samedi 13 avril 2013

Du fétichisme des périodiques : Asile 06


Asile no 06, hiver 2012, 54 p.

Cet opus d'Asile se présente sous une couverture énigmatique, une œuvre de Samuel O’Breham Rondeau, qui n’est pas sans évoquer une plaie ouverte. D’ailleurs, les peintures de David B. Lachance qui illustrent plusieurs des fictions du numéro vont également en ce sens, donnant le ton à cette livraison, sur laquelle plane une certaine mélancolie.

Au programme, cinq textes, dont plusieurs à saveur poétique. David Hébert ouvre le sommaire avec « La sixième Madone », un récit émouvant et décadent, dans lequel le narrateur s’éprend d’une jeune femme sibylline, identique à la Madone d’Edward Munch. Peu à peu, il éprouvera une forme de « délire meurtrier », qui s’exprimera à travers ses rêves. Avec cette nouvelle à la voix personnelle, Hébert montre son potentiel, qui s’exprime à travers l’un de ses thèmes fétiches : la quête d’une femme inaccessible. Un auteur à suivre, qui publiera à l'automne son premier roman aux éditions Sémaphore.

Le texte suivant, « Virus », de Marie-Catherine Daniel, est disséminé en plusieurs parties dans la revue. Erreur de montage ou jeu avant-gardiste ? Je pencherais pour le jeu, le virus s’introduisant insidieusement entre chacun des récits, tel un parasite habile… Quoi qu’il en soit, l’auteure nous présente ici, sous forme de prose poétique, une nouvelle de science-fiction originale, à l’écriture litanique, caractérisée par des phrases courtes. En quelque sorte, une littérature « anticorps », comme le suggère la dernière partie.

Deux poèmes de Florent Chamard poursuivent le numéro. L’auteur français nous propose ici plusieurs beaux vers, particulièrement dans « Adieu », ou l’on peut lire, par exemple : « L’ennui est si violent quand vient l’heure de partir / Je te dirai bien de te garder à distance / de ce rouage mouvant / au son des lois de l’instant / des fantômes qui n’en savent rien / et qui te prieront de les rejoindre ».

Le nouvelliste suivant, sous le pseudonyme de Simon-Samuel Nauchbauer, avec lequel il a déjà sévi dans la revue Alibis, signe cette fois « Un », une nouvelle à teneur poétique. Dans ce texte de science-fiction, où un grand souci est accordé à la forme, nous faisons la connaissance d’un impitoyable président, qui règne sur un univers totalitaire. À l’intérieur de ce monde qui se veut unifié, d’où le titre, une modification génétique vise à ce que les visages des nouveau-nés soient identiques à celui du président et de l’ensemble des habitants. Je salue cette initiative réussie d’allier science-fiction et prose poétique, mélange trop peu souvent mis de l’avant.

Alexandre Albert clôt le sommaire des fictions avec une nouvelle à saveur fantaisiste, au sein de laquelle un enfant assiste à un étrange spectacle nocturne. Ce texte, à l’écriture ciselée, est agréable à lire, notamment grâce au soin accordé par l’auteur aux manifestations sensorielles.

Un « cadavre exquis » complète cette livraison d’Asile, signé par tous les auteurs du numéro. La rédaction offre justement un abonnement gratuit à ceux qui sauront deviner qui a écrit – dans l’ordre – chacune des parties. Relèverez-vous le défi ? Si oui, rendez-vous sur le site du fanzine : a-s-i-l-e.blogspot.com 


(Critique précédemment publiée dans le numéro 32 de la revue Brins d'éternité)
 

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