Clair/Obscur no 14, été 2015
L’équipe d’Anne-Marie Bouthillier, qui a repris la barre du
fanzine Clair/Obscur l’an dernier, vient de faire paraître son troisième
numéro, sur la thématique du « Cirque sinistre ». Une mention, donc,
pour la régularité du périodique, qui n’est pas si fréquente dans le domaine
des publications amateures. Cela dit, le fervent désir des membres de l’équipe du
fanzine (du moins en majorité, j’y reviendrai) de s’améliorer livraison après
livraison est palpable. Par contre, le bond de géant qualitatif effectué entre
le 1er et le 2e numéro est moins grand entre le 2e
et le 3e, puisque le numéro 2 est, à mon avis, globalement plus
réussi du côté des contenus. Mais ce spécial digne des plus horrifiantes fêtes
foraines ne manque pas de belles surprises, c’est pourquoi je commencerai, Mesdames
et Messieurs, par celles-ci, si vous voulez bien prendre place pour le
spectacle.
Du côté des bons coups, la couverture de Guillaume Leclerc
vaut le détour (même si son impression sur un papier plus épais l’aurait
magnifiée). Idem pour l’ensemble des illustrations intérieures, qui sont de
qualité. De plus, la partie articles est comme toujours de haut calibre, avec
des chroniqueurs qui commencent à s’imposer, à s’approprier leur section avec
leur voix propre (je pense notamment à l’enthousiasmante chronique cinéma de
Jonathan Reynolds, dont la passion pour l’horreur est communicative jusqu’à
l’écrit – normal, me direz-vous, c’est Jonathan! –, à Pierre-Alexandre Bonin,
qui signe des critiques littéraires étoffées, ou encore à Guillaume Couture,
responsable de la chronique jeux vidéo, dont l’érudition est manifeste). Il en
est de même de l’article signé par Mélissa Boudreault sur American Horror
Story IV, bien fouillé, même si le dévoilement de plusieurs
révélations des différentes saisons (je suis au milieu de la deuxième saison, arg)
m’a fait un peu grincer des dents. En espérant que de frotter la bosse de
l’inévitable bossu du cirque sera suffisant pour que ma mauvaise mémoire fasse
son habituel office!
En fait (et je me dirige tranquillement vers les « moins
bons coups » du numéro 14), presque tous les collaborateurs des articles
sont compétents. C’est d’autant plus gênant, avec une telle distribution, de
constater le manque de rigueur de la section « Dans la bibliothèque
de... » ou – entre autres – Clive Barker se fait rebaptiser... Claire
Parker. Le tout desservi par une syntaxe hasardeuse : « Frédéric
Raymond s’est prêté au jeu de nos visites impromptues au cœur des pages qui
l’ont forgé » (p. 15). Autre aspect à revoir, forcément
perceptible : la police utilisée pour la mise en page est toujours
minuscule. En plus, les alinéas sont absents avant les tirets de dialogue et
une biographie se retrouve toute seule sur la page 29. Bref, on sent bien que
l’équipe de Clair/Obscur veut intégrer tous les volontaires au fanzine...
Mais, constat cruel qu’il est bon de rappeler, un ami n’est pas nécessairement un
bon collaborateur.
Quelques mots sur les quatre fictions, intercalées entre
les articles disposés au début et à la fin de cet opus. Dans l’ensemble, nous
avons ici quatre textes très corrects, qui s’inscrivent bien dans la
thématique. « Bêtes de cirque », de Pierre-Alexandre Bonin raconte de
manière amusante les déboires d’une troupe de cirque, jusqu’à ce que tout
bascule. De jolis passages gores s’y trouvent, même si la finale, en forme de
chute, fait « déjà-lu » et tombe plutôt à plat. Toutefois, cette
nouvelle respire plus l’authenticité que la suivante, qui fait très
« bateleur de foire ».
Dans « Fx circus », Sylvain de Carufel adopte un
style et un propos grandiloquents (d’ailleurs, pourquoi les hashtags? Effet de
mode?) pour nous décrire une émission de téléréalité à laquelle participe
malgré elle une jeune femme, Camille. C’est léger, estival, ça se lit vite et
ça veut faire cool : « je pourrais mettre ça en accéléré pis skiper
des frames, genre » (p. 25).
Quant à Julien Desrosiers, il fait visiter, dans
« Réflexion », un palais des miroirs à un voleur. L’atmosphère est
prenante, et la tension narrative, bien rendue, en dépit d’une fin un peu
prévisible.
Le dernier texte du volet fiction (et mon favori),
« Ranicourt », de Jean Robert Bourdages, propose l’énigmatique récit
d’un vétéran de la Deuxième Guerre qui se retrouve sur une île où sévit – du
moins, pendant qu’il s’y trouve – un cirque aussi inerte que macabre. Peut-être
la nouvelle aurait-elle été plus efficace racontée « in medias res »
(dans l’état, nous lisons l’histoire qu’Étienne Lacroix, maintenant âgé, relate
à des militaires venus l’interroger), mais le résultat est assez convaincant.
Voici donc ce qui complète ce quatorzième numéro de Clair/Obscur,
une revue qui tient à offrir à ses abonnés le meilleur de l’horreur en
s’améliorant sans cesse. Alors déployez le chapiteau couleur angoisse et
entrez, Mesdames et Messieurs, entrez dans le cirque sépulcral!
- Cette critique est parue précédemment dans le numéro 42 de Brins d'éternité.
J'ai toujours été un grand fan de Claire Parker. Dans un univers parallèle, elle a redéfini à elle seule la littérature d'horreur et le fantastique. On pense en particulier à son Tapimonde et son personnage culte : Tête d'épis de maïs.
RépondreSupprimerHahaha ! "Tapimonde et son personnage culte : Tête d'épis de maïs". Cela dit, le blé d'inde a toujours eu un grand potentiel de terreur. Surtout la nuit tombée, lorsque le vent rugit sur les champs désertés... Claire Parker aura eu le don, dans son existence parallèle, de nous faire ressentir le sanglant effroi inspiré par les plants enténébrés... Car Tête d'épis de maïs traverse parfois les mondes, ses feuilles dentelées prêtes à se refermer sur les gorges innocentes ! (n'importe quoi :P)
SupprimerQui, au prochain Boréal, aura le courage de se déguiser en Cornhead? http://www.ebay.ca/itm/151751136406?rmvSB=true
Supprimer*médusée*
SupprimerIl me semble que ce serait un beau défi pour toi, Luc, non :D ?
Heu... O_o ça tombe mal, je ne pense pas être présent au prochain Boréal. *tousse, tousse, soupir de soulagement*
SupprimerOh, trop dommage :( Dans ce cas, promis, si tu décides finalement de venir, tu n'es pas obligé de te déguiser en Cornhead !
Supprimerhttps://en.wikipedia.org/wiki/Claire_Parker
RépondreSupprimerOui, c'est amusant qu'il existe une Claire Parker ingénieure, merci de votre passage ici !
RépondreSupprimerClaire Parker a quand même inventé le Pinscreen!
SupprimerEn effet, mais côté littérature horrifique, elle s'en est définitivement tenue à notre Tête d'épis de maïs ;)
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