Les
départs exemplaires / Gabrielle Wittkop
À l’occasion des dix ans du décès de Gabrielle Wittkop,
les éditions Verticales ont décidé de rééditer Les départs exemplaires,
un des recueils de nouvelles de l’auteure, qui comprenait à l’origine trois
textes. Cette édition est cependant bonifiée de deux nouvelles inédites, soit
« Les derniers secrets de Mr. T. », qui ouvre le recueil et
« Claude et Hippolyte », qui le referme. Comme j’aime beaucoup Gabrielle
Wittkop, dont j’ai lu presque l’intégrale des écrits, je ne voulais pas rater
cette rare occasion de découvrir de nouveaux textes de cette écrivaine, à l’univers
macabre et à la plume ciselée.
Vous connaissez peut-être Le nécrophile, roman le plus célèbre de cette romancière excentrique, voire La marchande
d’enfants, l’un de ses titres les plus subversifs. Les départs
exemplaires ne s’inscrit pas tout à fait dans la même veine, même si l’on
retrouve dans le recueil le caractère audacieux et irrévérencieux de
l’écrivaine, ici distillé plus finement.
Dans la nouvelle d’ouverture, « Les derniers secrets
de Mr. T. », nous avons affaire à une disparition énigmatique, comme c’est le cas dans chacun des textes
du recueil. Mr. T. disparaîtra en effet dans la
jungle, sans laisser de traces, comme s’il avait été avalé par les arbres. Mais
qui était vraiment Mr. T ? Qu’est-ce qui a pu le pousser à disparaître ainsi ?
Cette nouvelle, inquiétante, avec un certain souffle, donne le ton au
recueil, préparant habilement le terrain pour le second texte, à mon avis le
plus réussi du livre.
Dans « Idalia sur la tour », Wittkop rend compte
avec une acuité impressionnante du sort d’Idalia, jeune femme en vacances qui
se retrouve coincée dans les ruines d’une vieille tour. Incapable de communiquer
avec l’extérieur, elle verra avec effroi les heures passer, à mesure que les recherches
pour la retrouver restent vaines. Bijou d’horreur psychologique, « Idalia sur la tour » est une vraie
réussite et montre le talent de l’écrivaine à son meilleur.
Je ne m’attarde pas sur « Les nuits de
Baltimore », texte à mon avis le plus falot du recueil, plutôt anecdotique.
Il en va autrement de « Une descente », qui nous présente les revers
de Seymour M. Kenneth, homme sans grande volonté, qui passera de la tyrannie de
sa mère à celle d’Emily, propriétaire d’un magasin de chaussures. Après avoir
été chassé par cette femme, il se retrouvera sans abri, à errer dans les étages
souterrains de la ville (d'ailleurs fort habilement décrits), où il rencontrera d’autres
malheureux fauchés par le sort.
Le recueil se termine sur une note agréable avec une nouvelle
typiquement wittkopienne, « Claude et Hippolyte », dans laquelle deux
jumeaux hermaphrodites identiques s’aiment d’un amour à la fois fusionnel et
hédoniste. Mais leur double identité finira par jeter des soupçons sur leur
honnêteté, surtout qu’un détail infime permet de les distinguer...
Bref, Les départs exemplaires est un recueil à la
mesure du talent de la romancière, qui saura certainement plaire à ceux qui
apprécient ses univers empoisonnés. Pour la découvrir, cependant, j’aurais
tendance à recommander Le Nécrophile ou La marchande d’enfants, avant
de se plonger dans ce recueil, qui est un incontournable complément pour ceux
qui apprécient la prose vénéneuse de Wittkop.
Tiens, tiens...je ne connaissais pas cette auteure, mais c'est tout à fait mon genre. Je vais écouter ton conseil, je part à la recherche des romans!
RépondreSupprimerDésolée pour le délai de réponse, salon du livre oblige !
RépondreSupprimerSelon ce que je connais de tes goûts de lecture, je suis pas mal certaine que Gabrielle Wittkop pourrait te plaire, surtout "Le nécrophile" et "La marchande d'enfants", avec lesquels je te conseille de l'aborder. Ensuite, "Sérénissime Assassinat", très ciselé dans son écriture, pourrait être un bon choix ou encore "Les départs exemplaires". À éviter pour commencer, ces deux titres les plus falots à mon avis : "La mort de C." et "Chaque jour est un arbre qui tombe".
Bonne lecture, Anne-Marie, et au plaisir d'en rediscuter :)