Richard
Ste-Marie, Repentir(s), Alire, 2014, 336 p.
Repentir(s) est le troisième roman de Richard
Ste-Marie à paraître aux éditions Alire (et le premier en grand format). Je
précise toutefois que le second de ses livres publié chez Alire était une réécriture de son tout premier ouvrage, Un ménage rouge, édité dans un premier temps chez Stanké. C’est en outre la troisième fois que j’ai l’occasion
de m’intéresser à une publication de Ste-Marie dans le contexte de l'émission, puisqu'il est un
auteur que j’apprécie particulièrement (et que j’ai eu l’honneur de côtoyer
dans le collectif Crimes à la librairie).
C’est donc avec enthousiasme que je me suis plongée dans Repentir(s),
intitulé à l’origine L’esprit des lieux (titre qui ne convenait pas vraiment
au roman, d’ailleurs). Nous y retrouvons Francis Pagliaro, sergent-enquêteur
présent dans les deux précédents livres de Ste-Marie. Pagliaro est en
quelque sorte le « demi-héros » du récit, car environ
un chapitre sur deux suit le parcours d'un criminel, lié d’une
manière ou d’une autre à l’homicide sur lequel Pagliaro enquête. Il ne
s’agit pas de n’importe quel crime : Gaston « Faby » Lessard,
propriétaire de la galerie Arts Visuels Actuels, a trouvé la mort sur son lieu de
travail, en compagnie du lieutenant de police Frédéric Fortier. Tous deux ont
été poignardés à l'aide d'un couteau sculpté, exposé dans la galerie, qui a été étrangement
remis en place après usage.
Pagliaro entreprend dès lors de s’initier au milieu des
arts visuels, allant de découverte en découverte à propos des
activités de Faby Lessard. En parallèle, le criminel, surnommé « le
garçon », et son ami Samuel s’intéressent de plus en plus près aux natures
mortes. Ce qui finira par avoir de fâcheuses conséquences dans la petite communauté
de Lac-Frontière...
Avec Repentir(s), Richard Ste-Marie nous propose
encore une fois un polar/roman noir au suspense soutenu, même si les chapitres
criminels m’ont paru plus frappants que les autres. Il faut dire que l’auteur
dépeint le sordide avec tant de finesse que l’enquête avait des chances de
sembler plus falote en comparaison. De plus, nous retrouvons moins les traits
de caractère de Pagliaro qui m’avaient tant plu dans L’Inaveu :
ses réflexions teintées de philosophie, son amour inconditionnel pour Lisa, qu’il
aime toujours autant, mais qui est en retrait dans ce livre...
Là n’est pas l’intérêt principal de Repentir(s),
à mon avis, mais plutôt dans l’intégration des connaissances du milieu des arts
visuels (que Ste-Marie connaît de l’intérieur, étant lui-même un artiste
visuel) qui font de ce récit un polar/roman noir pictural unique en son genre. Roman
qui atteint des sommets quand Ste-Marie prend le partie de dépeindre
la psyché des criminels. Un auteur à suivre de près !
Claude
Champagne, Écrire le mal, Éditions Druide, 2014, 268 p.
Avant d’écrire un roman pour adultes, Claude Champagne a signé
plusieurs pièces de théâtre et livres pour la jeunesse.
Écrire le mal,
qui vient de paraître aux éditions Druide, est donc son premier roman destiné à ce lectorat. L’ouvrage se présente sous
une couverture blanche avec un titre stylisé qui
m’a rappelé la collection « L'imaginaire » de Gallimard. Toutefois, il ne faut pas se méprendre :
le livre de Claude Champagne n’a pas de parenté, autre que visuelle, avec la
célèbre collection.
Écrire le mal est sans contredit un roman hybride,
à mi-chemin entre le polar et l’autofiction, bien qu’il tende davantage vers le
dernier genre, les fervents de polar plus classique risquant de ne pas y
trouver leur compte. Mais voyons d’abord ce que l’histoire nous réserve. L'écrivain Jean
Royer hérite de l’agence de détectives de son
père, qui vient de décéder (il s'agit là d'éléments autobiographiques). Au départ
déterminé à revendre son héritage, Jean se lance bientôt dans une enquête, qui
prend pour point de départ des animaux retrouvés cloué aux arbres d’un parc. En
remontant le fil de l’enquête, Jean interroge le propriétaire d’un chenil. Ce dernier lui mentionne l’existence d’un ancien employé qui aurait torturé un chien.
Comble de chance, l’ex-travailleur avait justement caché son journal intime dans sa
chambre (sous son matelas), et Jean pourra en apprendre davantage sur ses cruelles
motivations (ce qui rejoint l’idée du « mal » dans le
titre). Des extraits de son journal ponctuent dès lors le roman, lui-même
raconté par l’entremise du journal de Jean. De temps à autre, les carnets
d’enquête de son père, qui recherche la fille disparue de son fils, s’intercalent
entre les différentes parties. Car ce qui obsède réellement Jean, ce
ne sont pas tant les animaux torturés ni les cadavres qui jonchent son chemin,
mais la disparition, survenue voilà six ans, de Charlotte, sa fille...
Les moments les plus poignants d’Écrire le mal concernent la quête de cette fille absente, qui prend sa source directement
dans le vécu de l’auteur. Claude Champagne puise abondamment dans l’autofiction,
genre avec lequel je confesse avoir peu d’affinités. Ajoutons à ceci le fait
que le personnage principal est lui-même un écrivain (très semblable à l’auteur de ce livre,
justement), et l’exercice peut devenir périlleux, particulièrement à notre
époque, étant donné la pléthore de récits déjà existants dont les narrateurs
sont des écrivains en quête d’inspiration. Cela dit, la force de cet ouvrage prend sa source dans l’enchâssement des différents journaux (le journal du
criminel, surtout, s'avère captivant). L’histoire est aussi intrigante et apte à
piquer la curiosité. Il reste tout de même que j’ai senti une improvisation
dans la trame narrative, improvisation que le romancier ne cache d’ailleurs
pas dans sa notice biographique. Et comme nous avons affaire à un
polar, genre qui se prête plus ou moins bien aux élans impromptus...
Roman métissé, Écrire le mal devrait plaire aux amateurs de récits qui combinent suspense et autofiction. Je profite en terminant de l'occasion pour saluer l'initiative des éditions Druide de publier, depuis leur fondation en 2012, des
polars de qualité.