samedi 24 octobre 2015

Le Voyage insolite (émission du 12 octobre)


Matthew Stokoe, Sauvagerie, Gallimard, Série noire, 2015, 381 p.


L’an dernier, j’ai eu l’occasion de présenter, dans le cadre de l’émission, La belle vie, un roman nihiliste de Matthew Stokoe recommandé aux amateurs de sensations fortes. On ne peut pas dire que le troisième livre de l’écrivain, Sauvagerie (de son titre original Colony of Whores, assez différent), fait davantage la part belle au côté humain des personnages. Cependant, ce roman est dans l’ensemble moins choquant, peut-être parce que les protagonistes ne sont pas tous des narcissiques près à tout pour atteindre le succès, comme l’était de manière excessive le narrateur de La belle vie. Cela dit, le milieu cinématographique de la Californie et l’approche typiquement hollywoodienne du septième art sont toujours à l’honneur dans ce nouvel opus de l’auteur.

Par le biais d’une narration éclatée qui nous présente tour à tour différents personnages, Matthew Stokoe nous introduit dans le monde sordide de la corruption chez les producteurs de films. Jumeaux incestueux et déviants, Jeffery et Ally Bannister paient en effet trois ou quatre fois par année « Kid », pour kidnapper des femmes mexicaines qu’ils vont torturer, notamment avec un Oscar pourvu d’un phallus de taille impressionnante. Chick, jeune femme qui rêve de devenir réalisatrice, a été leur première victime. Mais « Kid » n’a pas l’âme d’un tortionnaire, loin de là, et il souhaite se faire pardonner à sa manière en permettant à Chick de réaliser son premier film avec un budget respectable. Il soumet alors les jumeaux au chantage, ainsi que Michael Starck, patron de PDC, une firme de production. Mais Michael a un passé trouble, l’homme s’étant passablement sali les mains..., et un scénario (coécrit par la sœur de Tim - le nouveau compagnon de Chick) témoigne clairement de ses frasques criminelles.

Comme nous pouvons le constater, il y a un nombre assez élevé de personnages dans Sauvagerie, certains étant décrits un peu plus superficiellement. Cette caractéristique a pour conséquence que l’on s’attache peu au sort de quelques-uns des protagonistes, qui restent surtout des êtres de façade (Jocelyne, par exemple). J’ai trouvé le début du roman plus laborieux, l’intrigue mettant un certain temps à trouver son rythme. Mais sitôt ferrée, j’ai voulu connaître le sort de ces individus atypiques, étonnamment presque tous incestueux (thématique récurrente du récit, dont l'importance qu'elle revêt dans la trame narrative n’est pas sans surprendre) et tous avides de vengeance. Stokoe réussit à créer un crescendo intéressant jusqu’au dénouement, noir bien entendu, le tout avec un esprit digne des vigilantes, ces films où le héros tue lui-même les criminels plutôt que de laisser les autorités se charger de les envoyer en prison.

Bref, si vous aimez ce genre de livres et si vous vous intéressez à l’envers du décor de l’univers cinématographique américain, vous apprécierez Sauvagerie, qui vous conviera à une destruction en règle du mythe hollywoodien !

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