La Saga d’Illyge /
Sylvie Bérard
Comme
j’avais beaucoup apprécié Terre des autres, le premier roman de Sylvie
Bérard, c’est avec enthousiasme que j’attendais la sortie de La Saga
d’Illyge. Et je dois dire que je ne suis pas déçue par ce livre, qui m’a
semblé encore plus réussi que son prédécesseur !
Que
raconte La Saga d’Illyge ? Saga, c’est le nom d’une ville tentaculaire refermée
sur elle-même, dans laquelle plusieurs personnages troubles évoluent. À l’abri,
dans leurs banlieues tranquilles, les Périphéens se gardent bien de venir
habiter à Saga, qu’ils préfèrent visiter tout au plus en touristes. C’est à
Saga qu’est née Illyge, artiste dans l’âme dès son plus jeune âge. Devenue
adulte, elle commencera à faire des performances à la fois érotiques et sanglantes,
pour le plaisir de son public. Jusqu’à ce qu’elle devienne dépendante de l’élyx,
une drogue en vogue qui possède de terrifiants effets secondaires…
C’est
au terme de cette auto-destruction qu’Idrisse, second personnage principal du
roman, rencontrera Illyge. Idrisse, ancien Périphéen exilé à Saga, l’aidera
ainsi à découvrir les revers de l’élyx et à affronter ses conséquences…
En
plus de cette trame narrative plutôt originale, La Saga d’Illyge est
agréable à lire. L’écriture de Sylvie Bérard possède en effet du
« mordant », tout comme les sujets qu’elle aborde. Je salue son audace
d’intégrer dans le récit des scènes érotiques atypiques, ainsi que des questionnements
pertinents sur l’identité sexuelle. L’univers mis en scène est également bien construit
et personnel.
Deux
seuls bémols à mon avis, dont un minime : la présence de Bérénice dans le
livre, qui est importante dans la première moitié du livre, mais évacuée par la
suite. À moins que l’auteure souhaite écrire une suite avec ce personnage, la
présence de Bérénice m’a semblé une sorte de prétexte pour accéder aux pensées
d’Idrisse (par le biais des lettres qu'il lui adresse). Autre bémol, qui m’a un peu plus dérangée : les changements de narration
selon les personnages. Alors que les parties d’Illyge sont entièrement narrées
à la première personne, celles d’Idrisse sont à la troisième. Afin d’accéder à
la richesse des pensées d’Idrisse, autrement que par les lettres qu’il écrit à
sa sœur, la narration à la première personne aurait à mon avis été plus
efficace. Mais ce choix narratif ne vient en rien gâcher le plaisir de lecture
de La Saga d’Illyge.
Bref,
voilà un livre habile, qui intéressera certainement les amateurs de science-fiction
québécoise de qualité !
Montréel /
Éric Gauthier
Montréel
est le second roman d’Éric Gauthier publié aux éditions Alire. Auparavant,
l’auteur avait fait paraître Une fêlure au flanc du monde, qui avait
mérité le prix Boréal 2009. Ce deuxième roman, assez long (plus de 600 pages), se présente sous une jolie
couverture, à mi-chemin entre la science-fiction et le style victorien. Et
cette présentation convient bien au projet de Gauthier, qui allie uchronie et
magie.
Montréel
narre l’histoire de plusieurs personnages aux prises avec la disparition impromptue
de tout un pâté de maisons et de l’ensemble de ses habitants. Il y a d’abord Clovis
Thériaud, un concierge attachant, qui entre en communication avec un fantôme.
Ce dernier lui demande de faire part d’un message important à Corinne, une fillette
dotée de pouvoirs magiques. Autour d’eux gravitent aussi Oscar Martel et
Léopold Sanschagrin. Le premier, président de la commission d’urbanisme, est –
comme on s’en doute – affolé par la disparition des bâtiments du quartier Grandvilliers,
qu’il croyait protégés du potentiel magique de l’eidosphère. Quant à Léopold,
une sorte de mage excentrique, il deviendra par la force des choses l’auxiliaire
de Clovis. Tous ces personnages travailleront de concert pour retrouver les bâtiments
disparus, ainsi que leurs malheureux habitants.
L’une
des forces de ce livre est justement les personnages, bien construits et
attachants. Cependant, les protagonistes sont décidément plus des êtres de
paroles que d’action, ce qui fait par moments traîner le récit en longueurs et
entraîne une certaine inertie. Car ce roman, plutôt long, aurait à mon avis gagné à
être plus bref. Néanmoins, l’idée de choisir le décor de Montréal pour un récit
de fantasy urbaine est intéressante, surtout pour qui connaît la ville. Le roman
est également bien narré (Gauthier est aussi un conteur, et c'est perceptible), même si son
rythme m’a semblé parfois manquer un peu d’énergie. La finale est par
ailleurs un des bons aspects du roman, notamment avec les passages qui
racontent le sort des disparus.
Montréel
est donc un roman recommandé aux amateurs de fantasy urbaine et uchronique qui
apprécient les histoires avec une certaine ampleur. Et comme la fantasy urbaine
est encore rare au Québec, la parution d’un roman appartenant à ce genre mérite
d’être soulignée.
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