Maude
Veilleux, Le vertige des insectes, Septentrion, 2013.
Sous ce titre énigmatique et fascinant se cache le premier roman de Maude Veilleux, qui a déjà publié un recueil de poésie, Les choses de l’amour à marde, aux éditions de L’Écrou. Le titre de sa publication précédente n’a cependant rien à voir avec le ton du Vertige des insectes, récit feutré et tout en atmosphères.
Nous y suivons Mathilde, une jeune femme aux tendances moroses,
dont Jeanne, la compagne, vient de partir en stage au Yukon, la laissant seule
dans leur appartement avec Thomas, leur colocataire. Pour couronner le tout, la
grand-mère de Mathilde, dont elle était très proche, vient de mourir. Nous
accompagnons donc la jeune femme dans son deuil, des souvenirs liés à la mort refaisant
surface. En parallèle, Mathilde met à l’épreuve son incapacité à être
seule, sa dépendance affective la poussant à commettre certains gestes. Le
motif des insectes revient de temps à autre, même s’il aurait pu être davantage
obsédant. Car Mathilde cherche désespérément un port d’attache, elle
n’a jamais oublié la mort de son jeune frère, un enfant destiné au bonheur...
Avec Le vertige des insectes, Maude Veilleux propose
un roman personnel et introspectif qui plonge dans la psyché tourmentée d’une
jeune femme. La jeune auteure dépeint avec brio ses inquiétudes rattachées à la
solitude, dans un style simple et fluide, traversé de phrases chocs,
comme celle-ci : « Tu entres chez toi par le chemin de la haine, le seul que
tu connaisses vraiment » (p. 177). À l’instar de Mathilde, nous avons
l’impression de sombrer dans la tristesse qui envahit graduellement ses jours,
sans cesse plus amers.
Le revers de cette approche, qui s’intéresse surtout aux
détails du quotidien et à son étouffante banalité, m’a semblé être la
faiblesse de l’intrigue, particulièrement ténue. Par conséquent, je n’ai été ni surprise ni convaincue par la finale qui tente de produire un coup d’éclat,
étant donné que les éléments de la trame narrative avaient été trop mis en retrait. Mais il
demeure que Le vertige des insectes est un roman qui se lit avec
plaisir, qui nous berce de son ambiance teintée de grisaille, tissant sa toile
peu à peu autour du lecteur à la manière patiente d’une araignée. Maude
Veilleux est sans contredit une auteure qui sait dépeindre la sensibilité humaine,
à surveiller de près.
Matthew
Stokoe, La belle vie, Gallimard, 2014.
Publié une première fois en 2002 sous le titre High
life, La belle vie de Matthew Stokoe a été traduit en français en
2012 dans la collection Série noire de Gallimard. Deux ans plus tard, le roman est
réédité en format de poche dans la collection Folio Policier. Ce livre qui a tout pour susciter la controverse est qualifié sur la
couverture de « brutal, politiquement incorrect et dérangeant ».
Mais, à mon sens, La belle vie va plus loin que de simplement
« choquer pour choquer » en nous exposant jusqu’où peut aller le
désir de célébrité.
Nous ne savons à peu près rien de l’auteur, Matthew
Stokoe, sauf qu’il est né en Angleterre et qu’il a signé en 1999 un autre roman
particulièrement audacieux, Cows. Ce qui est certain, c’est que Stokoe
connaît bien Hollywood et les milieux sordides qu’il dépeint. Nous sommes
littéralement plongés, avec Jack, le narrateur et personnage principal, dans
les bas-fonds hollywoodiens, où il fraie avec la drogue, le crime, la
prostitution, la violence extrême et l’inceste. Et j’en passe, Jack se
découvrant entre autres une passion dévorante pour une déviance assez extrême. Mais
sa plongée dans le rêve américain commence surtout après la mort de Karen, sa
femme, qui travaillait comme prostituée dans un quartier peu recommandable.
Après avoir vu sa compagne évidée par un tueur sadique, Jack entreprend plus ou
moins de remonter jusqu’au meurtrier en gardant toujours en tête son ambition
première : devenir une vedette. Car le jeune homme, fervent lecteur de
tabloïds, est prêt à presque tous les sacrifices pour assouvir son désir de
reconnaissance.
Vous l’aurez compris, le protagoniste principal, peu
empathique et parfois complaisant, ne plaira pas à tous (surtout aux lecteurs qui
aiment s'identifier au narrateur). Son côté froid et quelque peu psychopathe
a en effet quelque chose de déstabilisant. Et en cela, il n’en est que plus
réaliste... en tant que psychopathe, bien entendu. Il serait donc particulièrement
dommage de se priver de l’expérience de lecture qu’est La belle vie pour
des questions morales. Le lecteur audacieux trouvera son compte dans ce récit
sans compromis, où les différents vices des protagonistes sont décrits en
détail. De quoi noircir considérablement le rêve américain...
Pour ma part, j’ai presque lu d’une traite le roman,
pourtant assez long (515 p.), en me demandant jusqu’où irait le narrateur. Et même si La belle vie n’est pas a proprement
parler un chef-d’œuvre (peut-être à cause de son côté un peu « clinique »
qui nous tient à distance des émotions ressenties, de son écriture assez sobre
et parfois, d'un manque de subtilité dans le propos), c’est certainement un
livre « coup de poing », en quelque sorte un hommage aux classiques
que sont American Psycho et Fight Club. Bref, c’est un roman à
découvrir pour les amateurs de sensations fortes, qui ne vous fera plus jamais
considérer Hollywood de la même manière...
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