mardi 2 décembre 2014

Le Voyage insolite (émission du 1er décembre)


Solaris no 192, automne 2014, Lévis, Alire, 160 p.

Afin de célébrer les quarante ans d’existence de Solaris, l’équipe de la revue a eu la bonne idée de concocter un numéro spécial avec quarante auteurs au sommaire. Ces quarante écrivains, qui ont tous publié dans le périodique au fil des années, proposent donc, essentiellement pour des questions d’espace (le magazine compte comme à son habitude 160 pages), des nouvelles de 2 ou 3 pages, totalisant environ 750 mots chacune. L’exercice des textes brefs dévoile parfois une autre facette des collaborateurs ici réunis, plusieurs d'entre eux ne pratiquant pas fréquemment la micronouvelle. Nous retrouvons par conséquent dans ce numéro anniversaire des écrivains de la première heure, comme le fondateur de Solaris, Norbert Spehner, sans oublier Daniel Sernine, Élisabeth Vonarburg, Esther Rochon, Francine Pelletier et Jean Pettigrew. Des petits « nouveaux », comme Josée Lepire et Sébastien Chartrand, complètent le sommaire de ce numéro. Autre particularité de l’exercice : chaque auteur s’était vu remettre une liste de quarante thèmes de l’imaginaire, parmi lesquels il devait en choisir un (les thèmes sont d’ailleurs identifiés sur la première page de chaque contribution).

Il serait bien entendu difficile de commenter chacun des textes ; je me contenterai donc de mentionner mes coups de cœur. D’abord, « Pour son œil seulement », de Joël Champetier, qui parvient à atteindre en quelques pages une grande intensité. Sous le thème « Machines et gadgets », l’auteur nous propose un enlèvement oculaire, comme le laisse présumer le titre. Un concentré efficace, au rythme trépidant !

Avec « S’adapter », Natasha Beaulieu réussit à rendre en deux pages l’ambivalence de Soukie face au monde post-apocalyptique toxique où elle évolue. Monde dans lequel certains individus la fascinent, départis de leurs habits protecteurs... Une nouvelle bien menée, qui se termine par une phrase-choc à point.

« Bercement » de Sylvie Bérard, sous la thématique de « Mutations », est une autre de mes contributions favorites du numéro. Nous y suivons l’établissement de la narratrice sur Anjot 688c, planète à la végétation pour le moins étrange. Une histoire énigmatique et fascinante, portée par la belle plume de l’écrivaine.

« Mon nom est légion » de David Dorais est un texte atypique, au ton unique. Difficile à résumer, il s’agit d’une expérience en soi. Une nouvelle qui se démarque assurément, dans laquelle vous ne regretterez pas de vous être immergé.

Autre coup de cœur : « Le vingt-huitième jour » de Brian Eaglenor, pseudonyme d’Alain Bergeron. Nous suivons ici un homme dont le corps est en train de se recouvrir d’ongles... Une belle idée, bien décrite et bien exploitée, à faire frémir...

Une mention aussi pour « Sentence incarnée » de Geneviève Blouin, nouvelle efficace sur la réincarnation, avec une chute qui tombe comme un couperet.

Au programme également de ce numéro anniversaire : « Enquête sur les classiques de science-fiction », du toujours intéressant et érudit Mario Tessier, et l’instructif dossier Sci-néma du tout aussi compétent Christian Sauvé. 

Vous n’avez pas encore ce numéro très spécial de Solaris ? Courez vous le procurer et joignez-vous sans attendre aux festivités !


Alibis no 52, Automne 2014, Lévis, Alire, 160 p.

Alors que Solaris fête ses quarante ans, sa petite sœur Alibis, consacrée à la littérature noire et au polar, nous propose son cinquante-deuxième numéro. Le tout en couleur, car rappelons-le, les revues Solaris et Alibis sont désormais imprimées en quadrichromie !

Jean Charbonneau, auteur de Tout homme rêve d’être un gangster, ouvre le bal des fictions avec « Éducation à la napolitaine ». Marc, le jeune narrateur, se rend seul à Naples pour exécuter les dernières volontés de sa grand-mère. Mais ce qu’il découvrira sur l’existence de ses cousins ne sera pas sans le surprendre... Un récit efficace et travaillé, dans lequel la tension est palpable. De quoi donner envie de lire les romans de Jean Charbonneau !

François Leblanc propose pour sa part « Et tout s’éteint », la fiction la plus brève et sans doute la moins mémorable du numéro. Il s'y intéresse aux circonstances nébuleuses entourant la mort de Jason Blueboy. On ne s’ennuie pas dans cette histoire de boxe, mais elle manque peut-être d’intensité, surtout placée entre deux textes particulièrement percutants.

Comme souvent lorsque Camille Bouchard collabore à Alibis, il signe l’un des meilleurs textes du numéro, cette fois-ci avec « Pourquoi se battent les chiens ». Bouchard poursuit sa série sur les caïds mexicains par le biais d’un crime sexuel impliquant un auteur jeunesse. Mais le crime sent quelque peu le coup monté... Comme d’habitude, l’écrivain réussit à rendre ses personnages poignants, à incarner leurs sentiments ainsi que les décors sud-américains, qu’il connaît visiblement très bien. À quand un recueil rassemblant tous les textes appartenant à cette série mexicaine ?

L’article sur Richard III de Norbert Spehner est pour sa part instructif et particulièrement original. On en apprend aussi davantage sur Maxime Houde dans l’entretien qu’il accorde à Pascale Raud, même si l’on sent qu’il répond parfois aux questions du « bout des lèvres ». Suivent l’indélogeable et bien documentée chronique cinéma de Christian Sauvé, au ton agréablement pince-sans-rire, et de nombreuses critiques de livres. 

Bref, un numéro d’Alibis de très bonne tenue ! 


6 commentaires:

  1. Contente que ma "sentence incarnée" t'ait plu! :)

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    1. Tu as clairement du talent avec le format "micronouvelle" (pas seulement avec la micronouvelle, mais tu comprends ce que je veux dire ;) )

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    2. Oui, j'aime bien travailler les nouvelles courtes. Je m'arrache les cheveux, je sacre, je jure, je coupe, je relis, je recoupe... et au final, j'suis pas mal fière! ;) (Le premier jet de cette nouvelle faisait quasiment 2000 mots!)

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  2. Wow tu as réussi à "l'amputer" de plus de la moitié, ce n'est pas rien ! Un beaucoup plus gros défi que celui de raccourcir "La teinte du ciel", qui faisait au départ 875 mots ;) Cela dit, ça m'a donné envie d'écrire des micronouvelles plus souvent... et sans doute que toi aussi !

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  3. Faire parler Maxime est un vrai défi :) Mais il s'est quand même laissé faire de bonne grâce :)

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