil se rapprochent de la thématique du labyrinthe, qui semble beaucoup inspirer Deslandes. Et ce n’est certainement pas moi qui lui reprocherai ce penchant, puisque ces textes, «Chemin de croix», «Chroniques des égarés», «La venelle fantôme» et «Les échos clandestins» comptent parmi les plus réussis du recueil. Quelques mots sur mes deux favoris du lot, «La venelle fantôme» et «Les échos clandestins».

Dans la première, Fenig arrive dans l’énigmatique ville de B. pour compléter une thèse qui s’intéresse à son architecture. Cependant, la cité lui semble très tôt bizarre, comme si elle était constamment en train de se métamorphoser. Pour Carmine, qui travaille depuis peu à l’hôpital, il en est de même : tous les patients semblent atteints de maladies insolites, les objets ne sont que des copies falsifiées de ce qu’elle pouvait se procurer dans sa ville d’origine... Mais surtout, il y a cette ruelle, qui surgit devant Fenig chaque fois qu’il tente de s’orienter dans cet endroit labyrinthique. Un passage de plus en plus invitant… Un texte vraiment inquiétant, avec des personnages solides, ce qui n’est pas toujours le cas chez l’auteur, à qui l’on peut reprocher de présenter des êtres souvent froids et distants, à la psychologie plus ou moins développée. L’ensemble est servi par une écriture, comme toujours chez Deslandes, à la fois élégante et découpée au scalpel.

«Les échos clandestins», récit au titre magnifique, nous propose pour sa part un nouveau collectionneur d’étrangetés, qui rêve d’acquérir une étonnante pièce pour son cabinet de curiosités. Pour se la procurer, il fera appel à Naëlle, jeune femme dont la mémoire spatiale est prodigieuse. Elle devra en effet, pour récupérer la pièce, nommée «La grande dévorante», se diriger dans un dédale compliqué, gardé par des créatures mythiques. Ici, Deslandes propose l’une de ses variations, qui se retrouve à quelques reprises dans le recueil, autour de la mythologie, autre source d’inspiration chez lui. Un texte qui surprend, bien documenté, narré avec une approche polyphonique maîtrisée, que semble priser l’auteur. 

Un autre thème se retrouve à quelques reprises dans Chair et tendre, que je pourrais nommer les «altérations corporelles». Dans «Mutilations mondaines» et la «Maison-tranchoir», par exemple, Deslandes nous présente de nouvelles tendances, liées principalement aux greffes mythiques, qui permettent d’intéressantes possibilités, telles que posséder un regard de Méduse, des ailes de Griffon ou un larynx de Banshee (ou pire, le nécrophile qui veut se faire greffer des mains de Lazare: j’en ris encore). 

Dans «La maison-tranchoir», mon coup de cœur entre les deux nouvelles, une alternative est offerte aux récalcitrants à la mode des greffes mythiques : aller quérir une pierre dotée de pouvoirs particuliers dans une maison assez… coupante. Phébès décidera de tenter le défi, s’enfonçant dans les méandres de la «maison-tranchoir», parmi les autres amputés. Un thème aussi incisif que l’écriture de l’auteur, qui aime enchaîner les très courts paragraphes, provoquant ainsi une sorte d’état de frénésie à la lecture. Dommage toutefois que le procédé soit le même dans presque toutes les nouvelles, l’ensemble des douze textes étant raconté de surcroît à la troisième personne du singulier (pour qui aime plonger directement dans la psyché des personnages, ce n’est pas l’idéal).

Je placerai également sous le thème d’ «Identités multiples» deux des nouvelles au sommaire, soit «Maudit soit le jour» et «Ce que femme veut». Dans celles-ci, comme dans d’autres textes de Deslandes, les narrateurs abondent, nous révélant l’histoire peu à peu, par points de vue morcelés, qu’il revient au lecteur de reconstituer. Ici, toutefois, c’est le même individu qui se divise, entraînant des conséquences souvent sanglantes. 

Finalement, il faut dans tout recueil un inclassable, et «Une dernière nuit à Venise» est de ceux-là. Dans ce texte, assez différent des autres, Deslandes nous propose un récit atmosphérique, plutôt dépaysant, empreint de descriptions. Le résultat fait un peu songer à Boulevard des Banquises de Brussolo, pour son côté baroque et contemplatif. Une nouvelle plus éthérée, qui condense les soucis esthétiques que Deslandes dissémine avec plus de parcimonie dans ses autres textes, nous montrant l’ampleur du talent de l’auteur.

 Dans l’ensemble, un recueil que je recommande aux lecteurs qui aiment les récits grinçants, traversé par un nihilisme exacerbé. Chair et tendre saura assurément vous secouer, par le portrait noir qu’il trace de l’homme, le tout avec une certaine froideur clinique, sans jamais juger la cruauté des protagonistes mis en scène. Et même si pour certains, ce livre pourrait sembler un peu classique dans ses thèmes, parfois empruntés au fantastique du XIXe siècle, il demeure que les textes de Deslandes vont plus loin, même lorsqu’ils prennent pour point de départ des prémisses parfois familières.
Un roman est en préparation, à surveiller chez La Madolière, à cette adresse : http://www.editions-la-madoliere.com/

(cette critique a été publiée dans le numéro 28 de Brins d'éternité)