vendredi 18 septembre 2015

L'écart entre le projeté et le possible


Il est rare que je traite de sujets intimes sur ce blogue, mais en ce vendredi, j’ai décidé de partager une réflexion qui me hante depuis longtemps.

Je fais partie de ces gens qui ont voulu écrire professionnellement dès qu’ils ont appris à lire. Pour qui l’écriture est une nécessité. Au début du primaire, lorsqu’on me demandait : « Ariane, qu’est-ce que tu veux faire plus tard? », je répondais sans hésiter : « Écrivaine ». Les trois quarts du temps, on me disait : « Ah, tu veux devenir prof de français? », et je réaffirmais, plus résolue encore : « Non, écrivaine ». Les années qui ont passé m’ont permis de comprendre pourquoi la plupart de mes interlocuteurs me servaient cette réponse pragmatique, au service d'un cadre d’emploi traditionnel, stable et régulier.

Au fil des décennies, j’ai raffiné assidûment ma pratique littéraire, me confirmant que le travail d’écrivaine n’était pas qu’une idée en l’air (comme les enfants qui rêvent de devenir astronaute), mais que j’avais bel et bien le talent (je dis ceci en toute modestie) et la volonté nécessaires pour composer des histoires. J’ai persisté à étudier la littérature à l’université sans jamais cesser de lire et d’écrire. Mais voilà, au carrefour de mes études, alors que je suis parvenue au troisième cycle, soit au doctorat en lettres ‒ profil création littéraire, je constate une fois de plus que le métier d’écrivain, pour la majorité des gens, n’est pas une possibilité.

Je pense à ces innombrables fois, en public ou en famille, où on m’a dit que l’écriture était « un beau passe-temps », que j’avais « du plaisir » quand je rédigeais mes histoires. Certes, l’écriture professionnelle peut apporter des satisfactions semblables à celles que procure tout accomplissement ‒ à l’instar des autres métiers, d'ailleurs (ex.: recevoir sa boîte d’exemplaires d’auteur fraîchement sortis des presses). Mais loin de se réduire à un aimable divertissement, c'est avant tout un travail au même titre que n’importe quel autre emploi. Hormis à l’époque du primaire, où j’improvisais des histoires sans queue ni tête, je ne me rappelle d’aucun moment où j’ai écrit dans l’insouciance et dans l'allégresse. Pourquoi? Parce que lorsque je rédige un roman ou une nouvelle, je réunis l’ensemble de mes ressources personnelles et de mon potentiel dans le but de créer des textes soignés, solides et généreux à tous les points de vue (stylistique, narratif, originalité, etc.). Cela requiert un labeur considérable.

Ce souci de produire des livres de qualité nécessite un aspect du travail d'écriture qu’ignorent bon nombre de gens : les dizaines de réécritures (souvent plus), les centaines, les milliers d’heures que subira le premier jet, corrigé et recorrigé jusque dans ses moindres détails (un travail d’orfèvre, de miniaturiste...). La vision de l’écrivain qui crée allègrement et facilement a sans nul doute la cote dans l’imaginaire collectif, en regard de ce que les auteurs (et artistes) touchent comme salaire dans le Québec, actuellement secoué par une crise du livre...

Mais je passe sur cet autre débat. Ce qui m’intéresse spécifiquement ici, c’est ce constat : au terme de la plus haute formation en littérature, même avec le profil création, je ne peux pas choisir le métier d’écrivaine. Celui auquel mon diplôme me destine, malgré son appellation littéraire, est au premier ordre l’enseignement. Je tiens à mettre au clair que j’ai un énorme respect pour la profession de l’enseignement, essentielle et altruiste. D’ailleurs, j’apprécie de donner des cours et je semble même avoir un certain talent dans ce domaine, si je me fie aux commentaires reçus et à mes évaluations d’étudiants. Mais doit-on faire quelque chose simplement parce qu’on le réussit bien? Par exemple : on m’a dit à quelques reprises que je possède une belle sensibilité pour la photographie. Dois-je pour autant devenir photographe professionnelle?

Une aptitude dans un domaine n'oriente pas forcément notre choix de carrière en ce sens. Surtout lorsque nous avons un talent plus marqué que les autres, vers lequel nous tendons naturellement, et qui, si c’était possible, deviendrait un métier (d’autres appelleraient cela une vocation). Faut-il redonner au mot travail sa racine étymologique de « torture »? Je repense parfois à l’un de nos voisins, qui après des années à effectuer un emploi harassant, a ouvert sa propre boulangerie. Et qui, depuis, disait « se lever heureux le matin ».

Il est regrettable qu'il soit rare, pour un auteur québécois, de pouvoir se permettre d’allier réalisation personnelle et professionnelle - au-delà des exigences inhérentes à l'écriture elle-même. Je serais prête à me contenter d’un petit salaire, surtout si c’est pour faire ce métier d’auteure, qui est pour moi une nécessité, et vers lequel je tends naturellement. Du quart des 80 000$ annuels des professeurs d’université parmi lesquels mon doctorat en littérature me destine en principe à me retrouver.

Je ne rêve ni de luxe ni de prestige (certaines personnes m’ont déjà dit qu’une fois qu’on a goûté au confort, on en redemande : étant en partie issue d’une famille de la classe moyenne aisée, je sais bien de quoi je peux volontairement me passer...), mon amoureux et moi ne voulons pas d’enfants (si les chats comptent, dans ce cas, oui, nous souhaitons toujours avoir deux fils griffus), et mes seules fantaisies sont l’achat de livres/biens culturels et de voyages abordables (les vrais voyageurs savent qu’en magasinant les offres hors-saison, il n’est pas compliqué de voyager sans se ruiner). Alors pourquoi le métier d’auteur professionnel – à l’exception des cas où le conjoint travaille pour deux, devenant en quelque sorte le « mécène » de l’écrivain – demeure-t-il hors de portée? (je mets de côté la dizaine de cas rarissimes d’auteurs qui vivent de leur plume au Québec...)

Se pourrait-il que ce choix ne fasse pas partie des possibles?

C’est ce que je constate ces dernières années. La plupart de mes consœurs et confrères écrivains qui ont des cursus d’études semblables au mien optent pour l’enseignement. Alors qu’écrire et enseigner – même la littérature – sont des domaines très différents.

Dans mon album de finissants de secondaire 5, j’écrivais comme pensée-fétiche : « Aller jusqu’au bout de ses rêves ». Le « bout de mes rêves » serait-il un cul-de-sac? Dois-je conclure que mon rêve de petite fille n’est pas possible? Qu’il est tout simplement hors d’accès?

Ce constat n’est pas sans laisser un goût amer. Donnant ainsi raison aux détracteurs de mon enfance qui me visualisaient volontiers « prof de français ».

Alors, la question qui me taraude est : ai-je vraiment le choix ou non?

Je crains la réponse.



46 commentaires:

  1. Un de ces quatre, on devrait aller prendre un café toi et moi et discuter de ça :-) Je crois qu'on aurait des choses à se dire :-)

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  2. Volontiers, Philippe-Aubert, c'est quand tu veux :) Et on pourra aussi parler du "Jeu du démiurge", dans ma pile des "à lire très bientôt", qui sera normalement chroniqué au Voyage insolite le 9 novembre :)

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  3. C'est fou comme nos parcours se ressemblent. Mis à part que moi, ma famille ne m'a pas ménagée : depuis que je suis toute petite, tout ce que j'entendais c'était "Écrivaine? Tu vas crever de faim!". Alors j'ai bifurqué, j'ai étudié en histoire plutôt qu'en littérature, dans l'espoir d'avoir une "vraie job" pour me faire vivre...

    Pauvre de moi, faut croire que tout ce que j'aime est destiné à me faire crever de faim! lol! Parce qu'il est encore plus difficile de se trouver une job en enseignement de l'histoire qu'en enseignement de la littérature! Pis en plus, pour y avoir goûté, l'enseignement ça bouffe beaucoup trop de temps d'écriture!

    Alors depuis deux ans, j'ai décidé que je me lançais. Que j'allais essayer de voir si c'était possible d'être écrivaine. Que, oui, mon conjoint me servirait de mécène. Mais on espère que ce sera temporaire. Qu'éventuellement j'arriverai à gagner un salaire médiocre, mais décent. (Moi aussi je vise 20 000$ et moi aussi je viens de la classe moyenne... pis je sais parfaitement que ce qui est considéré du "confort", ben ça comprend beaucoup de superflu).

    Y'en a qui sont parvenus à vivre de leur plume (je pense à Jonathan), en cumulant quelques tâches connexes à l'écriture, oui, mais sans tomber dans le carcan de la job de prof. Donner des ateliers, prendre des contrats de rédaction, de direction littéraire, faire des animations, je suis prête à tout ça, parce que, pour moi, ça restera du "boulot d'écrivain".

    Voyons si c'est possible d'en vivre.

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    1. Effectivement, nos parcours se ressemblent ;)

      Tu mentionnes d’ailleurs un point important : « Pis en plus, pour y avoir goûté, l'enseignement ça bouffe beaucoup trop de temps d'écriture! ». L’enseignement à temps plein est en effet très – mais très – exigeant, ne laissant pour ainsi dire pas de temps pour écrire (je le vois bien avec Frédérick, qui écrit seulement l’été, et encore, qu’une maigre partie de cette saison, avec les corrections, les réunions, la préparation de cours...). En comparaison, mes emplois d’été de technicienne en documentation (seul moment de mon cursus où je n’ai pas étudié la littérature, préférant un diplôme technique à un pré-universitaire) me donnaient beaucoup plus de liberté de ce côté. Enfin.

      C’est inspirant de voir que tu expérimentes, avec l’aide de ton chum, la possibilité de vivre modestement de l’écriture. Comme toi, je serais prête à réaliser des tâches connexes à l’écriture (je le fais déjà d’ailleurs avec Brins, les animations, le travail de critique à la pige...). Après tout, comme tu le mentionnes avec justesse : « ça reste du boulot d’écrivain ».

      Alors je « garde ton expérience à l’œil » ;)

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    2. Par contre avec la puce, je me suis rajouté une difficulté supplémentaire (mais en même temps, je ne voulais pas renoncer à avoir une famille). On verra bien ce que ça donnera.

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    3. C'est clair ! Même avec mon chat Crapule (dont le nom découle de son comportement pour le moins tannant), je n'ai pas à jongler avec cette "difficulté supplémentaire". Mais on sait tous que tu as ce qu'il faut pour arriver à tes fins ;)

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    4. Un chum qui gagne bien sa vie? :p Lolol! Sans blague, ton billet me fait réfléchir, parce que si même toi, qui ne manque pas de talent et qui n'a pas particulièrement envie d'une famille, tu doutes d'y arriver, comment est-ce que j'espère m'en tirer?!?

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    5. Hum... avec des bourses d'écriture chaque année ? Parce que sérieusement, même l'année au cours de laquelle j'ai reçu une bourse d'écriture de 13 000$, je ne suis pas parvenue à atteindre le 20 000$... Ce ne sera pas facile, mais tu es une battante, c'est connu :)

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    6. Merci pour le vote de confiance. Qui vivra verra!

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  4. Le doctorat ouvre des portes, quoique la littérature soit peut-être plus (relativement) encombrée que d'autres domaines. Un poste de prof à 80 000 $ (et plus), ce serait un travail à temps plein, mais il existe aussi des charges d'enseignement à temps partiel qui peuvent, si on tolère l'insécurité, permettre d'obtenir ces 20 000 $ de revenus dont tu parles (avec 3 charges de cours par an, le compte serait bon) et de garder de grandes plages de temps pour écrire. Peut-être pas à temps plein, mais de manière sérieuse.

    Cela, tout dépend de la définition de ton rêve. De nos jours, pratiquer l'écriture comme un travail n'est donné en effet qu'à un petit nombre d'auteurs qui vivent de leur plume (souvent d'ailleurs tirés vers d'autres médias plus payants). Le métier d'écrivain au sens où on l'entendait (mais dans certains pays seulement, parce qu'au Canada francophone, il n'a pratiquement jamais existé avant les années 70) se rattachait aussi à un monopole de l'écrit sur les récits d'une certaine ambition. Depuis, il y a eu le cinéma et la télévision.

    Alors, qu'est-ce qui définit le rêve de l'écrivain? Être publié? Être lu? Faire parler de soi dans les médias? Retenir l'attention de la critique et des *happy few*? Ce sont des choses souvent distinctes. Ou simplement écrire pour le plaisir de partager avec quelques centaines de personnes ce qu'on a créé?

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    1. Merci de ce commentaire très intéressant, Jean-Louis !

      Oui, j'ai beaucoup pensé aux charges de cours à temps partiel... Pour les raisons que tu mentionnes, je pense que ça me conviendrait davantage et me permettrait d'avoir un peu de temps pour écrire. Ça demeure donc une option !

      Quant à la définition de mon rêve d'écriture, c'est, pour moi, le souhait de partager mes écrits sous forme publiée et d'être lue en vivant modestement de mon écriture. Il va sans dire que les rêves de chaque écrivain et aspirant-écrivain varient...

      Comme je l'écrivais à Geneviève plus haut, je serais cependant prête à combiner les tâches de pigiste rattachées au domaine littéraire, pour autant que j'arrive éventuellement à "payer les comptes du mois". Mais je suis bien consciente, comme tu le mentionnes, que "de nos jours, pratiquer l'écriture comme un travail n'est donné en effet qu'à un petit nombre d'auteurs qui vivent de leur plume (souvent d'ailleurs tirés vers d'autres médias plus payants)".

      Disons que je n'ai pas fini de réfléchir sur la question ;) !

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    2. Salut,

      Ma première réponse s'étant évanouie dans l'éther...

      Il y a en effet beaucoup de variables : veut-on fonder une famille ? a-t-on un conjoint à soutenir ? y a-t-il des dettes (d'études) à rembourser ?

      Pour raccourcir, un lien vers un bilan que j'avais établi en 2009 : Quinze ans d'écriture en chiffres. En gros, mes revenus d'écriture représentaient un peu plus de la moitié de mes revenus de travailleur autonome, le reste provenant de la traduction et des cachets de présence (écoles, etc.). Le début de mes charges de cours m'a empêché de me consacrer à l'écriture pendant quelques années tout en me permettant de remplacer les traductions et cachets par autre chose de franchement plus payant.

      Depuis 2009, les choses ont été compliquées, mais il faudrait que je fasse un autre bilan un de ces jours. Peut-être pour mes 25 ans d'écriture.

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    3. Merci pour le lien vers "Quinze ans d'écriture en chiffres", je trouve ça instructif ! Et ça me donne envie de calculer plus systématiquement mon salaire d'auteure dès 2016, afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble de la provenance et de la diversité de mes revenus. Je t'encourage à renouveler l'expérience de ce billet pour souligner tes 25 ans d'écriture (nombre pour le moins propice à un bilan !)

      Sinon, il y a effectivement beaucoup de variables, et tu me fais penser que ma dette d'études (assez lourde) est à considérer dans l'équation...

      Bref, un budget détaillé s'impose !

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  5. Les droits d'auteur étant si peu payants, c'est souvent les tâches connexes d'écrivain qui payent bien. Les rencontres d'auteur (juste pour ça, écrire un roman pour ados devient payant), la rédaction (dans mon cas), la révision (pour d'autres) sont des heures payées sans tarder, contrairement au droit d'auteur. Mais tout ça relègue toujours l'écriture au second plan.

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    1. Tout à fait, les tâches connexes sont essentielles (mais c'est clairement plus difficile avec les animations seulement pour les adultes) ! Cela dit, avec ton travail à temps plein au musée, en plus de la révision et de la rédaction à la pige (et de la famille ;) ), c'est certain que tu as moins de temps à consacrer à tes romans, que, comme tu le dis "ça relègue toujours l'écriture au second plan"...

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  6. Là c'est le gars qui vient de faire des recherches en fiscalité et en finances pour un projet littéraire qui parle : Est-ce que ce serait possible, mettons, de travailler pendant 10 ans comme prof à 80 000, de placer 75 % de ton salaire chaque année, et de prendre ta retraite par la suite pour vivre sur les intérêts? Si on compte une croissance annuelle du capital de 7%, tu aurais accumulé près de 900 000 $ à la fin de cette période. Si tu vis là-dessus après ça, tu aurais théoriquement 63 000 $ annuellement juste en croissance/dividendes/intérêts. Ce serait amplement suffisant pour vivre très confortablement, et pour écrire à ta guise.

    (Bien sûr, le marché peut te réserver de mauvaises surprises, il est impossible de prédire l'avenir.)

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    1. Intéressant de discuter de ce point !

      Ce serait possible dans l’absolu, mais pas forcément facile à vivre d’un point de vue éthique. Lorsqu’un professeur est engagé comme chercheur par une université, c’est un engagement à long terme. Le professeur a été choisi parmi tous les candidats qui ont postulé (et ce n’est pas facile de décrocher un poste). Il s’engage, en plus, à enseigner et à superviser des étudiants au doctorat et à la maîtrise pendant plusieurs années. Donc, au terme d’un mandat de 10 ans, les possibilités qu’un professeur n’ait aucun étudiant ni projet de recherche sous sa supervision et qu’il puisse quitter son emploi « ni vu ni connu » sont nulles.

      Je t’avoue aussi que j’ai une certaine difficulté avec l’idée de « mettre de l’argent de côté pour vivre ce qui nous intéresse à [l]a retraite ». Le sort des gens qui nous entourent nous fait souvent comprendre qu’on ne sait même pas si on sera encore vivant quand viendra la retraite... Et lorsqu’on regarde en arrière, ne serait-ce que voilà cinq ans, nous avons un sentiment vertigineux entre ce que nous avions projeté et ce qui est réellement arrivé. Alors dix ans... ça me semble un peu hasardeux ;)

      Mais surtout, comme je te le disais plus haut... être prof d’université est un engagement important, trop important pour agir de façon cavalière, puisque les agissements d’un prof ont toujours des conséquences directes sur ses étudiants (à divers niveaux : académique, personnel, financier, etc.). Et on veut les aider, jamais le contraire ;)

      (et des placements qui rapportent 7%, où ça se trouve :) ?)

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    2. Tu as raison, être prof d'université, c'est bien différent d'un travail en usine ou de celui de fonctionnaire. C'est un milieu que je connais assez peu, à vrai dire. Ça doit être pas mal plus engageant que les métiers auxquels j'ai participé, que j'ai quittés sans n'avoir aucun regret. Et en ce qui concerne l'âge de la retraite, tout est une question de risque. On peut mourir avant d'y arriver, mais les probabilités sont quand même de notre côté. (Cela dit, loin de moi l'idée de minimiser les drames qui sont arrivés dans les dernières années, comme tu le dis.)

      Pour les placements qui rapportent, tu peux commencer ici : http://www.mawer.com/our-funds/fund-profiles/balanced-fund/

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    3. Malheureusement impossible Dominic. J’y vais très grossièrement, mais, premièrement : en « économisant » 75 % d’un salaire de 80 K tu ne te retrouveras pas avec 60 K à placer par année : tu oublies les impôts (qui seront calculés sur 80 K et 20K...), les cotisations (RRQ, AE, etc.) et les dépenses liées à un emploi. Ensuite, les revenus de placements (ce qui constituerait alors 100 % de ton budget) ne sont pas imposés de la même façon qu’un salaire : certains types (pas tous, bien entendu) peuvent être imposés jusqu’à 50 % ; dans le pire des cas, selon tes placements, ton 63K pourrait fondre jusque dans les 30K/an. Troisièmement, tu ne tiens pas compte de l’inflation : ton viager de 63 K (irréaliste puisque tu n’auras pas pu investir 60K/an et que l’impôt va t’en bouffer une bonne partie) ne vaudra pratiquement plus rien dans quelques décennies (Ariane est encore jeune et on lui souhaite une longue vie !).

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    4. Jean-Louis m'avait effectivement fait remarquer les impôts. Est-ce que ça paraît que mon revenu n'est pas assez haut pour que j'en paie? :P

      Il existe quand même plusieurs pratiques fiscales pour sauver de l'impôt. Je ne les connais pas toutes, mais quand on prend la peine de fouiller un peu, ça en devient presque choquant. Je ne crois pas qu'économiser en vue de prendre sa retraite tôt est irréaliste. Il faut juste avoir un bon plan. Et l'aide d'un bon conseiller financier ne peut pas nuire.

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    5. Oui, ma réponse à croisé la sienne, d'oh! Et effectivement, la retraite hâtive n'est pas impossible, mais je crois que pour ça, un bon conseiller financier est ESSENTIEL.

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    6. Essentiel, oui. Notre discussion vient de le démontrer.

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    7. Tout dépend aussi de votre éthique personnelle... Côté impôts, la plupart des combines semi-légales qui courent peuvent rebondir après quelques années et enquête fiscale. Pour une planification légale pas trop abusive et un rendement sur investissement élevé, il faut souvent aller vers les actions bancaires, les compagnies d'extraction minière, pétrolière, gazière... bref, éthique personnelle à nouveau...

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  7. La perception répandue que le métier d'écrivain n'est pas payant est amplement nourrie par les écrivains eux même qui se plaignent de leur maigre pitance. Comme dans d'autres métiers, il faut souvent, de nos jours, diversifier ses sources de revenus pour atteindre ses objectifs. Le cinéma, mais surtout la télévision rémunèrent mieux le travail d'écriture. Sinon, c'est payant, tu te cherche un humoriste qui partage ton sens de l'humour... ;)

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    1. Merci de ton passage ici et de ton commentaire, Mario !

      Oui, d'ailleurs, l'UNEQ encourage les auteurs à ne pas offrir leurs services bénévolement pour ne pas nuire à la "professionnalisation du métier de l'écrivain" à long terme (ou propager l’idée selon laquelle les écrivains écrivent « pour se divertir ou s’amuser »). Des comportements comme sauter de joie en recevant son chèque du Droit de prêt public n'aident pas non plus la cause des écrivains. Cette réaction risque de propager l’idée que recevoir de l'argent est tellement rare qu'il faut le crier sur tous les toits, voire qu’il s’agit d’un cadeau (alors que c’est la rémunération d’un travail).

      Bref, il y a un travail de sensibilisation à faire sur le sérieux du métier d'écrivain du côté des auteurs aussi ! Je suis d'accord à propos du fait que la diversification des sources de revenus est une voie à considérer... et je sais que le milieu du cinéma et de la scénarisation est un domaine un peu plus payant pour ceux qui possèdent des compétences – et des contacts – dans ce domaine :)

      (et il y a des humoristes dans la salle :P ?)

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  8. Je ne suis pas fiscaliste, mais j'ai fait quelques calculs en essayant de tenir compte des impôts et de ce qui serait versé dans un REER (ce qui peut équivaloir à la contribution au régime de retraite universitaire). Au bout de 10 ans, c'est plus près de 600 000 $. Le revenu potentiel de 43 000 $ reste acceptable, mais un rendement réel de 7%, de nos jours, c'est un peu optimiste à moins d'avoir un très bon conseiller financier --- et une période de 10 ans représente un horizon plutôt court, qui peut être soit très bon soit très mauvais. Si je regarde quelques fonds mutuels canadiens, les rendements sur 10 ans dépassent rarement 5%. Sur 5 ans, c'est un peu mieux, mais il faut quand même choisir le bon fonds mutuel, ce qui devient un peu comme jouer à la loterie...

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    1. Effectivement, Jean-Louis, j'ai oublié les impôts... Bon point. Mais si on trouve des fonds à peu de frais (ex. : les ETF qui copient les index), un rendement de 7 %, c'est pas mal la moyenne. Il est vrai qu'en 10 ans, la période est courte. En général, les fonds sont très souvent positifs sur cette période, mais de combien? Ça, on ne peut jamais le prédire, malheureusement.

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    2. Je ne veux pas m'obstiner inutilement sur des chiffres hypothétiques, mais je suis fiscaliste et je vois passer, dans une client`le riche et diversifiée, beaucoup de placements et de stratégies d'investissement. Ils sont très très rares ceux qui obtiennent un réel rendement supérieur à 3-4%. la plupart du temps, les rares revenus (intérêts, dividendes, distributions de fonds, etc) sont mangés par des pertes en capital (bourse très volatile depuis une décennie) et par des frais de courtage assez imposants, en général.
      Pour ce qui est des impôts sur 80k, il existe effectivement des stratégies fiscales légales et normales pour réduire la facture fiscale, mais ça implique des REER (donc imposables à leur sortie), plafonnées à chaque année, ou un investissement dans des compagnies de ressources (indirectement subventionnées par l'état), bref, pas en déposant calmement 75% du salaire dans un compte de courtage. Enfin, peu importe le rendement, hors-REER, il serait lui aussi soumis à l'impôt sur le revenu.

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    3. Un gros merci à tous (Luc, Hugues, Jean-Louis, Dominic...) de cette discussion enrichissante. Elle permet de mieux situer les possibilités de placements et de % d'intérêts.

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  9. Ariane, tu me rappelles une discussion que j'avais eue avec Joêl, il y a quelques années à ce sujet.
    Au Québec, malheureusement pour toi, le marché est assez petit et en écrivant en français, tu limites tes lecteurs à une poignée, à moins d'exporter/traduire, donc en Europe francophone ou aux ÉtatsUnis/Royaume-Uni, ce qui est possible mais difficile à faire, à moins bien sur de te convertir aux romans de gare à commande populaires, et encore. Il aurait été plus facile de vivre ce rêve dans un marché de 100 millions de lecteurs, mais quand j'y pense, je me dis toujours que notre situation pourrait être pire que ça, qu'on pourrait être né en Syrie, par exemple... (je sais que tu ne te plains pas, rassure-toi, ton questionnement est intéressant et valide).
    Tu soulignes que la plupart des collègues écrivains qui gagnent leur vie de l'écriture cumulent des activités littéraires, et il ne faut pas oublier les scénarios là-dedans, souvent 100 fois plus payant que le livre et lui aussi ouvert à des bourses/subventions à la création.
    Toutefois, à part de rares exceptions, ce que tu décris comme rêve est effectivement, d'après moi, hors des possibilités (au sens où écrire et n'écrire, dans la vie, comme gagne-pain de 20 000$ en droits d'auteur, par année). Pas impossible, quelques exemples existent, mais on parle bien de rares élus, dont la très grande majorité occupent un créneau particulier et spécifique.

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    1. Tu évoques un point dont j’ai eu l’occasion de discuter à quelques reprises avec Frédérick : en tant que Québécois qui écrivent en français, avec un bassin de lecteurs restreint, les possibilités de vivre de l’écriture se trouvent significativement amoindries (mais c’est vrai, nous sommes tout de même plus chanceux qu’en certains endroits du monde...). Bon, en cumulant bourses d’écriture, animations et tâches rédactionnelles connexes, comme le mentionnaient entre autres Geneviève et Mathieu, il est possible d’aller chercher quelques deniers, mais... 20 000$ de droits d’auteur annuel est pour le moins idyllique (un minimum de 10 000 ventes par année, ouch !). Comme je ne veux pas me mettre à écrire des romans typiquement « vendeurs » et continuer à privilégier l’authenticité littéraire que j’ai toujours valorisée, ce n’est pas gagné !

      Je suis également heureuse de lire que tu as déjà eu une discussion semblable avec Joël, qui avait choisi d’accorder une bonne place à l’écriture dans son travail (peut-être pas au premier plan, puisque la direction littéraire est un emploi exigeant, mais à tout le moins à l’avant-plan). Peut-être que, comme lui, je trouverais davantage mon compte dans le milieu de l’édition, plutôt que dans la voie de l’enseignement tracée par le doctorat en lettres. Demeurant ainsi plus près de la création de livres, au centre de ma vie.

      Quant aux scénarios... pourquoi pas ? C’est en tout cas l’une des options qu’avait envisagées Frédérick, avant de se voir contraint, finances et manque de contacts obligeant, à rallier le rang des enseignants. Mais ça vaut la peine de prendre le temps d’étudier l’ensemble des possibilités.

      Bref, merci de ton passage ici et de ce commentaire pertinent, Hugues :)

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  10. Ouais, beaucoup à dire. Je pense qu'une réponse écrite est insuffisante. C'est vrai que le choc est difficile. Personnellement, comme j'ai voulu avoir mes enfants d'abord, je n'ai pas eu à me poser de questions. L'évidence était d'offrir une stabilité à ma famille, puis d'écrire. Attention, je parle toujours de l'écriture comme d'un travail, cela dit.

    Malgré tout, je caresse aussi l'idée de vivre de ma plume mais, lorsque j'ose énoncer ce rêve à haute voix, mes proches retiennent difficilement leurs doutes. Et je me mets à douter.

    Puis, viennent les salons et les longues discussions avec vous tous, comparses, qui me rappellent que cet univers est grandiose et que, oui, il y a de l'espoir.

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    1. Oui, le choc est difficile... Sans compter qu’avec les impératifs de la famille, comme c’est ton cas, ça complexifie singulièrement les options. Cela dit, comme les membres de notre famille sont souvent extérieurs au domaine littéraire, ils ne sont pas toujours les meilleurs conseillers en ce sens. Et beaucoup de gens ont tendance à nous orienter vers des choix plus sécuritaires parce qu’eux-mêmes vivent mal la précarité et qu’ils projettent ce sentiment sur les autres. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut se lancer sans filets, c’est clair qu’on doit prendre le temps d’évaluer les possibilités avant d’envisager d’écrire/de cumuler les tâches connexes à temps plein, comme le tente par exemple Geneviève en ce moment. Choix qui n’est pas gagné d’avance, comme elle le dit elle-même !

      Tous : vous ne trouvez pas qu’il y aurait matière à une table ronde à Boréal ?

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  11. C'est un rêve possible. Tu l'as dit, il y en a qui le font.
    Il n'y a pas un domaine artistique où plus d'une poignée d'élus arrivent à vivre de leur art. Dans tous les cas, ça prend du temps.

    La solution est sans doute dans un mélange des solutions proposées plus haut.

    Il y a aussi le texte lui-même. Les gens ont souvent tendances à diviser l’écriture entre le «commercial» et «l’artistique», mais les choses ne sont pas si simples. Est-ce que Patrick Senecal est un «commercial», un auteur de «romans de gares»?
    Le genre compte mais il y a aussi des procédés qui touchent directement au texte, et ça ne fait pas de mal de les connaître. Et il y a la distribution. Les choses changent de ce côté. Rapidement. Mais il faut être prêt à parler cuisine.

    Veux-tu parler cuisine?

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    1. Effectivement, comme la discussion l’a fait ressortir, arriver à vivre de l’écriture/de tâches connexes exige du temps. Et, implicitement, de la planification.

      Il y a aussi la question du « timing », comme dans le cas de Patrick Senécal (qui n’écrit effectivement pas des romans de gare ni commerciaux). Il a eu la chance d’être adapté une première fois au cinéma, et la suite est connue :) !

      Tu mentionnes aussi un point important concernant les changements qui ébranlent actuellement le milieu du livre et de l’édition. C’est pourquoi je suis en ce moment une formation sur le logiciel de graphisme Indesign et que je compte m’inscrire prochainement à une autre formation sur Photoshop. Mais pour répondre plus directement à ta question : oui, ça me ferait plaisir de parler de « cuisine » de vive voix, il y a beaucoup à discuter à propos des changements actuels dans le milieu du livre, de la mise en page des écrits papiers et numériques et des méthodes de distribution alternatives. Et je sais que tu en connais un rayon sur le sujet :)

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  12. Merci Ariane pour ce texte des plus intéressants et touchants.
    Suis en train de préparer mon intervention via uzinamo

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  13. Merci, Marc ! J'ai hâte de lire ton intervention, le sujet est vaste... :)

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  14. Si ça peut t'aider, Ariane. Et aider un peu tout le monde, ici, en fait :

    Le livre-documentaire « Écrire pour vivre » de Jean-Benoît Nadeau

    Lien : https://www.quebec-amerique.com/livres/collections/biographies-idees/dossiers-documents/ecrire-pour-vivre-940.html

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    1. «Le Guide du travailleur autonome» par le même auteur m'avait été très utile.

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  15. Je connaissais déjà le premier, mais pas le second, merci, Gabrielle et Philippe !

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  16. La série de Louis Hamelin sur l'écrivain et l'argent (lien vers un des articles ici) est également une réflexion intéressante sur le sujet.
    http://www.ledevoir.com/culture/livres/450960/l-ecrivain-et-l-argent-2-4-comment-peut-on-etre-un-ecrivain-professionnel

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    1. Autre preuve que la vie est dure pour tous les auteurs de fictions au Québec en ce moment : Littérature ésotérique : la chute des ventes n'avait pas été prédite...

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    2. Très intéressant aussi, Jean-Louis, merci pour l'article. Comme quoi la chute des ventes touche bien davantage que les romans ! Les temps sont définitivement durs pour les auteurs...

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  17. Article très instructif, Hugues, merci, je vais suivre la série avec intérêt ! En plus, c'est tout récent, preuve que le questionnement est actuel... Le nombre de commentaires à ce billet en témoigne, d'ailleurs ;)

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