L’Inaveu /
Richard Ste-Marie
L’Inaveu, qui vient de paraître aux éditions Alire, est le second roman de Richard Ste-Marie.
Le premier, Un ménage rouge, avait été publié en 2008 chez Stanké.
Entretemps, Ste-Marie a mérité le prix Alibis 2010 pour sa nouvelle « Monsieur
Hämmerli », très réussie, d’ailleurs. J’avais donc hâte de me plonger dans
ce roman, finaliste du prix Saint-Pacôme 2012.
Le roman s’article autour de Francis Pagliaro, inspecteur
de la Sûreté du Québec. Policier atypique, Pagliaro est à des lieux du cliché
de l’inspecteur aigre et blasé : il étudie la philosophie à l’Université
de Montréal, est heureux dans son mariage et est d’une moralité exemplaire.
Mais sa quiétude sera troublée par l’arrivée de Régis Duchesne, un enseignant
au cégep, qui croit avoir découvert des irrégularités dans les comptes de son
père. En effet, pendant qu’il faisait le ménage dans ses effets personnels, à
la mort de ce dernier, il a découvert deux étranges cahiers : l’un avec des transactions
cryptées, l’autre avec des coupures de journaux. De plus en plus obnubilé par
ces cahiers, qui semblent révéler une face cachée de son père, un homme secret,
Duchesne va rencontrer Pagliaro pour lui faire part de ses doutes. Mais ces
documents qui, à première vue, semblaient anodins, s’avéreront de plus en plus probants,
à mesure que les deux hommes tentent d’en comprendre le contenu. Les cahiers
les guideront ainsi sur la piste d’une vieille enquête, soit celle de « la
petite disparue du Vendredi Saint »...
Autour de ce point de départ original, Sainte-Marie livre
un récit étonnant, aux nombreux rebondissements. L’écriture, précise mais
discrète, sert parfaitement le propos de ce livre, qui maintient le suspense du
début à la fin. D’ailleurs, la finale, bien menée, est l’une des réussites de L’Inaveu.
Une mention également pour la bonne idée d’inclure le journal du père de Régis
au milieu du livre. Même si le journal aurait gagné à être plus long (d'une vingtaine
de pages, peut-être, sa finale étant abrupte), ce procédé ajoute un niveau de
lecture non négligeable au roman. En fait, l’un des plaisirs de ce livre est
que tout semble soigneusement réfléchi par l’auteur, planifié avec soin et
générosité. Dans cette optique, les personnages sont aussi bien développés,
surtout Pagliaro, l’inspecteur et étudiant en philosophie, l’auteur ne manquant
pas de disperser des références philosophiques – sans tomber dans le piège de l’hermétisme
– dans l’ensemble de son livre.
Bref, vous aurez compris que j’ai eu un coup de cœur pour L’Inaveu,
qui m’a donné envie de me procurer le précédent roman de Ste-Marie et de
lire ses romans à venir ! Donc, si vous avez envie d’un polar québécois solide,
je vous recommande chaudement ce livre, qui ne vous décevra pas !
Suite rouge / François Boulay
Publié en 2011 aux éditions SW Télémaque, Suite rouge
vient d’être réédité dans la collection Folio policier de Gallimard. C’est le
sixième roman de François Boulay, auteur touche-à-tout, également dessinateur,
peintre et ancien chirurgien-dentiste. Pour ma part, comme je ne connaissais
pas Boulay, j’ai d’abord été séduite par la couverture, inquiétante, avec ses
tons de rouge foncés, ainsi que par le décor du roman : la
Croix-du-Veilleur, un coin de campagne isolé dans lequel se retire José avec sa
famille reconstituée.
Mais que va faire cet homme dans la quarantaine à cet
endroit ? Il faut dire que José a un passé peu enviable. Ancien membre d’une
bande de délinquants, il a mis fin à cette période de sa vie en tuant le chef de la
bande, Glinka. Pour ce faire, il a utilisé une méthode retorse : il a
empoisonné le jeune homme pendant qu’il était au volant de sa voiture. José n’a
donc pas été inculpé, même, si vingt ans plus tard, il est encore hanté par le
geste qu’il a posé. Heureusement, ses deux filles, Rachel et Lise, ainsi que
Maria, sa nouvelle compagne, sont des sources de réconfort. Même si la présence
de Maria, qui fréquentait Glinka au secondaire, lui rappelle constamment son
passé. D’ailleurs, José n’est pas sans se demander pourquoi elle a ressurgi
dans sa vie à l’enterrement de sa femme ni pourquoi elle a souhaité emménager
avec lui à la Croix-du-Veilleur. Mais il ne tardera pas à comprendre que l’endroit
est directement lié à son passé, par des indices de plus en plus évidents, qui commencent
par un oiseau mort retrouvé dans la piscine...
De facture somme toute classique, ce roman noir se lit
bien, réussissant à communiquer une certaine angoisse au lecteur, notamment par
les doutes du personnage principal, qui craint pour sa santé mentale. Toutefois,
le récit est relativement prévisible, surtout sa finale, qui m’a semblé un peu improvisée.
L’ensemble du livre est d’ailleurs en demi-teintes, ne plongeant que modérément
dans l’horreur. Pour ma part, j’aurais apprécié plus d’audace et de folie. Dans
le cas présent, nous retrouvons quelques bonnes idées, disséminées parmi du
déjà vu (le chat mort éventré sur le pas de la porte, par exemple). De plus, le
style ne m’a pas convaincue : plutôt impersonnel, il est truffé de
métaphores faciles et/ou douteuses, dont voici un exemple :
« Je voyais ses globes oculaires rouler sous ses paupières, deux boules
inquiètes, perdues, cherchant une issue. » (p. 170). Néanmoins, les personnages
de Suite rouge sont attachants, particulièrement Lise, la petite fille
chétive et somnambule qui sort la nuit venue, en saignant du nez,
et on se surprend à avoir envie de les connaître davantage, de les accompagner
jusqu’au dénouement.
Donc, si vous aimez les romans noirs de facture
classique, qui mettent en scène des histoires de vengeance, Suite rouge
pourrait vous plaire. Avis aux amateurs du genre !
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