dimanche 15 novembre 2015

Le Voyage insolite (émission du 9 novembre)


Chris Beckett, Dark Eden, Presses de la cité, 2015, 414 p.


Originaire d’Angleterre, Chris Beckett est l’auteur de trois romans, dont Dark Eden (qui a mérité le prix Arthur C. Clarke). Présenté sous une couverture minimaliste et terne, Dark Eden nous convie à une odyssée singulière sur une planète qui doit sa chaleur et sa lumière à son activité géothermique et à la bioluminescence de sa flore. Autrement, Eden est plongée dans le noir. 

Pourtant, c’est sur cette planète qu’Angela et Tommy ont été contraints de s’installer il y a cent-soixante-quinze ans, à la suite d’un grave bris mécanique de leur vaisseau. Tandis que leurs trois collègues de mission tentaient de retourner sur Terre, Angela et Tommy, peu convaincus que le vaisseau était capable d’effectuer le voyage, ont choisi de demeurer sur Eden, la planète géothermique. Et le temps a passé sans que les secours daignent venir les chercher. Les enfants, puis les petits-enfants et les arrière-petits-enfants d’Angela et de Tommy se sont donc reproduits sur leur planète adoptive, fondant un clan nommé « Famille ». Jamais « Famille » ne s’est éloignée outre mesure de l’endroit où les spationautes demeuraient autrefois. Encore et toujours, les descendants d’Angela et de Tommy espèrent qu’un vaisseau en provenance de la Terre vienne les secourir. Mais le territoire que les nombreux habitants d’Eden occupent suffit de moins en moins à nourrir l’ensemble de la communauté. Conscient de ce problème qui ne peut que s’aggraver avec les années, John Lampionrouge, adolescent audacieux, convainc un petit groupe de jeunes d’aller explorer le territoire inconnu par-delà « Noirneige ». Son initiative troublera gravement la quiétude d’Eden...

L’une des forces de ce roman de Chris Beckett est indéniablement son cadre. L’auteur a en effet développé la planète Eden de manières fort inventive et intéressante, que ce soit dans sa faune ou dans sa flore. Les personnages, également, surtout John et Jeff, sont finement construits. Nous ressentons très bien l’envie d’exploration qui les anime, même si l’on peut s’étonner que les habitants d’Eden aient attendu 175 ans pour visiter leur territoire (et aussi pour régler certains problèmes de base comme de se fabriquer des chaussures !). En ce sens, la forte régression des "Edeniens", 175 ans après leur naufrage, peut paraître excessive. 

De plus, le langage employé par les protagonistes, très personnel et assez loin de la langue initialement parlée par Angela et Tommy, peut surprendre. Certes, la langue évolue et fluctue au cours du temps, mais à ce point en 175 ans ? Cela dit, cette langue excentrique confère un charme certain à Dark Eden, même si une période d’adaptation au style est nécessaire pendant les premiers chapitres.

Bref, Chris Beckett nous propose avec Dark Eden un roman de science-fiction initiatique fort sympathique, pourvu d’une narration polyphonique qui évite la monotonie. Une lecture agréable, accessible et originale, qui mérite son prix Arthur C. Clarke.

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