Érotique du cimetière, André
Chabot, Paris, La Musardine, 2012, 253 p.
Vous
connaissez peut-être l’éditeur français La Musardine, spécialisé en littérature
érotique?
L’automne dernier, la maison d’édition a fait paraître Érotique du
cimetière, un ouvrage cartonné à la présentation soignée, en grand format
de surcroît. L’auteur et photographe André Chabot s’intéresse dans ce livre au
caractère charnel des statuaires funéraires, par l’entremise d’élégants clichés
en noir et blanc. Après tout, le cimetière n’est-il pas un lieu profondément
fantastique, où se confondent souvent Éros et Thanatos ? C’est du moins ce que
nous rappelle l’auteur, selon qui le cimetière est « l’un des rares et
derniers refuges du rêve et de l’illusion, du différent et de l’inconnu, de
l’extraordinaire et du magique » (p. 8). Force est d’admettre que Érotique
du cimetière vient appuyer cette hypothèse en nous faisant visiter la
frontière entre le domaine des morts et celui des vivants.
J’ai
d’abord été intriguée par les photographies de cet ouvrage, toutes en tons de
gris. Ce choix confère aux images une indéniable nostalgie et un certain
mystère mêlé de pureté. Par exemple, comme bon nombre de statuaires sont plus
ou moins bien entretenus, envahis par la corrosion, le vert-de-gris et les
herbes hautes, la photographie en noir et blanc vient atténuer cette impression
de délabrement, les ravages du temps devenant plus subtils. Chacune des images
est également accompagnée d’une légende, qui mentionne la ville dans laquelle
la photographie a été prise. Un classement à la fin de l’ouvrage fournit
davantage de détails. J’ai ainsi pu constater que l’Italie est le pays le plus
représenté (sur un total de 30 pays), surtout la ville de Gênes, même si la
France n’est pas en reste et que plusieurs cimetières semblent valoir le
détour, notamment dans les villes de Bruxelles et de Budapest. Mais, outre ces
considérations documentaires, c’est avant tout la beauté des clichés qui marque
l’esprit, agencés avec soin en 18 sections (incluant le prologue et l’épilogue),
lesquelles traitent par exemple des statuaires d’anges et de la préservation de
l’enveloppe charnelle.
Malheureusement,
le texte n’est pas à la hauteur des images, un peu froid, sans trop de reliefs (ce
qui est d’autant plus dommage pour un ouvrage qui se veut érotique). C’est
surtout l’impression de lire une « courtepointe de citations » qui m’a
moins plu. Certes, André Chabot connaît parfaitement le sujet des statuaires
funéraires et a fait des recherches poussées dans le domaine, mais ses
commentaires m’ont beaucoup moins passionnée que ses photographies. J’étais
néanmoins heureuse de retrouver, au gré des pages, quelques souvenirs de
lectures passées, comme cette jolie citation de Lamartine : « Un seul
être vous manque et tout est dépeuplé ». D’ailleurs, l’auteur offre dans
ce texte un survol plutôt synthétique des différents apports artistiques et
théoriques au sujet, même s’il omet souvent de commenter les extraits,
accentuant ainsi cette impression de lire une « courtepointe de
citations », comme je l’ai précédemment mentionné. Pour terminer, quelques
coquilles m’ont aussi dérangée ; l’ouvrage aurait sans contredit mérité une
meilleure révision linguistique.
Érotique
du cimetière nous propose tout de
même une promenade riche et originale dans des dizaines de nécropoles.
Nécropoles qui nous présentent tantôt des gisants, voire quelques transis, tantôt des statuaires masculins,
ces derniers étant beaucoup moins courants que leurs homologues féminins (si
l’on exclut les anges, souvent androgynes). Donc, si vous aimez les balades
entre les stèles, vous apprécierez sans doute cet ouvrage, dont les
photographies convient à une plongée fantastique dans les mondes d’outre-tombe.
Critique précédemment publiée dans le numéro 34 (printemps 2013) de
J'ai un très bon souvenir de mes déambulations dans le cimetière du père Lachaise à Paris. Il faut savoir oublier le guide et se perdre dans le dédale du lieu où repose de nombreuses personnalités. Certains coins oubliés, peu entretenus sont surtout visités par les nombreux chats qui profitent du calme, rajoutant une note un peu plus mystérieuse. L'existence de cet ouvrage chatouille ma curiosité ! Merci Ariane, pour ce partage ! Christine
RépondreSupprimerMalgré les défauts de ce volume, les photos semblent en valoir le détour. Un charme inspirant et mystérieux.
RépondreSupprimerJ'étais toujours trouvé que le côté sinistre des cimetières n'avait rien d'inquiétant. Plutôt énigmatique, je dirais, et fascinant par le passé et même l'avenir qu'il recèle.
Christine : J'aimerais aussi beaucoup me promener dans le cimetière du père Lachaise, qui sait, peut-être en 2014 :) ? Je ne doute pas qu'il y a "matière à s'égarer", entre autres parmi les félins qui peuplent l'endroit !
RépondreSupprimerJulie-Anne : C'est un ouvrage qui en vaut la peine, en effet, avec des photos à la fois élégantes et inspirantes. Et je suis d'accord avec toi : les cimetières, comme les ruines, sont des lieux fascinants, où le passage du temps est palpable...
Oh que c'est mon genre ça! En plus, j'adore La Musardin, merci pour ce billet, qui va encore me faire dépenser!
RépondreSupprimerJe m'en doutais, que tu aimerais ;) Et désolée de te faire dépenser, héhé. Bonne lecture !
SupprimerLes photos semblent très bien... je crois que je vais le feuilleter sous peu.
RépondreSupprimerJe suis pas mal sûre que tu aimeras, avec ton affection pour les ruines et les lieux chargés de mémoire ;) Tu m'en donneras des nouvelles !
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