mardi 12 janvier 2016

Du fétichisme des périodiques : Clair/obscur no 14


Clair/Obscur no 14, été 2015

L’équipe d’Anne-Marie Bouthillier, qui a repris la barre du fanzine Clair/Obscur l’an dernier, vient de faire paraître son troisième numéro, sur la thématique du « Cirque sinistre ». Une mention, donc, pour la régularité du périodique, qui n’est pas si fréquente dans le domaine des publications amateures. Cela dit, le fervent désir des membres de l’équipe du fanzine (du moins en majorité, j’y reviendrai) de s’améliorer livraison après livraison est palpable. Par contre, le bond de géant qualitatif effectué entre le 1er et le 2e numéro est moins grand entre le 2e et le 3e, puisque le numéro 2 est, à mon avis, globalement plus réussi du côté des contenus. Mais ce spécial digne des plus horrifiantes fêtes foraines ne manque pas de belles surprises, c’est pourquoi je commencerai, Mesdames et Messieurs, par celles-ci, si vous voulez bien prendre place pour le spectacle.

Du côté des bons coups, la couverture de Guillaume Leclerc vaut le détour (même si son impression sur un papier plus épais l’aurait magnifiée). Idem pour l’ensemble des illustrations intérieures, qui sont de qualité. De plus, la partie articles est comme toujours de haut calibre, avec des chroniqueurs qui commencent à s’imposer, à s’approprier leur section avec leur voix propre (je pense notamment à l’enthousiasmante chronique cinéma de Jonathan Reynolds, dont la passion pour l’horreur est communicative jusqu’à l’écrit – normal, me direz-vous, c’est Jonathan! –, à Pierre-Alexandre Bonin, qui signe des critiques littéraires étoffées, ou encore à Guillaume Couture, responsable de la chronique jeux vidéo, dont l’érudition est manifeste). Il en est de même de l’article signé par Mélissa Boudreault sur American Horror Story IV, bien fouillé, même si le dévoilement de plusieurs révélations des différentes saisons (je suis au milieu de la deuxième saison, arg) m’a fait un peu grincer des dents. En espérant que de frotter la bosse de l’inévitable bossu du cirque sera suffisant pour que ma mauvaise mémoire fasse son habituel office!

En fait (et je me dirige tranquillement vers les « moins bons coups » du numéro 14), presque tous les collaborateurs des articles sont compétents. C’est d’autant plus gênant, avec une telle distribution, de constater le manque de rigueur de la section « Dans la bibliothèque de... » ou – entre autres – Clive Barker se fait rebaptiser... Claire Parker. Le tout desservi par une syntaxe hasardeuse : « Frédéric Raymond s’est prêté au jeu de nos visites impromptues au cœur des pages qui l’ont forgé » (p. 15). Autre aspect à revoir, forcément perceptible : la police utilisée pour la mise en page est toujours minuscule. En plus, les alinéas sont absents avant les tirets de dialogue et une biographie se retrouve toute seule sur la page 29. Bref, on sent bien que l’équipe de Clair/Obscur veut intégrer tous les volontaires au fanzine... Mais, constat cruel qu’il est bon de rappeler, un ami n’est pas nécessairement un bon collaborateur.

Quelques mots sur les quatre fictions, intercalées entre les articles disposés au début et à la fin de cet opus. Dans l’ensemble, nous avons ici quatre textes très corrects, qui s’inscrivent bien dans la thématique. « Bêtes de cirque », de Pierre-Alexandre Bonin raconte de manière amusante les déboires d’une troupe de cirque, jusqu’à ce que tout bascule. De jolis passages gores s’y trouvent, même si la finale, en forme de chute, fait « déjà-lu » et tombe plutôt à plat. Toutefois, cette nouvelle respire plus l’authenticité que la suivante, qui fait très « bateleur de foire ».

Dans « Fx circus », Sylvain de Carufel adopte un style et un propos grandiloquents (d’ailleurs, pourquoi les hashtags? Effet de mode?) pour nous décrire une émission de téléréalité à laquelle participe malgré elle une jeune femme, Camille. C’est léger, estival, ça se lit vite et ça veut faire cool : « je pourrais mettre ça en accéléré pis skiper des frames, genre » (p. 25).

Quant à Julien Desrosiers, il fait visiter, dans « Réflexion », un palais des miroirs à un voleur. L’atmosphère est prenante, et la tension narrative, bien rendue, en dépit d’une fin un peu prévisible.

Le dernier texte du volet fiction (et mon favori), « Ranicourt », de Jean Robert Bourdages, propose l’énigmatique récit d’un vétéran de la Deuxième Guerre qui se retrouve sur une île où sévit – du moins, pendant qu’il s’y trouve – un cirque aussi inerte que macabre. Peut-être la nouvelle aurait-elle été plus efficace racontée « in medias res » (dans l’état, nous lisons l’histoire qu’Étienne Lacroix, maintenant âgé, relate à des militaires venus l’interroger), mais le résultat est assez convaincant.

Voici donc ce qui complète ce quatorzième numéro de Clair/Obscur, une revue qui tient à offrir à ses abonnés le meilleur de l’horreur en s’améliorant sans cesse. Alors déployez le chapiteau couleur angoisse et entrez, Mesdames et Messieurs, entrez dans le cirque sépulcral!

- Cette critique est parue précédemment dans le numéro 42 de Brins d'éternité.

10 commentaires:

  1. J'ai toujours été un grand fan de Claire Parker. Dans un univers parallèle, elle a redéfini à elle seule la littérature d'horreur et le fantastique. On pense en particulier à son Tapimonde et son personnage culte : Tête d'épis de maïs.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Hahaha ! "Tapimonde et son personnage culte : Tête d'épis de maïs". Cela dit, le blé d'inde a toujours eu un grand potentiel de terreur. Surtout la nuit tombée, lorsque le vent rugit sur les champs désertés... Claire Parker aura eu le don, dans son existence parallèle, de nous faire ressentir le sanglant effroi inspiré par les plants enténébrés... Car Tête d'épis de maïs traverse parfois les mondes, ses feuilles dentelées prêtes à se refermer sur les gorges innocentes ! (n'importe quoi :P)

      Supprimer
    2. Qui, au prochain Boréal, aura le courage de se déguiser en Cornhead? http://www.ebay.ca/itm/151751136406?rmvSB=true

      Supprimer
    3. *médusée*
      Il me semble que ce serait un beau défi pour toi, Luc, non :D ?

      Supprimer
    4. Heu... O_o ça tombe mal, je ne pense pas être présent au prochain Boréal. *tousse, tousse, soupir de soulagement*

      Supprimer
    5. Oh, trop dommage :( Dans ce cas, promis, si tu décides finalement de venir, tu n'es pas obligé de te déguiser en Cornhead !

      Supprimer
  2. https://en.wikipedia.org/wiki/Claire_Parker

    RépondreSupprimer
  3. Oui, c'est amusant qu'il existe une Claire Parker ingénieure, merci de votre passage ici !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Claire Parker a quand même inventé le Pinscreen!

      Supprimer
    2. En effet, mais côté littérature horrifique, elle s'en est définitivement tenue à notre Tête d'épis de maïs ;)

      Supprimer