mardi 31 mars 2015

Le Voyage insolite : émission du 23 mars


Matthew F. Jones, Une semaine en enfer, Paris, Folio (Policier), 2014, 285 p.

C’est la première fois que j’avais l’occasion de lire Matthew F. Jones, auteur que vient de rééditer Folio en format de poche. Et je dois confesser qu’il y a un moment qu’une parution de Folio policier ne m’avait à ce point conquise. Il faut dire qu’avec son arrière-plan forestier et marécageux, Une semaine en enfer disposait d'un atout de taille pour piquer ma curiosité. Mais l’histoire qui se greffe au décor fait bien entendu toute la différence...

John Moon est un fils d’agriculteur ruiné qui vit dans une caravane au fond des bois. Anciennement marié avec Moira et père d’un jeune garçon, il a été abandonné par sa femme il y a peu de temps. Déterminé à la reconquérir, John écoule des jours moroses dans la forêt, où il braconne parfois pour se nourrir. Mais voilà que l’homme, excellent tireur, atteint par mégarde une fugueuse au terme de la longue filature d’un cerf blessé. Désespéré par le malheur qui continue de s’acharner sur lui, John ne sait que faire de sa victime. Va-t-on le croire s’il affirme que c’est un accident ? Les choses se compliquent quand le braconnier découvre un magot près de la jeune femme. Séduit par l’idée de reconquérir Moira avec sa fortune nouvelle, il s’empare des billets. Mais il ne se doute pas encore qu’il vient de mettre le doigt dans un sombre engrenage... et que la vie n’est pas déterminée, encore une fois, à lui faire de cadeaux.

Une semaine en enfer, traduction française de A single shot (titre qui convenait beaucoup mieux au roman à mon avis), nous convie à une descente progressive dans les enfers en compagnie de John Moon. L’une des forces de ce livre, outre son arrière-plan habilement rendu, est la description de l’évolution psychologique du personnage principal, qui plonge de plus en plus dans le sordide. Et rien n’est épargné au lecteur, Matthew F. Jones poussant l’histoire jusque dans ses retranchements les plus noirs – ce dont je ne vais certainement pas me plaindre. Une semaine en enfer montre avec brio comment la cruauté de la nature et celle des hommes peuvent s’allier jusqu’à sa finale, fidèle au reste du roman. Je sais également qu’un film a été tiré en 2012 de ce récit, et je serais curieuse de le visionner, même si je ne suis pas convaincue que la psychologie des protagonistes, décrite avec finesse par l’écrivain, soit rendue avec autant de nuances. Mais pourquoi pas ?

dimanche 22 mars 2015

Salon du livre de Trois-Rivières 2015

 
Il y a plusieurs années que je fréquente le Salon du livre de Trois-Rivières, comme lectrice et auteure. Cette année ne fera pas exception ! 

Plus officiellement, j'y serai présente en tant qu'auteure du vendredi au dimanche, au kiosque des Six brumes (#35), pour les trois titres habituels : Le sabbat des éphémères, 6, chalet des brumes (collectif) et Dix ans d'éternité (anthologie). Plus en détails :

Vendredi 27 mars : 18h-21h
Samedi 28 mars : 10h30-12h / 14h-17h / 18h-19h / 20h-21h
Dimanche 29 mars : 10h30-12h / 14h-17h

Table ronde / 28 mars :

 Un salon du livre chaleureux, à découvrir si ce n'est déjà fait !

vendredi 20 mars 2015

Le Voyage insolite : émission du 16 mars



Claire Cooke, Le cruciverbiste, Saint-Bruno-de-Montarville, Éditions Goélette, 2015, 506 p.
 
Les éditions Goélette sont surtout connues pour la publication des polars de Martin Michaud, qui rencontrent un indéniable succès au Québec. Le cruciverbiste, de Claire Cooke, est un polar qui s’inscrit dans cette veine. Dans ce premier roman, Claire Cooke met en scène l’inspectrice Emma Clarke, férue de mots croisés, qui sera amenée, comme le titre le laisse deviner, à contrer les visées d’un tueur qui aime remplir et concevoir des mots croisés.
 
Ce dernier sévit dans le milieu des courtiers immobiliers de la Rive-Nord, où les cadavres ne tarderont pas à s’amonceler. Joseph Dunstan, joueur plus ou moins honnête, est d’abord retrouvé mort. Et d’autres assassinats, tous reliés aux mots croisés, aux jeux (plus spécifiquement aux jeux de cartes) et à la religion s’ajouteront bientôt à l’enquête menée par Emma Clarke et son équipe, qui doivent démêler ce casse-tête.

Casse-tête surtout cérébral, puisque Emma Clarke aborde parfois avec légèreté la menace du crime (ce qui est mis de l’avant est par conséquent l’énigme et non les répercussions humaines et psychologiques des assassinats). L’inspectrice se mettra ainsi souvent en danger (comme en restant dans son appartement alors qu’elle sait très bien que le tueur est capable d'y entrer ou encore dans la scène finale), la résolution de la grille de mots croisés primant sur tout le reste. Il ne faut donc pas rechercher des effets psychologiques poignants dans Le cruciverbiste (cela dit, la description des deux derniers meurtres est réussie) mais un divertissement. Divertissement qui comprend de nombreux personnages (peut-être un peu trop ? D’ailleurs, je me suis demandé pourquoi avoir fourni une liste de personnages comme au théâtre au début du livre) et dont la résolution de l’énigme devrait apparaître aux lecteurs attentifs avant le dénouement. 

Néanmoins, c’est un premier roman qui sait conserver l’intérêt et dont les pages se tournent presque d’elles-mêmes. Alors, si vous cherchez un polar à l’image des mots croisés, vous trouverez certainement votre bonheur dans les pages du Cruciverbiste. Mais les amateurs de polar à haute intensité (je mentionnais Martin Michaud plus tôt) auront peut-être l’impression d’être demeurés un peu en surface. Cela dit, je le répète, comme il s’agit du premier livre de Claire Cooke, il est donc un peu tôt pour tirer de véritables conclusions sur la nature des enquêtes d’Emma Clarke ! En espérant également que les éditions Goélette continueront d’offrir à leurs lecteurs des polars et des récits sombres et bouleversants...

mercredi 11 mars 2015

Lectures : Ainsi naissent les fantômes


Lisa Tuttle, Ainsi naissent les fantômes, Gallimard (Folio SF), 2014, 308 p.

Il y a une dizaine d’années, j’ai eu l’occasion de découvrir Lisa Tuttle par le biais des anthologies Territoires de l’inquiétude, dirigées par Alain Dorémieux. Hormis ces parutions aux éditions Denoël, l’œuvre de l’écrivaine était jusqu’ici peu disponible en français. Lisa Tuttle a pourtant eu un impact important sur plusieurs auteurs, dont Mélanie Fazi (Serpentine, Arlis des forains), cette dernière ayant décidé de traduire ses meilleures nouvelles pour le lectorat francophone. Forcément, cette sélection de sept textes ne pouvait qu’être subjective (d’ailleurs, aucune des histoires retenues par Dorémieux ne figure au sommaire du recueil), mais je dois admettre qu’Ainsi naissent les fantômes comporte pour l’essentiel des fictions qui marquent durablement la mémoire.

Le recueil débute avec le très frappant « Rêves captifs », dans lequel une fillette est séquestrée dans une penderie. Aucune issue n’est possible, mais l’enfant parviendra tout de même à s’échapper... Dans ce texte bref et fulgurant, Tuttle réussit à rendre avec brio l’angoisse de l’enfant kidnappée enfermée dans une garde-robe. Ce récit ouvre de manière-choc Ainsi naissent les fantômes et illustre à quel point l’écrivaine maîtrise le fantastique psychologique.

« L’heure en plus » s’inspire pour sa part d’une difficulté que rencontrent bon nombre d’auteurs : le manque de temps pour écrire. Afin d’y remédier, cette histoire propose une solution pour le moins insolite... La narratrice a ainsi accès à un endroit idéal pour écrire et, surtout, à des heures supplémentaires pour mener à terme ses projets littéraires. Bien que moins frappante que « Rêves captifs », « L’heure en plus » est une nouvelle délicieusement énigmatique, dans laquelle fantastique et perceptions se confondent. Je note également l’usage de la première personne du singulier, à l’instar de « Rêves captifs ». L’emploi du « je » me semble d’ailleurs, après la lecture d’Ainsi naissent les fantômes, produire dans les écrits de Lisa Tuttle les effets les plus puissants.

« Le Remède », qui fraie avec la science-fiction, est une nouvelle-phare du recueil. L’histoire prend pour point de départ une idée fascinante : les femmes enceintes à qui un remède très répandu pour combattre les maladies a été administré donnent naissance à des enfants dépourvus de la faculté de parler. Et le silence étend peu à peu ses ramifications sur l’humanité, à la grande inquiétude de la narratrice, dont la compagne sombre dans la morosité après avoir donné naissance à un petit garçon muet. Un coup de maître que ce texte, à lire absolument, tout comme la fiction au centre du recueil, « Ma pathologie » (il s’agit sans surprise des deux nouvelles préférées de la traductrice, qui se révèlent effectivement excellentes).

« Ma pathologie », mon coup de cœur du recueil, raconte comment Bess s’éprend de Daniel, un homme étrange féru d’alchimie. Elle choisit d’abord d’ignorer ses expériences « scientifiques », qui la mettent un peu mal à l’aise. Mais Bess va tomber enceinte de Daniel. À partir de ce moment, leur relation se modifie, et une sorte de dôme se forme dans la cour arrière de la maison du futur père. Sans oublier le Grand Œuvre que la femme sent croître en elle... Lisa Tuttle propose ici un récit passionnant, traversé d’images saisissantes (le kyste...). À lire!

En comparaison, les trois dernières nouvelles m’ont légèrement déçue, « Mezzo-tinto » étant sans doute la plus solide des trois, avec son histoire de gravure hantée. Mais nous demeurons un peu en surface des personnages et de leurs actes, tout comme dans « La fiancée du dragon », le texte qui m’a le moins convaincue du recueil. Trop longue, cette nouvelle est un peu prévisible et gentillette, à l’exception de sa finale, plus horrifique.

« Le vieux Monsieur Boudreault » clôt le recueil de façon sympathique quoique non mémorable, en nous présentant une créature déchue bien connue, à l’instar du dragon du texte précédent.

Mais les quatre premières nouvelles d’Ainsi naissent les fantômes sont si exceptionnelles qu’il serait dommage de passer votre chemin, a fortiori si vous aimez le fantastique à saveur psychologique. Et surtout si vous affectionnez les récits où l’hésitation règne en maîtresse... Pour ma part, j’ai déjà hâte de relire Lisa Tuttle, experte en « trompe-l’œil narratifs » et autres illusions de l’esprit!

- Cette critique est parue précédemment dans le numéro 40 de Brins d'éternité.

mardi 3 mars 2015

Midi littéraire de la SEM : avec Natasha Beaulieu !

Cette année, j'ai l'honneur, avec Natasha Beaulieu, d'inaugurer les midis littéraires de la Société des écrivains de la Mauricie, qui auront lieu une fois par mois jusqu'en juin. Natasha et moi serons présentes à l'agora du Cégep de Trois-Rivières (3500, rue de Courval, près de la porte #6) pour une entrevue croisée mettant bien entendu à l'honneur littérature noire et fantastique.
L'activité est organisée, en plus de la Société des écrivains de la Mauricie, par le Salon du livre de Trois-Rivières et la Corporation de développement culturel de Trois-Rivières. L'entrée est gratuite. N'hésitez pas à venir !


Présentation officielle :




MIDI LITTÉRAIRE
AGORA du CÉGEP de TROIS-RIVIÈRES
MARDI 10 MARS 
11 h à 12 h


Invitation à assister à une rencontre entre deux écrivaines inspirées, deux voix fortes de la littérature fantastique, du roman noir et de la science-fiction.



Natasha Beaulieu : auteure de la trilogie fantastique les « Cités intérieures » (L’Ange écarlate, L’Eau noire, L’Ombre pourpre), Le Deuxième Gant, Regarde-moi et Le secret du 16 V.

Ariane Gélinas : auteure de la trilogie « Les Villages assoupis » (Transtaïga, L’île aux naufrages, Escalana), Le sabbat des éphémères et L’enfant sans visage.