Jean Louis Fleury, L’affaire
Céline ou Cendres au Crique-à-la-Roche, Alire, 2015,
335 p.
335 p.
L’affaire Céline ou Cendres au Crique-à-la-Roche
est le cinquième polar de Jean Louis Fleury, le premier à paraître aux éditions Alire
(les quatre précédents avaient été édités chez Guy Saint-Jean). J’ai eu
l’occasion de lire dans l’ordre les romans policiers de Fleury,
dont j’apprécie la façon d’intégrer les régions du Québec
à ses intrigues (bien que, dans le cas de L’affaire
Céline, la région de l’Outaouais ne fasse que modérément partie du récit). Le second tome de sa trilogie Les
marionnettistes, Le syndrome de Richelieu, qui se tramait sur l’île
d’Anticosti en pleine période de chasse, m’avait particulièrement
conquise. J’avais donc hâte de renouer avec les enquêtes d’Aglaé Boisjoli, policière atypique pourvue d’une formation de psychologue.
Une précision d’abord : la mise en forme de L’affaire
Céline contraste de manière considérable avec les précédentes parutions de
l’auteur. En effet, le roman se présente sous la forme d’un rapport que remet Aglaé à ses supérieurs pour justifier sa démission. Cette structure romanesque a l’avantage de
conférer une originalité certaine à la narration, même si elle nous garde un peu à
distance des événements. Mais la forme du rapport est si bien rendue que l'on suit
avec curiosité cette enquête d’Aglaé, qui nous amène près de
Ripon, en Outaouais. La capitaine des projets spéciaux de la sûreté du Québec y enquête sur la mort de René Kahn, spécialiste de l’écrivain Louis-Ferdinand
Céline, retrouvé carbonisé dans un véhicule. Le professeur de la
Sorbonne cherchait au Québec des informations inédites au sujet de
Céline... mais il a visiblement fait un faux pas ! Qui était réellement René
Kahn ? Et quelle est l’implication des autres « céliniens » dans
cette affaire ?
Dans L’affaire Céline ou Cendres au
Crique-à-la-Roche, Jean Louis Fleury montre une fois de plus qu’il sait
habilement ficeler une intrigue. Avec ce cinquième livre, il vient d'ailleurs de
rallier les auteurs de polars québécois dont je suivrai religieusement les parutions : André Jacques, Jean Lemieux, Richard Sainte-Marie (lui
aussi publié aux éditions Alire, qui ont un catalogue
de polars de plus en plus alléchant !)... Ce roman de Jean Louis Fleury est donc d’une grande qualité et d'une originalité certaine avec sa présentation, qui mise surtout
sur l’audace formelle de l’enquête (avec les annexes, notamment). C’est une approche
qui permet de montrer que Jean Louis Fleury a plusieurs cordes à son arc... et
de prouver encore une fois que la corruption est partout, même où l'on refuse
parfois de la voir !
Camille Bouchard, Cartel,
Alire, 2015, 273 p.
Depuis deux ans, Camille Bouchard fait paraître, presque dans
chaque numéro de la revue Alibis, une novella criminelle qui met en
scène les cartels du Mexique. J’espérais donc retrouver ces
textes dans un recueil de nouvelles. C’est le cas de Cartel,
même si le livre est présenté et vendu comme un roman. Les cinq novellas publiées en périodique en 2013 et 2014 ont été organisées afin de s’inscrire dans une
trame narrative unique avec des personnages récurrents. Est-ce que ça
fonctionne ? En ce qui me concerne, je ne peux pas me prononcer, puisque j’avais encore trop en tête, à la relecture, les novellas récemment publiées dans Alibis
(certaines ont été éditées à la fin de 2014... c’est dire qu’il s’est passé peu
de temps entre la parution en magazine et en livre, ce qui est rare dans le milieu de l'édition). Mais j’ai
l’impression que les textes ont d’abord été pensés pour fonctionner de manière
autonome en revue et j’aurais été plus à l’aise avec une
présentation de l’ouvrage en tant que « recueil de nouvelles ».
Nous retrouvons aussi dans Cartel, en plus des novellas/chapitres tous précédemment parus dans Alibis, un bref inédit de onze pages, « Le destin de Benito », qui forme l’épilogue du livre. En tant
que fidèle lectrice d’Alibis, j’aurais aimé découvrir dans Cartel une novella/chapitre inédit(e) de la même
ampleur que les autres, justement parce que j’aime beaucoup les
histoires criminelles mexicaines de Camille Bouchard (et qu’on en redemande). Mais je
ne doute pas que les lecteurs qui ne sont pas abonnés à Alibis
apprécieront ces novellas qui nous font voyager dans
un Mexique peu recommandable !
Je retiens pour ma part surtout les novellas suivantes
(décidément, je n’arrive pas à considérer ce livre comme un roman) : « Parce que, Paulina », une histoire touchante et
haletante, dans laquelle Don Juan, un vieux bandit, se voit confier la garde
des enfants d’El Turco et les amène à travers des montagnes impraticables, et
« Sale argent sale », qui met en scène les jumelles Inès et
Clementina, mêlées à un trafic de billets... qui prendra comme il se doit une
tournure sanglante. Camille Bouchard montre ici encore l’étendue de son talent
pour distiller le suspense ainsi que pour créer des protagonistes fouillés et attachants,
dotés d’une personnalité à multiples facettes. Humains, sans contredit, avec leur travers,
leurs moments de faiblesse le plus souvent, et parfois même, leurs élans de
bonté.
Cartel est donc un recueil – ou un roman – à se
procurer sans attendre pour les fervents de polars qui n’ont pas eu la
chance de lire les textes de Camille Bouchard dans Alibis. Et pour les abonnés du périodique,
comme moi, c’est un rappel du talent indéniable de l’auteur... en espérant
qu’il écrira maintes novellas inédites, à l’instar de celle parue dans Alibis
no 54, qui appartient aussi à son cycle des cartels mexicains !
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