Sous béton, Karoline Georges, Alto, 2011, 184 p.
Sous béton est le quatrième roman de Karoline Georges, qui œuvre également en tant qu’artiste visuelle. Elle a d'ailleurs réalisé elle-même la couverture de ce livre, une photographie grise et dépouillée, qui convient très bien au sujet de son récit. Car Sous béton est un ouvrage volontairement empreint de grisaille, dans lequel les êtres humains sont traités de manière impersonnelle. Mais, tel que mentionné plus haut, cette « austérité » est étudiée et rendue avec une maîtrise certaine par l’auteure.
Le roman nous présente « L’enfant », un individu de sexe masculin, à qui ses parents n’ont pas jugé nécessaire de donner un prénom. Eux-mêmes en semblent d’ailleurs dépourvus, puisque « L’enfant » fera constamment référence à eux sous les appellations de « père » et de « mère ». Le trio demeure au 804 du 5969e étage d’un édifice, construit en Béton Total. Prisonniers de ces murs, ils mènent une existence morne et contrôlée, qui n’est pas sans évoquer l’ambiance des romans qui décrivent un monde totalitaire (mais sans le spectre de Big Brother). Auparavant, « L’enfant » avait des frères et des sœurs, mais ils ont tous été tués par ses parents, la plupart par son père, particulièrement violent, toujours en train d’user d’abrutissants. Mais les enfants morts sont légion dans l’édifice, les agents sanitaires se contentant de les envelopper d’une pellicule. Seul survivant de cette hécatombe familiale, « L’enfant » apprendra donc à se faire aussi petit que possible et à tromper l’ennui par le sommeil. Jusqu’à ce que son rapport au monde change et qu’il commence à se poser certaines questions…
Avec ce roman, Karoline Georges signe un récit d’anticipation original et insolite, à la fois personnel et inspiré des classiques de la science-fiction. Et même s’il est possible de lui reprocher l’usage abusif de majuscules ou encore une certaine exagération dans les dimensions de l’Édifice (plusieurs milliers d’étages, tout de même), l’ensemble demeure des plus compétents. En effet, l’écriture est ciselée, pourvue d’un vocabulaire précis, et sert particulièrement le récit.
Néanmoins, compte tenu de son propos et de l’existence morne de « L’enfant » ainsi que de ses parents, le récit dégage un certain sentiment de redondance. En ce sens, la quatrième partie m’a semblé un peu superflue, même si elle contribuait à augmenter le vertige et l’état « hypnotique » suscité par le livre.
Cela dit, Sous béton est en définitive un roman brillant, pour les amateurs de science-fiction atypique et poétique. Car Karoline Georges possède sans contredit une voix originale, qu’il me tarde de découvrir dans ses autres livres.
(Critique précédemment publiée dans le numéro 31 de Brins d’éternité)
Son Ataraxie est un grand livre.
RépondreSupprimerC'est noté, Ed ! De toute façon, j'avais l'intention de lire tout ce que Karoline George a écrit ;) J'aime beaucoup la singularité de son œuvre, sa manière de raconter...
RépondreSupprimerJe ne sais pas trop quoi penser d'Ataraxie, mais c'est assurément pas une oeuvre banale. Une sorte de sketch de science-fiction baroque et décoiffant (jeu de mot voulu).
RépondreSupprimerJoël Champetier
Joël : Ça ne me surprends pas : l’œuvre de Karoline George n'a rien de banal, c'est certain :) J'aime bien la description que tu en donnes, également :"sketch de science-fiction baroque et décoiffant"... ça donne envie de découvrir le livre !
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