Matthew Stokoe, Sauvagerie,
Gallimard, Série noire, 2015, 381 p.
L’an dernier, j’ai eu l’occasion de présenter, dans le cadre de l’émission, La belle vie, un roman nihiliste de Matthew Stokoe recommandé aux amateurs de
sensations fortes. On ne peut pas dire que le troisième livre de l’écrivain, Sauvagerie
(de son titre original Colony of Whores, assez différent), fait
davantage la part belle au côté humain des personnages. Cependant, ce roman est
dans l’ensemble moins choquant, peut-être parce que les protagonistes ne sont
pas tous des narcissiques près à tout pour atteindre le succès, comme l’était de manière
excessive le narrateur de La belle vie. Cela dit, le milieu cinématographique de la Californie et l’approche typiquement hollywoodienne du
septième art sont toujours à l’honneur dans ce
nouvel opus de l’auteur.
Par le biais d’une narration éclatée qui nous présente
tour à tour différents personnages, Matthew Stokoe nous introduit dans le monde
sordide de la corruption chez les producteurs de films. Jumeaux incestueux et
déviants, Jeffery et Ally Bannister paient en effet trois ou quatre fois par
année « Kid », pour kidnapper des femmes mexicaines qu’ils vont
torturer, notamment avec un Oscar pourvu d’un phallus de taille impressionnante.
Chick, jeune femme qui rêve de devenir réalisatrice, a été leur première victime. Mais « Kid » n’a pas l’âme d’un
tortionnaire, loin de là, et il souhaite se faire pardonner à sa manière en
permettant à Chick de réaliser son premier film avec un budget respectable. Il
soumet alors les jumeaux au chantage, ainsi que Michael Starck, patron de PDC,
une firme de production. Mais Michael a un passé trouble, l’homme s’étant passablement
sali les mains..., et un scénario (coécrit par la sœur de Tim - le nouveau
compagnon de Chick) témoigne clairement de ses frasques criminelles.
Comme nous pouvons le constater, il y a un nombre assez
élevé de personnages dans Sauvagerie, certains étant décrits un peu plus
superficiellement. Cette caractéristique a pour conséquence que l’on s’attache
peu au sort de quelques-uns des protagonistes, qui restent surtout des êtres de
façade (Jocelyne, par exemple). J’ai trouvé le début du roman plus
laborieux, l’intrigue mettant un certain temps à trouver son rythme. Mais sitôt ferrée, j’ai voulu connaître le sort de ces individus
atypiques, étonnamment presque tous incestueux (thématique récurrente du récit, dont l'importance qu'elle revêt dans la trame narrative n’est pas sans surprendre) et tous avides de vengeance. Stokoe réussit à créer un crescendo
intéressant jusqu’au dénouement, noir bien entendu, le tout avec un esprit
digne des vigilantes, ces films où le héros tue lui-même les criminels
plutôt que de laisser les autorités se charger de les envoyer en prison.
Bref, si vous aimez ce genre de livres et si vous vous intéressez à l’envers du décor
de l’univers cinématographique américain, vous apprécierez Sauvagerie,
qui vous conviera à une destruction en règle du mythe hollywoodien !
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