Dans le dernier numéro du fanzine Asile paraissait ma nouvelle "Le jeu des âmes mortes". Ce texte se distingue un peu de mes écrits habituels pour deux raisons : il s'inspire directement d'un roman (Les âmes mortes de Gogol, d'où le titre) et il fraie avec l'humour. D'ailleurs, si tout se passe bien, un autre de mes courts textes à saveur humoristique paraîtra cet automne. Mais qu'on ne se méprenne pas, je ne compte pas en prendre l'habitude ! Bref, pour l'instant, voici donc un extrait du "Jeu des âmes mortes", sorte d'"hommage" au roman de Gogol, dans lequel le personnage principal, Tchitchikov, achète sur papier des paysans décédés. Je me suis demandé ce qu'il adviendrait si ses "âmes mortes" n'étaient pas aussi trépassées qu'il le pensait...
Fragment apocryphe de la seconde partie des Âmes mortes, de Nicolas Gogol
Sibérie, été 1835.
Après plusieurs détours dans les chemins peu fréquentés de l’arrière-pays, Pavel Ivanovitch Tchitchikov demanda à Sélifane, son cocher, d’arrêter la britchka. Pétrouchka, son valet, soupira d’aise. Il était las, comme son maître, de sillonner les routes mal entretenues, les habitations se faisant de plus en plus rares au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans les terres dépeuplées.
Le regard fier, Pavel admira le périmètre de sa future colonie, dont les champs produiraient sous peu assez de vivres pour lui attirer l’estime des fermiers du sud. Économe et fin stratège, il ne doutait pas que peu de temps serait nécessaire avant qu’il ne croulât sous les richesses. Après tout, n’était-il pas parvenu à convaincre des dizaines de propriétaires de lui vendre au rabais les âmes mortes de leurs serviteurs décédés avant le recensement ? Le décès de ces vaillants domestiques n’étant enregistré nulle part, leur achat était sans contredit une manœuvre des plus rusées, pour qui savait faire bon usage de ces trépassés. Et puisque la richesse se mesurait au nombre de paysans possédés sur papier, ses acquisitions lui permettraient éventuellement d’épouser une jeune fille de bonne famille, dont la dote augmenterait son propre capital.
Pavel s’imagina les champs labourés qui borderaient sa demeure, lorsqu’il disposerait de véritables travailleurs. Un peu plus loin, une étable abriterait le bétail, à proximité d’un pâturage, tandis qu’un poulailler déborderait de volailles. Sans oublier le jardin potager et le verger, ainsi que le hangar pour la machinerie... Il donnerait le nom de Tchitchikovo aux environs, en son propre honneur, avec l’espérance que de fiers défricheurs décideraient bientôt d’immigrer dans son hameau nordique, inspirés par son succès. Pour l’instant, il n’avait pour possession qu’une grange fatiguée et une maison à demi en ruine, sur laquelle Sélifane et Pétrouchka commenceraient à travailler dès le lendemain. Ils avaient d’ailleurs failli manquer le bâtiment tant il se confondait dans les herbes hautes.
Alléchant cette histoire de vente d'âmes! hihihihi
RépondreSupprimerMerci, j'espère que le texte en question te plaira ! (et j'ai bien hâte de te lire dans le numéro d'Alibis de cet été ;) )
RépondreSupprimerVoilà un décor qui me plaît :)
RépondreSupprimerPat : Merci ! Et l'ensemble de la revue Asile devrait t'intéresser, si tu ne la connais pas déjà ;)
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